CONFIDENTS
La parole à ses hommes de confiance.
Mauvaise semaine pour Anthony Vanden Borre (19 ans). Samedi dernier, le jeune Anderlechtois endurait avec le RSCA son deuxième revers de la saison à Gentbrugge. Trois jours plus tôt, avec les Diables Rouges, il n’avait pas été davantage à la fête contre la Pologne. Et, comme un malheur ne vient jamais seul, dans un cas comme dans l’autre le plus jeune joueur du Sporting ne s’était guère montré sous son meilleur jour. Retiré du jeu, dès la 46e minute au profit de Stein Huysegems en sélection, il aura joué de malchance chez les Buffalos aussi en commettant le penalty de l’égalisation après un accrochage pour le moins inutile sur la personne de son ex-coéquipier au Parc Astrid, Christophe Grégoire. Du coup, la mécanique mauve et blanc s’enraya au point de ne plus trouver ses repères face aux Gantois.
La saison de l’international belge est faite, jusqu’à présent, de hauts et de bas. Il avait plutôt mal débuté le championnat en livrant une prestation de piètre facture à Saint-Trond. Si les Canaris avaient mené à un moment donné par 2-1, avant de se faire remonter complètement les bretelles, c’était dû justement à un oubli de sa part sur la personne d’ AsandeSishuba. Une semaine plus tard, il n’avait pas été plus heureux avec une expulsion, pour cumul de cartes jaunes, devant le Germinal Beerschot. S’il accusa le coup, l’équité commande d’écrire aussi qu’il se racheta par la suite. Au Standard, dans un passé somme toute récent, il fut ni plus ni moins le meilleur des siens sur le terrain. Et contre le Cercle Bruges, il donna le ballon du but d’ouverture à Mbo Mpenza. Avant de fléchir, de manière abrupte, au cours de la huitaine passée.
» Je suis conscient qu’Anthony souffle le chaud et le froid « , admet FrankVandenBorre, l’un des frères aînés du joueur qui se double aussi de son principal confident au sein de la famille. » Ces fluctuations ne sont peut-être pas tout à fait anormales dans le chef d’un garçon qui, ne l’oublions tout de même pas, est encore toujours un teenager. Ailleurs, je constate qu’on fait montre de beaucoup d’indulgence pour des gars de son âge. Dans ce cas-là, il est visiblement admis qu’un joueur puisse avoir des hauts et des bas. Mais pour mon frérot, manifestement, c’est différent. D’accord, il a trois années de professionnalisme dans les jambes. Mais d’autres, qui en comptent nettement plus à leur compteur personnel, ont droit à une plus grande clémence. Ce n’est pas juste « .
» Il n’aime pas s’avouer vaincu »
» Face à la Pologne, je suis le premier à admettre qu’Anthony n’a pas réalisé un match d’anthologie. Mais, par rapport à ses coéquipiers, pour le moins inertes, il a au moins eu le mérite d’essayer quelque chose. Ce n’est probablement pas un hasard si la seule véritable occasion qui nous a échu, au cours des 45 premières minutes, ait été consécutive à une action de sa part sur le flanc. Si un arrière ne s’était pas interposé in extremis, je pense que la Belgique aurait hérité de sa seule opportunité de but réelle en première période. C’est assez significatif de notre indigence. Et je ne pense pas que la situation se soit bonifiée par la suite, après le retrait de mon frère.
Certains ont pointé un doigt accusateur sur lui, sous prétexte qu’il avait perdu bon nombre de ballons sur son aile à force de vouloir remporter son duel avec son opposant direct. Cette obstination est peut-être, effectivement, un péché mignon chez lui. Elle ne découle toutefois pas d’un manque de lucidité comme le prétendent l’un ou l’autre. Au contraire, Anthony sait très bien ce qu’il fait et il se rend parfaitement compte des risques qu’il prend. S’il persévère, c’est tout simplement parce qu’il n’aime pas s’avouer vaincu. Et sûrement pas face à un adversaire de cet acabit. Là où d’autres font preuve de trop de respect, lui ne cultive pas la même déférence. A la limite, il est même trop sûr de lui.
Durant ces quelques années au plus haut niveau, je ne l’ai jamais entendu évoquer le nom d’un joueur qu’il était appelé à museler, aussi prestigieux qu’il fût. Pour lui, DidierDrogba ou VanPyperzele, c’est vraiment kif-kif. Aujourd’hui, en dépit de la position précaire de la Belgique dans son groupe de qualification pour la Coupe du Monde, je suis certain qu’Anthony doit être l’un des seuls Diables Rouges à croire encore en une possible issue favorable pour nos couleurs. Il est persuadé, en tout cas, que nous avons les moyens de battre les Portugais, qui se dresseront à deux reprises sur notre route l’année prochaine. Et je dirais même plus : mon frère est intimement convaincu, aussi, que la Belgique remportera la Coupe du Monde un jour. Peut-être pas en 2010 mais en 2014 ou 2018, qui sait. Cette année-là, il n’aura jamais que 31 ans, de toute façon.
