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Basket 3×3 : la Belgique bien représentée au Championnat d’Europe à Paris

Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

La quatrième place de l’équipe de basket 3×3 aux Jeux Olympiques de Tokyo offre des perspectives à la discipline en Belgique. À commencer par Paris, où l’EURO de 3×3 aura lieu du 10 au 12 septembre, avec la Coupe du monde à Anvers en ligne de mire.

Il était une fois un notaire, un responsable des ressources humaines, un analyste data et un chargé de projet. Le début d’un conte de fées très particulier. À eux quatre, Nick Celis, Thierry Mariën, Rafael Bogaerts et Thibaut Vervoort sont parvenus à se qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo alors qu’ils ne sont que des amateurs. Le tout dans une discipline qui figurait pour la première fois au programme olympique: le basket 3×3. Une sorte de version urbaine du basket en salle, plus connu et plus professionnalisé, tel qu’on le connaît en NBA ou en Euroleague.

Ces dernières années, le quatuor a combiné une carrière dans le basket – en première division ou dans une division inférieure – avec un boulot « normal ». Pendant ce temps, ils ont découvert la magie du basket 3×3, que la FIBA essaie de promouvoir depuis 2010. Avec une introduction aux Jeux de Tokyo en guise de principal tremplin.

En 2014, les Anversois Thierry Mariën et Nick Celis avaient déjà essayé de mettre sur pied un projet 3×3, à l’époque avec le soutien du troisième homme Anthony Chada, mais ce n’était pas encore le bon moment. « En 2014, nous avons même terminé sixièmes du championnat d’Europe et l’année suivante, nous avons participé aux Jeux Européens à Bakou, mais c’était moins sérieux qu’aujourd’hui », rembobine Mariën. « Nous ne trouvions pas d’adversaires pour nous entraîner. Entre-temps, le sport a grandi. Dans les tournois, il est désormais possible de gagner un peu d’argent. En outre, on parcourt le monde: Porto Rico, Abu Dhabi, Djeddah, le Canada… Ça fait rêver. Plus que la deuxième division belge. »

Jusqu’à la qualification pour les Jeux Olympiques, les joueurs de 3×3 ne pouvaient pas compter sur une quelconque aide de la Fédération. Ou très peu. Ils devaient participer aux tournois de leur propre initiative. Pour préparer les JO, les quatre hommes ont pris un congé sans solde et sont partis en « stage » en Espagne, où les parents de Nick Celis possèdent une seconde résidence. La famille Celis a loué une salle de basket dans les environs et a réglé le logement.

La quatrième place du quatuor à Tokyo a fait évoluer la perception de ce sport en Belgique. Ce qui n’était au départ qu’un simple hobby est devenu une locomotive pour une discipline mondiale qui possède une belle marge de progression. Le Team Belgium dispose désormais d’un soutien financier de Topsport Vlaanderen, avec lequel les joueurs sont sous contrat jusqu’à l’EURO à Paris, avec une possibilité de prolongation jusqu’à la Coupe du monde à Anvers en juin 2022. Cela doit leur permettre de se concentrer à 100% sur leur sport. « Avec ce contrat professionnel chez Topsport Vlaanderen, nous ne pouvons pas pratiquer le basket en salle pour l’instant », explique Mariën, qui a jadis joué à l’Okapi Alost et qui est actuellement affilié au club amateur de Basket Willebroek. « Thibaut a déjà arrêté avec son club. En ce qui me concerne, cela dépendra des plans de la Fédération. Si c’est possible, j’essaierai de tout miser sur le 3×3 jusqu’au Mondial de l’an prochain. Nous en discuterons prochainement, car nous devons d’abord chiffrer le budget nécessaire pour tout professionnaliser. »

Le choix en faveur d’un statut professionnel comme joueur de 3×3 n’est cependant pas évident, car pour certains, c’est moins lucratif qu’un job normal. « Nous sommes évidemment heureux de pouvoir consacrer plus de temps au 3×3 », reconnaît Mariën. « Je pense qu’au championnat d’Europe, on remarquera déjà la différence en matière de repos entre les entraînements. »

Nouvelle génération de Cats

Le buzz actuel du 3×3 a également inspiré les collègues féminines, qui s’apprêtent à mettre sur pied une véritable équipe de vedettes pour le prochain EURO, avec Laure Resimont, Elise Ramette, Marie Vervaet, Lut De Meyer et Becky Massey, on verra (sans doute) quelques-uns des plus grands talents belges à l’oeuvre à Paris. Mariën en attend beaucoup: « Je suis très impressionné par cette nouvelle équipe féminine. Ce qu’elle a déjà montré en juin lors du tournoi de qualification pour le championnat d’Europe était déjà très prometteur, alors qu’elles avaient très peu joué ensemble. »

