Hockey : les secrets de John-John Dohmen
Dans un livre inspirant et sincère, l’ancien capitaine des Red Lions et médaillé d’or aux derniers J.O., revient sur un parcours de 17 années en équipe nationale de hockey. Il aborde l’ascension de l’équipe belge vers les sommets mondiaux du hockey, ses périodes de doute, ses échecs et sa maladie rare. Mais délivre surtout un message : rien n’est impossible.
C’est une légende du hockey belge et mondial. Avec pas moins de 420 sélections en équipe nationale, John-John Dohmen compte parmi les 5 joueurs les plus « capés » de l’histoire mondiale du hockey. A titre personnel, l’ancien capitaine des Red Lions a aussi été élu « meilleur joueur du monde » en 2017. Et pourtant, ce sont ses résultats en équipe qui lui apportent le plus de fierté. Et pour cause : après avoir rejoint l’équipe nationale avant qu’elle ne porte son surnom actuel et avant qu’elle ne grimpe au sommet, John-John Dohmen a « tout gagné ». Numéros 1 mondiaux, Champions d’Europe, Champion du Monde, médailles olympiques d’argent (Rio 2016) et d’Or (Tokyo 2021), les Red Lions se sont imposés, au fil du temps, comme la meilleure équipe de hockey du monde. A côté de cet impressionnant palmarès international, il ne faut pas oublier les titres belges et l’EHL obtenus avec le Léopold puis le Watducks. A 33 ans et auréolé d’une médaille d’or, John-John Dohmen se livre dans « Game Day », une autobiographie exceptionnelle dans laquelle il dévoile un parcours parsemé de réussites, d’échecs et de coups durs. Mais aussi, et surtout de persévérance, d’ambition et d’excellence. Il y dévoile la maladie rare qui l’a éloigné des terrains, les peines personnelles et les déroutes… Mais témoigne surtout de l’incroyable détermination à réaliser ses rêves sportifs… Morceaux choisis de son livre, récemment paru aux Editions Chronica.
J’aurais pu devenir… Diable rouge
« Aujourd’hui, je ne changerais pour rien au monde mon parcours dans le hockey, mais je m’amuse, parfois, à imaginer que j’aurais pu faire partie d’une tout autre équipe : celle des Diables rouges. Car quand j’étais tout petit, je jouais mieux au foot qu’au hockey. Un peu après ma première coupe, je devais avoir 7 ans, lors d’un autre match de foot auquel je participais avec mon école, un monsieur m’avait observé. Il cherchait à savoir qui était le petit blond qui galopait sur le terrain et qui ne lui semblait pas mauvais. On l’a dirigé vers ma maman et il lui a fait une proposition : rejoindre un club de foot. Cet homme, c’était Herman Van Holsbeeck, le futur manager du Royal Sporting Club d’Anderlecht. À l’époque, il travaillait pour le RWDM et il m’aurait bien vu intégrer les équipes de Molenbeek. Le foot était ma passion à l’époque, mais j’ai quand même refusé. Du moins, c’est ce dont je me souviens, même s’il est aussi peu probable que ma famille m’ait vraiment encouragé à aller vers le foot… Pourtant, je pense que j’aurais pu faire une bonne carrière dans ce sport, car les points communs avec le hockey sont nombreux. Difficile, bien sûr, d’imaginer où j’en serai aujourd’hui si j’avais rejoint le RWDM en tant qu’enfant et si j’avais mené une carrière pro dans le foot. Impossible à dire… même si c’est amusant d’y penser. Être sportif de haut niveau est déjà un rêve en soi. Mais jouer dans des stades de 20.000 à 80.000 personnes qui chantent et vous encouragent, donne envie. Je n’aurai jamais la réponse à cette question et c’est pour ça que je n’ai aucun regret. »
« Quand j’avais sept ans, Herman Van Holsbeeck qui travaillait pour le RWDM m’aurait bien vu intégrer les équipes de Molenbeek. »
Le Miracle de Manchester (2007)
« Le jour J, durant la Coupe d’Europe 2007 qualificative pour les JO, nous étions entrés sur le terrain avec la ferme intention de nous donner à fond et de décrocher notre ticket olympique. Mais les Allemands nous ont totalement dominés durant la première mi-temps. On a pris deux buts et, dès la pause, le coach nous a sérieusement remonté les bretelles. « On est si proches des Jeux olympiques… mais vous ne faites pas ce qu’il faut, nous avait lancé Adam Commens, très mécontent. Vous devez absolument arrêter de les laisser jouer. » C’était un vrai savon parce qu’on était en train de laisser passer notre chance. Ça nous a donné des ailes et on est progressivement remontés à 2-2 grâce à un but d’Alexandre De Saedeleer et un autre de Charles Vandeweghe. On commençait à se dire que le départ pour Pékin était possible quand Jérôme Dekeyser nous a fait prendre le dessus avec un tir dans le coin du but (3-2). Mais alors qu’on se sentait progressivement à l’abri, l’Allemagne a réussi à égaliser à 3-3, sur stroke. Or, si l’on allait aux prolongations, cela risquait d’être vraiment compliqué pour nous. Il ne nous restait que quelques instants avant le coup de sifflet final. À peine sept secondes. Tout à coup, on a obtenu un coup franc dans les vingt-cinq yards. Une dernière occasion. Maxime Luycx a soudain envoyé la balle dans le paquet et Jérôme Truyens, dit Tchouk, l’a déviée dans le goal. Une action qui nous qualifiait directement pour les Jeux olympiques. «
« Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’était pas notre médaille de bronze qui nous réjouissait, même s’il s’agissait d’un exploit historique. Ce que nous avions en tête, c’étaient les JO pour lesquels le hockey belge ne s’était plus qualifié depuis 1976. Cette qualification était extraordinaire et cela justifiait les larmes de joie et l’émotion qui s’étaient emparées de toute l’équipe et de tout le staff. Le rêve de gosse que je caressais depuis si longtemps allait se réaliser. Tout sportif de haut niveau rêve d’une participation aux Jeux. J’avais 19 ans et je touchais mon but ultime du bout des doigts. J’avais l’impression d’avoir réussi ma vie. Avant ce match contre l’Allemagne, se qualifier pour les Jeux olympiques paraissait inaccessible. Tout le monde pleurait de joie, c’était incroyable ! »
Coupe d’Europe 2015
« Le processus de préparation de l’équipe pour les JO 2016 passait par une compétition importante : la Coupe d’Europe, à Londres, en août 2015. C’est à cette occasion que l’entraîneur a jeté un solide pavé dans la mare des Red Lions. En effet, dans sa sélection, il avait décidé de faire jouer quelques jeunes et d’écarter deux membres importants de l’équipe : Thomas Briels et Simon Gougnard. Une surprise pour tout le monde, et certainement pour ces deux joueurs pour qui ce devait être une sérieuse gifle. Mais Jeroen Delmee voulait aborder les Jeux avec la meilleure équipe possible, voulait tester d’autres joueurs et a profité de cette Coupe d’Europe pour le faire. Nous séjournions dans un hôtel situé à une heure de route du lieu de la compétition et… absolument immonde : la moquette au sol était pourrie et il pleuvait dans l’une des chambres imposant aux joueurs de mettre des seaux pour éviter de tremper ce qu’il restait du tapis plain. Un véritable scandale. La nourriture, elle, était tout aussi infecte, à tel point que toute l’équipe se rendait au resto trois fois par jour, sous l’impulsion du staff lui-même. (…) Un match contre l’Allemagne a rapidement tourné au cauchemar après un but annulé fautivement, des erreurs, des cartons… En un quart temps seulement, nous avons pris une raclée monumentale, les Allemands ont trouvé quatre fois le chemin du but. Nous avons perdu 4-0, dans une ambiance délétère et minant totalement le moral de l’équipe… Nous avions terminé ce tournoi en cinquième place, un résultat particulièrement décevant quand on vise ni plus ni moins que la première marche du podium. Inutile de préciser que ce tournoi a remis beaucoup de choses en question et que l’équipe est entrée en crise. »
Tout sportif de haut niveau rêve d’une participation aux Jeux. J’avais 19 ans et je touchais mon but ultime du bout des doigts. J’avais l’impression d’avoir réussi ma vie.
Ma descente aux enfers
« En plein milieu de la Coupe du Monde, en 2018, lors d’une séance de fitness, j’ai recommencé à manquer d’air. Ma respiration devenait, à nouveau, compliquée. L’oppression thoracique était de retour et le moindre effort devenait difficile. Quand j’ai rejoint l’équipe pour des petits matchs d’entraînement, je voyais trouble et j’étais incapable d’accélérer. Cette sensation de ne pas pouvoir respirer c’est une torture mentale. C’est comme devoir respirer par une seule narine toute la journée en faisant du sport. Faites le test, après quelques minutes, ça devient juste insupportable. Je devais me concentrer pour inspirer et expirer, à chaque respiration, tous les jours, depuis trois semaines. Et pour cause… les résultats de la prise de sang que j’ai reçus le lendemain montraient un taux d’éosinophiles dix-huit fois supérieur à celui de ma précédente prise de sang ! Une catastrophe qui a poussé l’équipe médicale à m’envoyer faire un CT Scan pour examiner l’état de mes poumons. « Avec un taux d’éosinophiles aussi élevé et un CT Scan comme cela, si tu étais devant moi en Belgique, je te ferais hospitaliser tout de suite, m’avait lancé un médecin belge consulté à distance sur base de mes résultats. Tu ne peux plus faire le moindre effort physique. C’est trop dangereux ! Tu peux faire une crise cardiaque à chaque instant. » Son verdict m’a glacé le sang. Ma Coupe du Monde s’arrêtait là.
