21 ANS ET TOUTES SES DENTS
Il n’était pas dans le noyau A il y a un an et le voilà titulaire. Le rude arrière droit des Brugeois et des Espoirs sait ce qu’il vaut.
G ünther Vanaudenaerde : » C’est fantastique. Dire que je suis titulaire au sein de l’équipe championne de Belgique ! Un changement d’entraîneur représente un bouleversement pour tout joueur mais cela ne me perturbe pas, au contraire. Le coach croit en moi, me confère beaucoup de confiance. Aussi longtemps que je resterai à ce niveau, il n’a pas le choix : il doit me laisser dans l’équipe. La balle est dans mon camp. En début de saison, je n’aurais pas cru celui qui m’aurait dit que, trois mois plus tard, j’aurais disputé autant de matches de championnat et de Ligue des Champions. Je dois rester les pieds sur terre et travailler, jour après jour.
L’afflux de blessures a permis aux jeunes de jouer. Le Club a de bons jeunes depuis des années mais dans le passé, ils n’avaient guère leur chance de faire leurs preuves. Cette fois, on a dû nous jeter dans la fosse aux lions et nous avons réussi. Jason Vandelannoite contre le Bayern et à Charleroi, Jeanvion Yulu-Matondo contre la Juventus et Beveren, Kevin Roelandts à l’arrière gauche à Charleroi. Chapeau . C’est positif pour le Club de savoir qu’il peut compter sur ses jeunes. Notre éclosion n’arrange sans doute pas les anciens mais cela nous maintient tous affûtés. Les jeunes ont le sentiment qu’ils auront leur chance si l’occasion s’en présente. Reste à voir combien de temps cela durera.
La concurrence avec De Cock
» Pour le moment, je jouis de la confiance de l’entraîneur. Il ne prête pas attention aux noms. Il répète : – J’aligne ceux qui sont en forme. C’est formidable. Il m’appartient de prouver que je suis digne d’une poste de titulaire. J’ai pris la place d’ Olivier De Cock mais nous ne nous comportons pas autrement l’un envers l’autre, même si je suis conscient que ça peut changer. Je sais que des concurrents directs ne sont pas nécessairement les meilleurs amis. L’essentiel est de se rappeler que ce n’est pas le joueur mais l’entraîneur qui compose l’équipe. Notre noyau compte 30 hommes, soit près de trois équipes et on est vite écarté. Olivier et moi sommes concurrents mais à d’autres postes, la rivalité est bien pire : nous avons neuf candidats titulaires dans l’entrejeu et sept ou huit en pointe pour trois places.
L’entraîneur a fait passer le message : chacun doit rester correct. C’est lui le patron et il ne se laissera pas marcher sur les pieds. Tout le monde se comporte avec professionnalisme. Quand on estime bien travailler et qu’on ne reçoit pas sa chance, on peut toujours lui demander une explication. Parler des autres n’est pas mon genre. Je m’occupe de mes affaires. C’est la meilleure ligne de conduite à adopter. Il est évidemment très facile de rejeter la faute sur les autres alors qu’il faut oser prendre ses responsabilités et se dire : – Je ne suis pas bon pour le moment. Le groupe recèle cette maturité. On ne décèle pas de rivalité malsaine, style : -C’est mon concurrent, je vais lui mettre des bâtons dans les roues. Quand je demande quelque chose à Olivier, plus chevronné, il m’aide toujours. Il faudra encore beaucoup de temps avant qu’il ne m’apprenne plus rien. Je signerais des deux mains pour réaliser une carrière comme la sienne.
Quand on est dans l’équipe, on ne voudrait pour rien au monde perdre sa place. C’est là l’indice d’une saine ambition. Par contre, il faut se garder de se mettre trop la pression. Cela m’est arrivé en Supercoupe. Il s’agissait de mon début. Je suis monté sur le terrain obsédé par cette idée : – Je reçois ma chance, je dois à tout prix la saisir. J’étais beaucoup trop nerveux au ballon, peu sûr. Après, j’ai été très déçu de moi-même. J’ai digéré ce sentiment en m’entraînant encore plus dur le lendemain, sachant que je recevrais d’autres opportunités de me mettre en valeur. Laisser tomber les bras n’est pas mon style. Mon caractère m’incite plutôt à dire : – Pas de ça avec moi, hein ! Je mets tout en £uvre pour qu’on ne puisse pas m’ignorer « .
Il veut réussir et ne sort plus
» Maintenant, je monte sur le terrain en me disant que je vais jouer mon match de mon mieux et qu’on verra bien. Un jeune joueur doit apprendre à gérer plein d’aspects de ce genre. Je joue de plus en plus facilement. Je m’habitue au rythme, à l’intensité des matches, je monte parfois dans le jeu. Au début, après 20 minutes, j’étais essoufflé, mes jambes s’alourdissaient et j’étais courbaturé le lendemain du match. C’est d’ailleurs bizarre car je m’entraînais tous les jours à un très haut niveau, comme les autres. Contre le Bayern, Jason a éprouvé la même chose après une demi-heure. Tout le monde me dit être passé par là mais le corps s’adapte très vite. Dorénavant, il m’arrive de disputer trois matches en une semaine et de me sentir bien.