Laure Resimont:
Laure Resimont: « Ce qui rend les tournois de 3×3 tellement attrayants, c’est le lieu où ils sont organisés. À Paris, ce sera juste au pied de la Tour Eiffel. »© BELGAIMAGE

Laure Resimont, deux fois Joueuse de l’Année en Belgique (2018 et 2019) et membre des Belgian Cats, n’a découvert la version urbaine du basket que très récemment. « En juin, lorsque j’ai été écartée en dernière minute de la sélection des Cats pour l’EURO, la Fédération m’a parlé d’une possibilité de participer à un tournoi de qualification pour l’EURO de 3×3 à Tel Aviv », raconte la joueuse de 23 ans, revenue en Belgique (à Malines) après des expériences en France et en Espagne. « C’était ma première prise de contact avec l’équipe nationale de 3×3. Tout s’est décidé en dernière minute, nous avons à peine pu nous entraîner une semaine ensemble avant le tournoi, c’était donc un exploit d’obtenir d’emblée un billet pour Paris. »

Un exploit qui ouvre l’appétit, admet Resimont, qui ne doit pour l’instant pas choisir entre le basket en salle et le 3×3. « Non, on n’en a même pas parlé avec le sélectionneur Philip Mestdagh, car pour l’instant, les rendez-vous n’empiètent pas sur le programme des Cats. Il est possible qu’à un moment, je devrai choisir, mais je verrai en temps utile. »

Elle considère que ce sont deux sports différents. « Le 3×3 est plus intense, on a moins de temps pour organiser une attaque », analyse Resimont. « Les set-plays doivent donc être courts et puissants. Une question de détails. Un exemple? L’utilisation des rescreens (deuxième écran) pour libérer une partenaire. On doit aussi aller plus vite à l’anneau, donc on prend plus de shoots risqués, ou on laisse parfois passer une attaque de l’adversaire afin de pouvoir préparer soi-même l’attaque suivante. Ça s’apprend avec l’expérience. Notre marge de progression est donc encore très grande. »

Si cette nouvelle équipe féminine a obtenu aussi rapidement des résultats, c’est aussi grâce à Nick Celis et consorts. « Nous nous sommes entraînées avec eux lors de la préparation au tournoi de qualification à Tel Aviv », indique Resimont. « Nick, surtout, nous a donné de très bons conseils sur le plan tactique. Leur succès à Tokyo a fait bouger beaucoup de choses, car nous nous rendons compte que le 3×3 peut constituer une plateforme supplémentaire pour placer le basket belge sur la carte. »

Le talent est là, la question qui se pose est plutôt de savoir si Laure et ses équipières du 3×3 sont prêtes à consentir les sacrifices nécessaires. Leur situation est effectivement différente de celle de leurs collègues masculins: le sélectionneur Philip Mestdagh compte sur elles pour les Belgian Cats. Beaucoup dépendra de la professionnalisation du circuit 3×3 et du budget que les différentes fédérations de basket sont prêtes à allouer pour le projet.

La préparation au championnat d’Europe à Paris en est un bel exemple. « À la mi-août, nous avons entamé la préparation avec nos clubs respectifs, nous n’avons donc pas eu beaucoup de temps pour nous rassembler », explique Resimont. « Nous avons juste disputé un petit tournoi de 3×3 aux Pays-Bas. Et nous avons libéré une semaine avant l’EURO pour nous entraîner spécifiquement au 3×3. »

Malgré leur manque d’expérience, nos Cats partiront pour Paris pleines d’ambitions. « Nous sommes une nouvelle équipe, et donc, l’effet de surprise peut jouer », estime Resimont. « Je suis impatiente de vivre cet événement, car ce qui rend aussi ces tournois de 3×3 tellement attrayants, c’est le lieu où ils sont organisés. À Paris, ce sera au pied de la Tour Eiffel. »

L’avenir du 3×3

L’équipe masculine espère confirmer à Paris sa bonne forme de Tokyo. Après sa quatrième place aux Jeux, elle a encore remporté le tournoi Challenger de Riga, fin août. La confirmation qu’elle continue à progresser. Elle espère connaître son apogée en juin 2022, lors de la Coupe du monde de 3×3 à Anvers. « Ce sera une fête phénoménale, plus encore que les Jeux, je pense, car le public sera de nouveau admis », s’enthousiasme Thierry Mariën. « Dans « notre » ville d’Anvers, qui plus est. Si nous pouvons continuer sur notre élan des derniers mois, nous devrions être dans la forme de notre vie pour le Mondial. »

Et après? Pour que le 3×3 confirme son succès sur le long terme, il est indispensable de mettre sur pied une structure et de veiller à ce que des jeunes prennent le relais. Dans le passé, la Belgique avait déjà pu compter sur des équipes intéressantes, comme les U18 garçons, qui ont été à la fois champions d’Europe et du monde en 2017. Ou, juste avant, une équipe féminine très performante, qui comprenait la légende vivante Ann Wauters. En 2014, elles ont remporté la médaille de bronze à la Coupe du monde de 3×3 à Moscou. Mais ces exploits étaient demeurés sans suite.

