Les Belgian Cats se sont installées sur le toit de l’Europe.

« Little Belgium did it »: l’exploit des Belgian Cats laissera des traces

Découverte à Ypres à la fin des années 2000, la génération dorée du basket féminin belge s’est installée sur le toit de l’Europe. Avec l’espoir que ce ne soit pas un exploit isolé.

L’émotion est toujours présente, mais les mots semblent déjà réfléchis. Emma ­Meesseman sort à peine d’un quatrième quart-temps d’exception face à l’Espagne, en finale de l’Euro de basket féminin. Ses mots, eux, sortent spontanément : « Little Belgium did it. » Une façon de hisser les perspectives à la hauteur d’un exploit hors norme. Parce que pour un petit pays, un sacre européen est déjà une montagne. Même si, à part la France, la Belgique était la seule nation du Vieux Continent à s’être qualifiée pour les quatre derniers championnats d’Europe, les deux derniers Mondiaux et les JO de Tokyo. Un exploit en soi, déjà.

Passer du bronze, déjà conquis en 2017 puis en 2021, à une médaille d’or est toutefois un défi d’une autre ampleur. Les Belgian Cats l’ont relevé, pour devenir la première équipe féminine à remporter le titre continental dans un sport olympique collectif. Six ans plus tôt, les Red Panthers avaient certes atteint la finale de l’Euro de hockey, mais l’or leur avait alors échappé. La performance était déjà conséquente, mais celle des Cats prend une autre mesure, notamment parce que le basket est un sport bien plus pratiqué à l’échelle mondiale et historiquement dominé en Europe par des superpuissances comme la France, l’Espagne ou la Russie, généralement contestées par les pays où les parquets se foulent religieusement, à l’image de la Serbie ou de la Lituanie. Sans surprise, ce sont d’ailleurs trois de ces cinq nations qui ont émaillé le parcours belge sur la voie finale vers le sacre. La Serbie, la France et l’Espagne avaient d’ailleurs remporté, à elles trois, six des sept derniers championnats européens. Certes, les ­Espagnols et les Serbes traversent une période de transition. Oui, la France s’était déplacée en Slovénie sans deux joueuses majeures. Le momentum belge était là. Encore fallait-il le saisir.

La génération dorée d’Ypres

La Belgique s’y était longuement préparée. Ni la série de qualifications consécutives, ni la médaille d’or européenne ne sont le fruit du hasard. L’histoire prend racine en 2008, quand Philip Mestdagh coache les Blue Cats à Ypres. En plus de ses filles Kim et Hanne, il entraîne alors les jeunes Emma Meesseman et Julie Vanloo. En routinier des parquets, Mestdagh réalise qu’il a une génération dorée entre les mains et en avise Koen Umans, secrétaire général de la fédération flamande de basket. Une intuition confirmée par l’Euro 2009 des moins de seize ans, d’où la Belgique revient avec de l’argent autour du cou. Une première, déjà, pour le basket féminin belge.

Le momentum belge était là. Encore fallait-il le saisir.

Dès 2010, le projet récolte donc un nom (« Young Cats »), des subsides par l’intermédiaire du projet Be Gold – mené de concert par le COIB et la Loterie nationale – et des résultats. La quatrième place atteinte l’année suivante au Mondial des moins de 17 ans est rapidement suivie d’un premier titre européen, chez les U18. La promotion vers l’équipe fanion ne tarde pas, sous la houlette bienveillante de la mythique Ann Wauters, figure de proue du basket belge. Très vite, ce groupe se convainc qu’il est capable d’atteindre des résultats significatifs à l’échelle internationale. L’esprit collectif et les rêves de médailles prennent forme dès l’été 2015, à l’occasion d’un camp d’entraînement organisé en Slovénie.

Un jeu métamorphosé

C’est également sur les terres de Tadej Pogacar que les Belgian Cats deviennent, huit ans plus tard, championnes d’Europe. Dans l’intervalle, la sélection a connu deux changements de coach et un demi-changement de génération, Ann Wauters et les sœurs Mestdagh quittant les abords de l’anneau dans la foulée de la déception des Jeux de Tokyo. Au Japon, les Belges avaient été éliminées de justesse face à l’équipe locale, dans un quart de finale qu’elles n’auraient jamais dû perdre.

