BONS SIGNES
La reprise des Mauves en Belgique a tourné à la démonstration au Kuipje pour certains joueurs jusqu’ici négligés.
Le 19 novembre passé, à l’occasion de la 14e journée, le RSCA subissait sa toute première défaite en championnat, des £uvres de Westerlo : 2-1. Un revers qui découlait d’une certaine logique car les Bruxellois n’ont jamais été à l’aise au Kuipje. On n’en veut pour preuve que le cinglant 6-0 qu’il y encaissèrent sous Arie Haan en 1998-1999, suivi par un cinglant score de forfait, l’année suivante sous la houlette d’ Aimé Anthuenis.
Vendredi dernier, pour les besoins de ses retrouvailles avec le sol belge après une bonne semaine de préparation à La Manga, en Espagne, le Sporting a furieusement inversé la tendance : 1-6. Si une joute amicale ne peut être décemment comparée à une rencontre de compétition, force est de reconnaître que les footballeurs de Frankie Vercauteren auront marqué des points précieux dans ces circonstances au plan de la confiance et, surtout, du jeu.
Compte tenu des disponibilités, l’équipe anderlechtoise avait pourtant été sérieusement remaniée d’un match à l’autre. A l’automne, elle s’était encore déplacée en Campine avec, quasiment, son onze de base, puisque seul Anthony Vanden Borre manquait à l’appel ce soir-là et, dans une moindre mesure, Nenad Jestrovic. Mais le buteur serbe ne faisait déjà plus l’unanimité à ce moment et on ne pouvait parler d’une attaque déforcée avec le trio Christian Wilhelmsson– Mbo Mpenza– Serhat Akin.
En raison du forfait, pour pépins physiques divers, de toute la division offensive, c’est le seul Grégory Pujol, qui fut appelé à officier en pointe, soutenu par Pär Zetterberg dans l’axe et par Goran Lovre et Bart Goor sur les flancs. Besnik Hasi se chargeait de la couverture devant la défense, composée comme lors du premier match du quatuor formé de Michal Zewlakow– Roland Juhasz– Hannu Tihinen – Olivier Deschacht avec Anthony Vanden Borre comme piston entre les lignes. Du 4-3-3 initial, on était donc passé à un 4-1-1-3-1.
Et après 45 minutes, soldées sur le score de 0-3, les enseignements étaient déjà très nombreux. En premier lieu concernant Pujol. Si le nouveau transfuge argentin, Nicolas Frutos, a été recruté notamment pour ses aptitudes comme pivot aux avant-postes, le Français, manifestement, ne manque pas de qualités en la matière non plus. Tout au long des 45 premières minutes, il se sera en tout cas révélé un poison pour l’axe défensif adverse composé de Mario Verheyen et de Kris Janssens. Avec, à la clé, ses deux premiers buts en équipe fanion.
» J’ai cru comprendre qu’Anderlecht avait toujours des difficultés ici « , disait Pujol après coup. » Mais personnellement, Westerlo me réussit. Avec les Réserves, j’avais déjà fait coup double, à présent j’ai été proche d’un hattrick en Première, que demander de plus ? Si le sol n’avait pas été gelé, j’aurais probablement mieux exploité un bon service de Goran Lovre et trompé Ronny Gaspercic. Dans l’ensemble, je ne vais quand même pas bouder mon plaisir. Pour moi, ces deux buts sont, je l’espère, synonyme de véritable envol au Parc Astrid « .
Lovre reste un médian qui se multiplie
Le franc-parler du Français contraste quelque peu avec le langage tenu par deux autres éléments particulièrement en verve sur la pelouse du Kuipje : Lovre et Zewlakow. Le premier aura connu des fortunes ô combien diverses en 2005 : membre à part entière du onze de base sous la double férule d’ Hugo Broos d’abord, puis de Vercauteren, le jeune Serbe n’a pas été crédité d’une seule minute de jeu au cours des 18 premières journées de compétition. Son potentiel est pourtant indiscutable. A l’image des milieux de terrain modernes, le principal intéressé possède cette faculté de pouvoir se multiplier aux quatre coins du terrain et d’opérer aisément la jonction d’une position de repli à une place plus avancée, ce qui n’était pas le fort d’un Walter Baseggio, par exemple. Cet atout explique pourquoi en haut lieu, on tient absolument à le garder. Un contrat de 450.000 euros annuels lui a même été proposé. Mais Lovre se tâte toujours car il veut être sûr de jouer en prévision de la Coupe du Monde. Or, il sait que les places sont chères chez les Mauves.