Aujourd’hui, ce scénario risque de se répéter. Le problème, c’est que les équipes nationales sont la plupart du temps constituées par des joueurs d’un même club – en 3×3 ce sont des équipes d’une ville: le Team Belgium est en réalité le Team Antwerp. « C’est compliqué d’introduire de nouveaux éléments dans une équipe », reconnaît Mariën. « Je ne prétends pas qu’il est impossible de trouver de meilleurs basketteurs que nous, mais il faut trouver la cohésion. C’est en jouant des centaines de matches ensemble que nous l’avons trouvée. Néanmoins, un peu de concurrence ne ferait pas de tort. Un Team Brussels, par exemple. Encore faut-il trouver des gens qui acceptent de rejoindre le projet sans avoir la garantie d’obtenir un bon contrat. C’était aussi le problème de cette fameuse équipe de U18. Tous ces joueurs ont pu signer un contrat professionnel au Spirou Charleroi. À partir de là, le choix était vite fait… »

Il faudra encore attendre un peu avant que le 3×3 ne se professionnalise, pense Mariën. « Il faudrait créer une Fédération séparée et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Mais les choses commencent à bouger. Par exemple avec des transferts entre équipes professionnelles. C’est ainsi que, cet été, un joueur du Team Riga est parti à Amsterdam. En Espagne aussi, ça bouge. Une première équipe officielle de 3×3 vient de voir le jour, créée par l’ancienne vedette de NBA Marc Gasol. » Il croit en une évolution positive. « Le 3×3 intéresse beaucoup de gens. Ce sont des matches courts, très rapides, où il y a très peu de temps morts. Mais il faut évidemment des résultats. Espérons que nous avons mis le train en marche. »

Le Team Belgium lors de la rencontre pour la médaille de bronze face à la Serbie à Tokyo. De gauche à droite: Thierry Marien, Rafael Bogaerts et Thibaut Vervoort.
Le Team Belgium lors de la rencontre pour la médaille de bronze face à la Serbie à Tokyo. De gauche à droite: Thierry Marien, Rafael Bogaerts et Thibaut Vervoort.© BELGAIMAGE

Jouer au basket sous la Tour Eiffel

Quoi? Le championnat d’Europe de 3×3 à Paris aura lieu au pied de la Tour Eiffel du 10 au 12 septembre.

Basket 3×3? Chaque équipe se compose de trois joueurs et un remplaçant. On joue sur un demi-terrain, avec un seul anneau. On marque un point lorsqu’on inscrit un panier à l’intérieur du périmètre des trois points et deux points lorsqu’on inscrit un panier en dehors de ce périmètre. La première équipe qui inscrit en 21 points gagne le match. Ou l’équipe qui a inscrit le plus de points au bout de dix minutes. On joue non-stop, sans pause. Et on ne dispose que de douze secondes pour tenter sa chance à l’anneau (au lieu de 24 secondes dans le basket à 5 contre 5).

Qui? À Paris, le Team Belgium présentera à la fois une équipe masculine et une équipe féminine. Les hommes sont versés dans une poule avec la Serbie et l’Ukraine, les femmes dans une poule avec la Roumanie et la Hongrie.

La fête gâchée

L’euphorie autour de la prestation du Team Belgium 3×3 aux Jeux Olympiques de Tokyo a été quelque peu ternie par la bombe lancée par le journal De Standaard fin août: selon le quotidien néerlandophone, Nick Celis et ses amis auraient organisé quelques tournois fictifs en Belgique afin d’accumuler suffisamment de points pour pouvoir participer aux tournois qualificatifs pour les JO. Une accusation qui n’a pas été réfutée par le Team Belgium, qui s’est contenté d’un communiqué précisant que la qualification a malgré tout été acquise sportivement, avec au bout du compte une quatrième place à Tokyo. « À l’époque, nous étions une bonne équipe qui entrait en ligne de compte pour la qualification et nous avons assuré celle-ci sur le terrain en 2021. Pour le reste, nous nous abstiendrons de tout commentaire. Cela ferait injure au travail et aux nombreux sacrifices que nous avons consentis pendant des mois », explique le communiqué.

Une histoire complexe, qui aboutit à la conclusion que le manque d’organisation de cette discipline encore jeune laisse la place à beaucoup d’interprétation. Avec trop peu de contrôle sur les événements locaux, et donc la possibilité de recourir à certains artifices susceptibles de permettre la participation aux (grands) tournois de qualification. La Fédération belge et la FIBA ont affirmé vouloir ouvrir une enquête, mais on n’attend pas de jugement vraiment clair, car toutes deux se rendent compte que le manque de structure des compétitions rend ce genre de pratiques possibles.

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