C’en était fini, je devais rentrer et laisser l’équipe continuer la poursuite de notre rêve commun sans moi. Il s’agissait d’un choix naturel dicté par mon état de santé, mais cet instant où je me retrouvais au pied du mur n’était pas simple à accepter, après des mois d’efforts pour arriver à cette compétition tant attendue. (…)Et même si je n’ai pas pu terminer la compétition, je ne nourrissais aucune amertume ou déception. Aucune ! J’avais été sélectionné, j’étais titulaire et j’ai donné tout ce que j’avais pendant quatorze ans pour atteindre nos rêves. J’ai joué deux matchs de la Coupe du monde avec une pneumonie et j’estimais totalement mériter ce titre. Je n’avais pas pu tout jouer, d’autres avaient fait le job pour moi, comme moi je l’avais déjà fait pour eux par le passé. C’est ça une équipe ! »
L’exploit du Watducks en EHL
« La finale de l’EHL, en 2019, nous opposait, nous le Watducks, au Rot-Weiss Köln, le club de Cologne que rejoindra plus tard Vincent Vanasch. Nous avons eu très peur lorsque les Allemands ont placé une balle dans le fond du but, mais j’avais repéré une faute de pied et j’ai donc immédiatement demandé la vidéo qui a confirmé ce que j’avais vu. But annulé ! C’est William Ghislain qui a ouvert le score pour nous, à la 42e minute. Un bel exploit qui nous rendait tous extrêmement confiants. De son côté, Vanasch a réalisé un match stratosphérique avec des arrêts incroyables. Et nous nous trouvions dans une situation où l’on commençait à se dire que plus rien ne pouvait arriver… à part gagner ce tournoi mythique. Mon moment préféré dans le sport. On sent qu’on va gagner, il reste quelques minutes, on célèbre à chaque fois qu’on repousse une offensive adverse. Il n’y a pas plus beau. Nous avions tellement pris le dessus psychologiquement qu’en fin de match, le coach adverse a décidé de sortir le gardien, une décision quitte ou double. Mais cela ne leur a pas servi, nous leur avons mis trois buts et nous nous sommes imposés 4-0. Un superbe exploit pour une équipe pourtant déforcée. Cette victoire, nous en étions fiers. Pour la première fois, un club belge remportait l’EHL ! Et de la plus belle des manières. Inutile de dire que notre équipe du Watducks a fêté la victoire comme si elle remportait les Jeux olympiques ou une Coupe du Monde… »
Mon moment préféré dans le sport. On sent qu’on va gagner, il reste quelques minutes, on célèbre à chaque fois qu’on repousse une offensive adverse. Il n’y a pas plus beau. »
La médaille d’or à Tokyo
« (…) Moi qui suis monté en puissance dans ma vie et dans le hockey de manière régulière et sans grandes difficultés, jusqu’à accomplir mon rêve à Rio en 2016, je venais de vivre, en quelques années seulement, les moments les plus durs de ma vie personnelle et les plus beaux de ma carrière dans le hockey. En montant sur le podium, je ressentais tout de même la fierté m’envahir. J’étais fier car cette médaille d’or que je portais autour du cou n’était pas seulement l’accomplissement du rêve de l’enfant que j’étais à l’issue d’un match d’enfer et d’un excellent tournoi. Elle était aussi, et surtout, le résultat d’un travail individuel et collectif de plus de quinze ans, de la progression sportive obtenue à force de persévérance et d’acharnement. Sur la plus haute marche du podium à Tokyo, j’ai aussi pris toute la mesure de la valeur de cette médaille. J’en connaissais parfaitement le prix et je me souvenais de toutes les petites et grandes victoires qui nous ont permis d’arriver jusque-là, mais aussi des défaites et des échecs qui nous avaient mis à terre. J’étais, et je suis toujours, fier de cette équipe incroyable. »
Livre « Game Day » de John-John Dohmen Editions Chronica, 232 pages
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