Qui est Victor Wembanyama, l’extraterrestre qui fait saliver la NBA ?
LeBron James et Stephen Curry en sont fous. Le basket mondial ouvre de grands yeux. Et ce n’est que le début. Bientôt, Victor Wembanyama jouera en NBA. Histoire d’un phénomène.
Sur les parquets de NBA, Dirk Nowitzki n’est pas n’importe qui. L’Allemand est considéré comme le meilleur joueur européen de l’histoire de la Ligue. Son palmarès affiche un titre de MVP (Most valuable player), le meilleur joueur de la saison, une petite quinzaine de sélections dans la team All-Star, et surtout un titre en 2011, le seul de l’existence des Dallas Mavericks. Dirk Nowitzki n’a pas non plus joué contre n’importe qui. Il a croisé la route de Michael Jordan, livré quelques duels épiques contre LeBron James et affronté un peu plus de cinquante fois Kobe Bryant. Pourtant, l’Allemand peut encore être surpris: «On pense toujours qu’on a tout vu. Et puis, on voit arriver un Victor Wembanyama.»
Victor sait tout faire. Stephen Curry le compare d’ailleurs à un joueur créé dans un jeu vidéo.
Victor Wembanyama. Né le 4 janvier 2004 à Le Chesnay, à l’ouest de Paris. Nouvelle égérie du basket mondial. On le présente déjà comme le plus grand espoir du sport depuis LeBron James, atterri sur les parquets de NBA voici vingt ans. James, lui-même, présente Wembanyama comme «un alien». De quoi situer le niveau du Français.
Forcément, le Parisien était l’égérie de la Draft Lottery. Un événement organisé au cœur du mois de mai à Chicago, où la Ligue désigne l’ordre de choix des équipes pour la draft, une sélection des jeunes joueurs les plus talentueux sur le marché. Cette année, le numéro 1 était particulièrement convoité. Parce qu’il n’y avait aucun doute: le premier à choisir jetterait son dévolu sur Victor Wembanyama.
Hall Of Fame
Le concept est à l’américaine: plus une équipe a été mauvaise durant la saison, plus elle augmente ses chances de remporter le gros lot. Un règlement qui incite certaines franchises à ne pas jouer le coup à fond, pour augmenter leurs chances de finir le plus bas possible dès qu’elles constatent qu’elles ne pourront pas jouer les premiers rôles. Stratégie adoptée cette année par les Detroit Pistons, les Houston Rockets ou les San Antonio Spurs, qui bénéficiaient donc chacune de 14% de chances d’obtenir le premier choix. Lors de la loterie de Chicago, le hasard a souri aux Spurs.
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De l’autre côté de l’Atlantique, c’est depuis le quartier général de Nike, sur les Champs-Elysées, que Victor Wembanyama a suivi le tirage au sort en compagnie de ses parents, ses amis, ses coéquipiers et ses coachs. Quand l’avant-dernière enveloppe a dévoilé le nom des Charlotte Hornets, les applaudissements ont envahi la pièce. Il était alors clair que la dernière enveloppe, celle qui garantit le premier choix le 22 juin, livrerait le nom des San Antonio Spurs. En communicant déjà avisé, le Français s’était bien gardé d’afficher une préférence, mais les visages ne mentaient pas. Il faut dire que les Spurs sont très populaires dans l’Hexagone, pour avoir accueilli (et sacré) par le passé Boris Diaw et Tony Parker.
Chez les Texans, le sourire doit être encore plus grand. La nouvelle tombe au bon moment pour une franchise qui, après n’avoir raté qu’une fois les play-offs – auxquels participent seize équipes – entre 1990 et 2019, n’est pas parvenue à s’y qualifier lors des quatre dernières saisons. Pour la troisième fois de leur histoire, les Spurs remportent la Draft Lottery, avec d’heureux précédents: en 1987, ils avaient choisi David Robinson puis, dix ans plus tard, Tim Duncan. Deux joueurs qui sont aujourd’hui au «Hall of Fame» de la NBA.
Un demi-milliard de dollars
La hype est évidemment au rendez-vous. Dès la saison prochaine, les observateurs s’attendent à ce que Victor Wembanyama transforme son équipe en un invité incontournable des play-offs, si pas en candidat au titre. Les experts évaluent que sa venue augmentera à elle seule la valeur de sa franchise d’un demi-milliard de dollars.
Une telle pression a déjà fait chuter bien des talents. Greg Oden, premier choix en 2007, s’est immédiatement blessé et n’a pu disputer que 105 matchs. Markelle Fultz, élu en 2017, a semblé perdre toutes ses capacités face au panier dès sa première saison de NBA et n’a jamais surmonté cette entame catastrophique. Wembanyama est cependant d’un autre acabit. Ces derniers mois, alors que le buzz n’a fait que grandir, le Français a prouvé qu’il pouvait garder la tête froide. «C’est sous la pression que le charbon devient du diamant», a un jour déclaré le cycliste belge Tom Boonen. Pour Wembanyama aussi, pression semble rimer avec prestation. L’enjeu ne fait qu’améliorer son jeu. «J’ai toujours eu ça en moi, confiait l’intéressé en octobre, à l’occasion de deux matchs d’exhibition à Las Vegas qui servaient de présentation au public américain. Qu’il s’agisse d’un match de basket ou d’une partie de cartes, si je suis sous pression, je deviens deux fois plus fort.»
Wembanyama portera bientôt le maillot des Spurs, comme Tony Parker avant lui.