» Dans un entrejeu à trois composantes, comme ce fut souvent le cas lors des matches aller, je n’ai jamais eu ma chance cette saison « , observe-t-il. » Pourtant, comma agent de liaison entre un élément à vocation défensive, tel Yves Vanderhaeghe et un créateur du type Pär Zetterberg, je pense avoir mon utilité. Dès l’instant où l’entrejeu est plus fourni, avec un seul homme en pointe comme aujourd’hui à Westerlo, j’ai peut-être une plus belle carte à jouer. Même si les possibilités ne manquent pas puisque, par rapport au début de la saison, il faut encore compter aujourd’hui dans ce secteur sur la présence de Vanden Borre, Cheik Tioté, Mark De Man ou VincentKompany. Ce n’est pas de la rigolade dans ces conditions. J’ai eu des offres de Stoke City et du FC Twente récemment. Mais mes faveurs vont toujours à Anderlecht. D’autant plus que, par rapport au début de cette campagne, j’ai le sentiment de m’être rapproché d’un poste de titulaire. Les prochains jours, avec des matches contre le Borussia Mönchengladbach d’abord, puis la reprise du championnat face au Cercle Bruges, me permettront d’en savoir plus sur les intentions précises du club à mon égard. Si j’ai des bonnes perspectives de jouer, je pense que ma place est toujours à Anderlecht et nulle part ailleurs « .
Pujol : » On m’a injustement traité »
Jusqu’à présent, il est vrai, le transfuge du FC Nantes n’avait pas été gâté. A l’image de Fabrice Ehret, un autre Français qui l’avait précédé au RSCA un an plus tôt, Greg n’aura pas eu souvent l’opportunité de pavoiser jusqu’ici : quatre apparitions à peine en Première, invariablement pour des bribes de match, sauf à La Louvière lors de la partie de clôture de 2005. C’est évidemment très maigre pour quelqu’un qui voulait se relancer en Belgique.
» J’avais été contrarié par des bobos divers en France et je me rendais compte, dès lors, que je devrais repartir de zéro « , enchaîne-t-il. » Mais je ne savais pas que ce serait aussi ardu. A la Beaujoire, j’avais toujours été habitué à un style plutôt académique, à contre-courant de la manière d’opérer de la plupart des autres équipes et je m’attendais à retrouver la même chose à Anderlecht. L’ancien manager, Robert Budzinski, qui avait connu Vercauteren chez les Canaris, m’avait incité à faire le pas, convaincu que je serais entre de bonnes mains. Lors du stage en Espagne et dans le contexte du présent match à Westerlo, je me fais la réflexion qu’il en est bel et bien ainsi. Mais auparavant, je ne cache pas que je suis resté sur ma faim, à tous points de vue « .
Pujol ne comprend pas pourquoi, après avoir recouvré ses moyens, il n’a jamais joui de plus de temps de jeu au plus haut niveau. Pourtant, selon ses propres dires, il aurait pu se montrer utile à certains moments. A l’extérieur notamment, lorsque le RSCA éprouvait toutes les peines du monde à conserver le ballon devant, dans l’attente d’un soutien des hommes du milieu. Un épisode d’autant plus difficile à vivre qu’il fut égratigné, au même titre qu’Ehret, par une certaine presse flamande, qui prétendait que le Sporting avait acheté avec eux autant de chats dans un sac.
» Si j’avais été franchement mauvais, j’aurais admis la critique « , observe-t-il. » Mais là, d’aucuns se sont acharnés sur moi alors que je n’avais encore jamais eu la possibilité de prouver quoi que ce soit. J’ai été traité de manière injuste, sans pouvoir me défendre. A présent, je n’aspire qu’à une chose : démontrer que j’ai ma place au Sporting. Ce ne sera pas évident, car la concurrence est sévère. Mais quoi que l’on ait écrit, je n’ai jamais eu l’intention de jeter le gant ou de solliciter un nouveau transfert. Je me suis donné une saison pour réussir et je veux aller au bout de mon objectif « .
La cote de Zewlakow est à la hausse
Ce sentiment est davantage perceptible encore auprès de Zewlakow. L’arrière polonais est revenu de loin, lui aussi. A cette nuance près que tout s’est subitement précipité pour lui dès l’instant où Vanden Borre a progressé d’un cran sur l’échiquier. Depuis ce moment, l’ancien Mouscronnois s’est ancré au back droit. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que si l’équipe anderlechtoise a offert un tout nouveau visage au Kuipje par rapport à sa visite précédente, la composition de sa ligne arrière, elle, n’a pas varié d’un iota, puisqu’elle s’articulait déjà autour du même quatuor, avec Mike à droite.