J’ai été repris dans le noyau A en novembre 2004. Cette saison-là, j’ai fait banquette à trois reprises et je suis entré au jeu en Coupe contre l’Olympic Charleroi. Je savais que je ne jouerais sans doute pas beaucoup la première année, que je devrais faire davantage mes preuves et que je connaîtrais des passages à vide. Cette saison, mon objectif était d’atteindre le banc, de faire partie des 18 en espérant entrer au jeu pour montrer que j’étais prêt. Car au fond, que représente le fait d’être un des 30 joueurs du noyau A du Club ? Hans Cornelis est parti, ce qui m’a entrouvert la porte. En n’enrôlant personne pour le remplacer, le Club a montré qu’il faisait confiance aux jeunes qui émergeaient. Le 28 juin, date de la reprise, j’étais prêt. J’ai effectué une bonne préparation et j’ai dû revoir mes objectifs à la hausse ! Désormais, je veux devenir titulaire à l’arrière droit et le rester le plus longtemps possible. Je travaille d’arrache-pied. On verra combien de temps je tiendrai. Mon contrat prend fin dans un an et demi. Je veux en obtenir un nouveau. Je suis très bien ici. J’habite à Bruges, tous mes amis en sont originaires. Se sentir bien quelque part vous permet de mieux jouer. Auparavant, j’aimais sortir, même si ce n’était jamais avant un match. Un moment donné, cela a eu une influence négative sur ma forme. L’entraîneur n’était pas dupe. Il m’a convoqué et m’a expliqué que je devais me méfier, effectuer un choix : sortir ou jouer au foot. Je n’ai pas hésité un seul instant. Certains footballeurs avec lesquels j’ai côtoyés et avec lesquels je suis toujours ami, sont restés en carafe. Les exemples de ce genre ne manquent pas. Je suis toujours sorti avec des copains qui jouaient aussi et voulaient réussir. Nous savions jusqu’où aller. Quand on sort avec des copains qui ne font pas de sport, on a tendance à repousser ses limites et à dérailler. Si on reste avec des copains qui picolent, fument, prennent une pilule, on est sûr de sombrer.
J’ai changé mon mode de vie. Je ne sors plus car mon corps a besoin de repos, avec la succession des matches. Je me soigne et fais attention à tout. Je suis devenu plus serein, j’ai appris à relativiser les choses. Avant, j’avais tendance à attaquer quand on disait quelque chose sur mon compte alors que maintenant, cela ne me heurte plus. Evidemment, je ne sais pas comment je réagirai quand je serai dans le creux de la vague « .
Donner des coups avant d’en recevoir
» J’ai un atout : je joue des deux pieds et on peut m’aligner à droite comme à gauche. Mon pied gauche n’est pas parfait mais je n’ai pas peur de m’en servir. En fait, je l’ai beaucoup exercé quand j’ai intégré l’école de sport de haut niveau de Meulebeke. J’avais 16 ans et j’étais à l’internat avec Dieter Van Tornhout, Glenn Verbauwhede et Vincent Provoost. Tous les jours, on nous conduisait en bus à l’entraînement à Bruges et on nous ramenait.
Dès que j’ai touché un ballon, j’ai voulu devenir footballeur. J’avais cinq ans quand j’ai rejoint les Diablotins de Lissewege. Ensuite, j’ai joué deux ans pour Sport Blankenberge, cinq ans pour le Cercle Bruges et j’en suis à ma septième saison au Club.
Mon père venait toujours aux matches, sans se faire remarquer. Ma mère n’est pratiquement jamais venue mais quand je sortais trop, elle me mettait en garde : – Fils, ça suffit. Veux-tu devenir footballeur ou aller travailler toute la journée ? Elle m’a toujours remis les pieds sur terre. Mes parents sont travailleurs indépendants : ils ne peuvent compter leurs heures. Ils bossent sept jours sur sept. Je sais ce que travailler signifie. Dès mes 14 ans, j’e l’ai fait deux mois chaque été. J’étais le seul dans ce cas au Club Bruges. Je travaillais dans l’horeca mais aussi pour une société de tri des déchets. J’ai fait de tout : nettoyer, peindre… Au début, je me demandais pourquoi je devais m’y plier alors que mes camarades ne le faisaient pas mais maintenant, j’en suis reconnaissant à mes parents. On a des mains pour s’en servir et il est bon de le savoir.
Je réalise aussi que j’ai un travail fantastique puisque je m’entraîne le matin et que mon après-midi est libre. Je rentre à la maison, je m’installe dans un fauteuil avec un livre et je m’endors. Je fais une sieste de deux ou trois heures. Je suis fatigué. Ma mère ne le comprend pas. Elle demande : – Fatigué ? Combien d’heures dois-tu jouer ? ! Avant, je ne lisais jamais de livre. Depuis un an, je m’y suis mis. Mon meilleur ami, qui me connaît depuis l’école primaire, n’en revient pas : – Toi, lire un livre ? Comment est-ce possible ? Cela m’apaise, surtout le jour d’un match. Quand je me plonge dans un roman, je n’y pense pas.
Une fois sur le terrain, peu m’importe l’identité de mon adversaire. Au coup de sifflet final, on peut se serrer la main et, en Ligue des Champions, demander un maillot, mais durant la joute, je n’hésite pas à donner des coups s’il le faut. Quand on témoigne trop de respect à un adversaire, on lui donne l’impression de le craindre. On prend l’avantage à condition de s’appuyer sur ses qualités personnelles, de rester calme et de lui faire sentir qui on est. Contre la Juventus, dans le mur, PatrickVieira m’a décoché un solide coup de coude à la poitrine pendant que l’arbitre regardait le ballon. La prochaine fois, cela n’arrivera pas. Je serai le premier à le faire « .
CHRISTIAN VANDENABEELE
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