Sa foi découle de son propre vécu. Tant avec la jeune classe anderlechtoise qu’avec les sélections nationales de jeunes, il a toujours tenu le haut du pavé. Ce n’est qu’au plus haut niveau qu’il y a un manque de résultats. Pour lui, c’est l’évidence même : dès qu’il aura retrouvé tous ses potes avec qui il faisait des perfs, autrefois, autrement dit ses compagnons d’âge, la Belgique ira à nouveau de l’avant. Je n’oserais être aussi affirmatif que lui mais si l’effectif des Diables Rouges faisait déjà l’unanimité et si chacun d’entre eux jouait à sa meilleure place, on ferait déjà avancer le schmilblick. Moi, en tout cas, je ne comprends pas tous ceux qui s’évertuent à voir en lui un joueur de couloir. Anthony doit jouer dans l’axe et nulle part ailleurs. Mettez-le à côté de LucasBiglia à Anderlecht et de TimmySimons en équipe nationale et tout le monde sera édifié « .
» Les gens ont une impression erronée de lui »
Depuis le début de cette campagne, YvonVerhoeven fait office de conseil pour Anthony Vanden Borre au Parc Astrid. Directeur de la cellule sociale, cet ancien gestionnaire de fortunes avait été détaché par la direction auprès de VincentKompany afin de gérer – et de filtrer – les nombreuses sollicitations dont celui-ci était devenu l’objet après avoir été sacré meilleur joueur du pays. De secrétaire particulier, rôle qu’il continue d’ailleurs à jouer pour Vince, l’homme est devenu aujourd’hui, quasiment, un deuxième père pour le coming man anderlechtois.
» Je gère les demandes d’interviews et autres requêtes pour lui, comme je le faisais dans le cas de Vincent mais il va sans dire qu’Anthony est nettement moins sollicité « , observe notre allocutaire. » Ce n’est pas anormal, Vince avait absolument tout pour plaire, dès le départ : non seulement ses qualités footballistiques mais aussi sa maîtrise des langues et son entregent. Anthony, par rapport à lui, accusait un déficit en matière d’image car beaucoup voyaient en lui, au début, un garçon nonchalant et indolent qui ne correspond pas du tout à la réalité, pour ceux qui le connaissent bien.
On prétend souvent que la première impression est la bonne. Mais ce n’est pas de mise dans le cas qui nous préoccupe. Anthony a, certes, la démarche chaloupée de pas mal de jeunes de son âge. Par son habillement ou ses attitudes, il déconcerte peut-être parfois. Mais ce n’est pas du tout un garçon désintéressé ou mou, comme d’aucuns le dépeignent parfois. Au contraire, il est branché, appliqué, et s’investit comme nul autre dans son métier. Mais c’est un jeune poulain qui doit sans cesse être bridé.
La genèse de notre relation remonte en tout début d’exercice. Avec la franchise qui le caractérise, Anthony avait alors avoué que le team-buiding et l’approche du psychologue, Johan Desmadryl, n’étaient pas vraiment son truc. Cette interview avait fait les choux gras de certains, alors que le propos d’Anthony n’était manifestement pas de heurter. C’est pourquoi, à partir de là, on a estimé le moment venu de recadrer l’une ou l’autre choses et d’instaurer des séances de media training, par exemple.
Au début, je me souviens qu’ AndyVercauteren, le fils de Frankie, chargé de ces cours, s’était plaint de l’attitude passive d’Anthony. Pour cerner parfaitement le personnage, je mesure que ce n’était pas par désintérêt qu’il ne s’était pas investi. De naturel introverti, il n’avait tout bonnement pas osé s’épancher, préférant observer un petit round d’observation. Mais depuis que la glace a été rompue, il est l’un des plus actifs aux cours.
Ma mission, depuis le mois d’août, aura été de restaurer quelque peu cette image de je-m’en-foutiste qu’il donne en apparence mais qu’il n’est pas en son for intérieur. Dans cet ordre d’idées, il aura déjà marqué pas mal de points, récemment, suite à sa visite à l’Institut Don Bosco à Hal. Là-bas, certains jeunes, en retard scolaire, mais pour qui il fait figure d’idole, ont découvert un Anthony sous un tout autre jour. Ce n’était pas celui qu’il voyait à l’écran, au-dessus de la mêlée, mais un pote attachant qui venait jouer et discuter de football avec eux.
Ces initiatives-là, et le socio-caritatif dans l’ensemble, plaisent à Anthony et nous allons les multiplier. Contrairement à Vince, avec qui on pouvait rendre visite aux enfants cancéreux, Anthony, lui, a une appréhension pour les blouses blanches et les hôpitaux en général. Mais mettez-le en présence de jeunes, dans une cour de récréation, et il s’épanouira complètement. Cette extériorisation-là, privée, devrait pouvoir lui être bénéfique aussi dans la vie de tous les jours et sur le terrain. Alors seulement, les gens le verront sous sa véritable identité : celle d’un gars bien sous toutes ses coutures « .
BRUNO GOVERS
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