La conviction ne s’était toutefois pas envolée avec l’élimination. La foi en les idées du coach français Valéry Demory est, par contre, écornée. Sa communication décriée ne survit pas à un nouveau quart de finale perdu, contre l’Australie à la Coupe du monde, sans rêve d’exploit cette fois. C’est son adjoint, Rachid Méziane, qui reprend le flambeau, se positionne en figure paternelle et installe un nouvel esprit au sein des Cats. Il communique beaucoup avec ses joueuses, leur parle toujours honnêtement et est en recherche permanente de progrès individuels et collectifs. Sur le terrain, l’équipe joue un basket plus rapide en attaque et plus agressif en défense, avec la volonté de sortir du costume d’outsider. Jouer comme des favorites comme meilleur moyen de remporter l’or.

Avec Emma Meesseman aussi, le coup de foudre est instantané. La star des Belgian Cats prend plus que jamais à cœur son rôle de meneuse, sur le terrain mais aussi en dehors. A sa manière, sans grands discours, elle entraîne l’équipe dans son sillage. Emma donne l’exemple sur le terrain, jouant son meilleur basket lors de l’Euro slovène et remportant logiquement le titre de Most Valuable Player du tournoi. Dans la presse internationale, les analystes la comparent au Serbe Nikola Jokic, tout juste sacré avec ses Denver Nuggets en NBA. Parce que, comme lui, Meesseman est une joueuse d’équipe, au service de ses partenaires plutôt que de ses statistiques. Le tout en conservant des stats hors norme : 21,7 points, 8,7 rebonds et 5,2 passes décisives par match, sans oublier les 4,2 interceptions qui témoignent de sa mentalité et de son importance en point d’ancrage défensif. En finale contre ­l’Espagne, c’est d’ailleurs avant tout à l’aide d’une défense rugueuse et d’un basket de combat que les Belgian Cats ont renversé leur adversaire, à l’image de Kyara ­Linskens, meilleure joueuse de la rencontre pour épauler Meesseman et Julie Allemand, stars émoussées par leur deuxième match presque intégralement joué en l’espace de deux jours.

Eviter le one shot

Au bout de l’aventure, il y a donc un titre. Un moment unique pour l’histoire du basket belge, qui ne restera peut-être pas unique pour cette génération. Ses figures de proue ont encore quelques belles années devant elles. La clé se situera ­surtout dans l’éclosion de la jeune garde, qui doit offrir plus de soutien au cinq de base, principalement dans le secteur offensif. Cette absence de turnover de qualité était d’ailleurs l’un des rares points faibles de la campagne de Slovénie. La blessure de la jeune Nastja Claessens, 18 ans à peine et grand talent en devenir, a porté préjudice à un banc belge qui devra se renforcer pour rêver d’une campagne olympique aboutie à Paris l’été prochain.

C’est peut-être la meilleure nouvelle de ce succès européen : le potentiel des Cats ne semble pas encore tourner à plein régime.

La Belgique peut heureusement compter sur une structure menée par des hommes et des femmes tous tournés vers l’amélioration. Aussi bien les dirigeants – le manager général Koen Umans et le directeur sportif Sven Van Camp – que le coach et les joueuses ont immédiatement signalé, dans la foulée de leur titre, que leur envie de progresser ne s’arrêtait pas là. Une ambition indispensable pour ne pas faire de ce début d’été slovène une histoire sans lendemain. C’est peut-être la meilleure nouvelle de ce succès européen : le potentiel des Cats ne semble pas encore tourner à plein régime.

Pour ne pas se relâcher et continuer à emmener la Belgique vers les sommets du basket mondial, l’équipe peut incontestablement compter sur Emma Meesseman. La meilleure joueuse du tournoi a porté sa sélection vers un sacre auquel, à en croire ses propres mots, elle n’aurait jamais osé rêver. Une prudence principalement due à sa volonté permanente de construire sa carrière pas à pas, sans brûler les étapes. Jouer pour l’instant présent lui permet d’éviter la pression des grands moments, et de dégainer un panier à trois points capital dans le dernier quart-temps du tournoi, au paroxysme de l’enjeu.

Emma Meesseman aurait alors pu penser à elle. Tout était d’ailleurs imaginé de
la sorte, avec un trophée reçu initialement en solitaire, quelques mètres devant ses coéquipières. Pourtant, c’est une joueuse de dos que les caméras ont vu soulever le trophée, tournée vers son équipe, son staff, ses fans. Une capitaine qui parle en nous. Aussi collective face à l’Espagne que face aux micros.

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