En fin de contrat cette saison, le frère de Marcin s’est longtemps considéré comme partant ces dernières semaines. D’autant plus que des prestations enviables avec l’équipe nationale, face à l’Angleterre notamment, avaient attiré l’attention sur lui aux Iles. Et en Ecosse, plus particulièrement, où les Hearts of Midlothian et le Celtic Glasgow lui avaient fait les yeux doux. Aujourd’hui, Zewlakow se tâte. D’un côté, il a la possibilité de découvrir une nouvelle compétition, avec les risques qu’un tel changement comporte. Il est bien placé pour le savoir puisque son frérot, porté aux nues à Mouscron, n’a jamais trouvé sa place à Metz où il est sur le départ à présent. D’autre part, il sait à quoi s’en tenir au Sporting où l’on est disposé à lui offrir un demi-million d’euros annuellement en échange d’une prolongation de contrat. Un prix qui peut sans doute sembler exagéré aux yeux de certains mais que la direction du RSCA le juge par rapport à sa polyvalence et son extrême droiture. Car en dépit des vicissitudes qu’il a connues, l’international polonais a toujours fait contre mauvaise fortune bon c£ur, se révélant à tout moment un professionnel exemplaire.
» Je n’ai jamais dit que je voulais quitter Anderlecht « , affirme-t-il. » Mais c’est vrai que j’y ai songé à un moment donné. Quoi de plus normal, j’ai une réputation à défendre et je ne puis y parvenir qu’en jouant. Or, mon temps de jeu était vraiment très limité au cours des premiers matches de la compétition. Au fil des semaines, cette situation a évolué au point de basculer complètement. Même si rien n’est jamais acquis de façon définitive, je me sens nettement mieux maintenant. D’ici la fin du mercato, le Sporting peut recevoir une offre intéressante pour moi, sans compter qu’un club peut toujours me faire une belle proposition aussi. Ce n’est qu’à la fin du mois de janvier que je serai fixé sur mon avenir « .
Les 45 minutes fantastiques de Mitu
En deuxième mi-temps, à Westerlo, Vercauteren modifia ni plus ni moins la moitié de sa copie en lançant simultanément au jeu Daniel Zitka (pour Silvio Proto), Yves Vanderhaeghe (Besnik Hasi), Laurent Delorge (Anthony Vanden Borre), Sami Allagui (Grégory Pujol) et Marius Mitu (Pär Zetterberg). Parmi ce quintette, c’est le Roumain qui se révéla le plus en verve. Sa première balle, déjà, fit mouche, sur un lob que n’aurait pas désavoué Diego Maradona. Et, dans la foulée, l’ex-régisseur du Lierse distilla deux caviars à destination de son bon compère Laurent Delorge, qui troua les filets à autant de reprises.
Avant la rencontre, dans le couloir menant au terrain, nous avions insisté pour que le génial Roumain nous accorde une interview, lui qui était sorti pour la toute première fois de son mutisme, depuis son arrivée au Sporting, lors du stage à La Manga. Mais il nous avait opposé une fin de non-recevoir, sous prétexte que sa situation n’avait toujours pas réellement changé au Parc Astrid. Après le match à Westerlo, en dépit d’une prestation 18 carats, son point de vue n’avait toujours pas changé : » Si je me suis lâché à un moment donné en Espagne, c’est contraint et forcé par le staff technique. J’ai finalement marqué mon accord pour une brève interview mais je ne me vois pas, pour l’instant, m’étendre tant et plus sur mes premiers mois au Sporting. Un jour, promis juré, je livrerai mes états d’âme. Mais dans l’immédiat, il faudra s’en tenir à ce que j’ai dit à La Manga. C’était déjà assez explicite « .
Dans cette interview accordée à notre collègue du journal Le Soir, Stéphane Thirion, Mitu avait avoué sa détresse : » Durant toute ma carrière, je n’étais jamais tombé aussi bas. Encore aujourd’hui, je me sens mal. Même si tout devenait rose pour moi au deuxième tour, je ne pourrai jamais oublier ce qui vient de m’arriver. Je serai marqué à vie par ce que j’ai vécu depuis six mois « .
Au Kuipje, où il a relayé un bon Zetterberg, le Roumain a clairement indiqué qu’il ne fallait pas chercher autre que lui pour succéder au Suédois qui, comme chacun le sait, tirera sa révérence en mai. Dans la mesure où Zet admet lui-même qu’il ne supporte plus les efforts à répétition et que Baseggio a émigré, tout porte à croire que Mitu bénéficiera de plus de temps de jeu lui qui, lors des matches aller, avait dû se contenter d’une seule montée au jeu (une vingtaine de minutes), à l’occasion du match contre La Louvière. Ce qui lui avait déjà suffi pour inscrire un but…
Dans son petit laïus d’après match, Vercauteren allait d’ailleurs mettre en exergue la toute bonne prestation de l’ancien Lierrois ainsi que des autres joueurs qui, par la force des choses, ont souvent dû se contenter d’un rôle de spectateur lors des matches aller : Delorge et Pujol entre autres. Ces satisfactions-là, jointes aux toutes bonnes combinaisons dévoilées à Westerlo, le confortaient dans l’idée que son Sporting avait bien travaillé en Espagne.
BRUNO GOVERS
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