Le Parisien doit donc être à la hauteur des attentes. Pour la compétition française, où il joue actuellement sous le maillot des Metropolitans 92 de Levallois-Perret, il est en tout cas devenu trop grand. Et pas seulement physiquement. Victor Wembanyama mesure 2,21 mètres. Voire 2,23, selon certaines sources. Il a une envergure de 2,24 mètres. Hors norme, même pour la NBA. Bloquer les tentatives adverses ou planter un panier semble toujours se faire sans difficulté. Il y a pourtant de grands gabarits à la pelle sur les parquets américains, mais rares sont ceux qui jouent comme lui.
On dirait qu’il flotte. Il est capable de dribbler avec un air nonchalant, mais sans jamais perdre le contrôle de la balle. Il n’a pas seulement les yeux qui comprennent les déplacements de ses coéquipiers, il possède aussi des mains capables de les servir idéalement. Il marque des points sous l’anneau comme derrière la ligne des trois points. Stephen Curry, la star des Golden State Warriors, résume en affirmant qu’un tel joueur ne se crée normalement que dans les jeux vidéo. En résumé, le Français sait tout faire. Aux Etats-Unis, on le surnomme déjà «Unicorn». Parce qu’il n’y a que les licornes qu’on rencontre aussi rarement que les joueurs de son espèce.
Wembanyama est exceptionnel, et il le sait. «J’ai toujours eu la sensation que je jouais à un autre niveau, déclarait-il déjà l’an dernier au New York Times. J’ai toujours essayé de faire les choses de façon originale. C’est vraiment quelque chose qui me tient à cœur: être original. Je pense que je suis né pour ça.» Pour ESPN, il ajoute: «Je n’ai jamais laissé mes coachs me limiter à un registre. Je suis heureux d’avoir toujours conservé cette volonté, même s’il s’agissait parfois d’un combat quotidien.»
Le développement de la licorne Wembanyama
En France, on s’est rapidement rendu compte que Victor Wembanyama n’était pas comme les autres. Il s’est fait remarquer dès ses 10 ans, quand il foulait le parquet avec son équipe de Le Chesnay, à côté de Versailles. La première fois que Michael Allard, entraîneur de la JSF Nanterre, a croisé sa route, il a pensé que Victor n’était pas un joueur, mais l’entraîneur-assistant.
Le basket était déjà une histoire de famille. Sa grande sœur, Eve (1,86 m), est internationale française. Son petit frère, juste au-delà du double mètre, traîne aussi sur les parquets. Presque une passion génétique, puisque la mère, Elodie, et son 1,92 m ont également embrassé une carrière professionnelle. Le père, Felix, sauteur en longueur puis coach d’athlétisme, fait figure d’exception, mais culmine tout de même à deux mètres. Moins que l’arrière-arrière-grand-père congolais de Victor, pointé à 2,15 mètres. Tout n’est pourtant pas une histoire de gènes, affirme Elodie. La mère entraînait ses enfants chaque jour et, surtout, les nourrissait avec des aliments bio en prenant bien soin qu’ils ne mangent jamais deux fois la même chose. «C’est peut-être un peu exagéré de sa part», sourit néanmoins Victor sur ESPN.
Après Le Chesnay, Michael Allard attire donc le jeune talent à Nanterre. A 13 ans, Victor remporte son premier championnat et ne peut retenir des larmes de joie. Très vite, le phénomène prend de l’ampleur. Elodie et Felix tentent bien de protéger leur fils face aux curieux mais comprennent rapidement que la vie de leur enfant ne sera plus jamais normale. Avec l’aide d’un diététicien, sa nourriture est adaptée à sa croissance rapide. A l’école, tout est mis en œuvre pour que ses études soient menées sans entraver sa carrière sportive. A Nanterre, environ 25 personnes se relaient au service de Wembanyama.
La hype gonfle encore en 2020, quand le Web fait buzzer la vidéo d’un entraînement lors duquel Rudy Gobert, international français, 2,16 mètres sous la toise et trois fois élu meilleur défenseur de NBA, est aisément baladé par l’adolescent. Wembanyama s’exile alors quelques temps à l’ASVEL Lyon-Villeurbanne, puis revient à Paris pour se rapprocher des siens. A la fin de l’année dernière, ses Metropolitans 92 affrontent Ignite, une équipe de G League, la compétition de jeunes de la NBA, à l’occasion d’une double confrontation. Chaque équipe gagne une fois, mais on ne parle que de Victor et de ses 73 points plantés en deux duels. La NBA se met alors même à diffuser en ligne tous les matchs des Metropolitans 92.
Si je suis sous pression, je deviens deux fois plus fort.
Wembanyama n’a pourtant pas les allures d’une star. On le dit studieux, parfois plongé dans les livres. Un peu spécial, aux dires de son ancien coach interrogé par le New York Times. Michael Allard raconte qu’un jour, il a demandé à ses joueurs de choisir un mot qui les définissait et commençait par la première lettre de leur prénom. Wembanyama, du haut de ses 16 ans, s’est contenté du V: «V veut dire cinq en chiffres romains. Mon nom est Victor, parce que je suis capable de jouer aux cinq postes sur le terrain.»
Des paroles et des actes. Ceux posés sur les parquets français cette saison avec les Mets parisiens. Une moyenne de 22 points, onze rebonds et trois blocs par match qui le place au sommet de la hiérarchie individuelle dans chacune des catégories.
La NBA est prévenue. Dirk Nowitzki aussi. Bientôt, il ne sera peut-être plus le meilleur européen de l’histoire de son sport.
Par Jonas Craus (Der Spiegel) et Peter Mangelschots
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