Fredberg et Anderlecht, c’est fini: son mercato et des méthodes contestées l’ont condamné
Jesper Fredberg était contesté à Anderlecht après un mercato d’été aux attentes loin d’être comblées. Les méthodes du Danois divisaient de plus en plus en interne.
Au fil des semaines, la cible de la désillusion des fans d’Anderlecht était montée d’un étage. L’entraîneur Brian Riemer, dont le public du Lotto Park n’hésitait pas à réclamer de plus en plus bruyamment la démission à chaque sortie, n’était plus le seul homme dans l’œil du cyclone. Son compatriote et supérieur hiérarchique, Jesper Fredberg, voit revenir comme un boomerang ses ambitieuses déclarations au crépuscule de la saison dernière, conclue sur la troisième marche du podium. «Je veux être agressif sur le mercato», lançait alors le CEO Sports de la maison mauve. Un été plus tard, le rugissement de lion semble avoir accouché d’un innocent miaulement de chaton. La fin du mois d’octobre, peu de temps après le licenciement de « son » coach Brian Riemer, aura été fatale au patron sportif d’Anderlecht.
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Bien sûr, il y a eu le retour au bercail de Leander Dendoncker, en prêt assorti d’une option d’achat qui paraît largement hors de portée des moyens bruxellois. Sur ce dossier, c’est toutefois le président Wouter Vandenhaute qui a pris les choses en main, non sans risquer de mettre en péril l’équilibre économique d’un club qui aurait bien eu besoin d’une qualification pour la très rémunératrice Ligue des champions pour maintenir la cadence financière lancée par le mercato XXL de l’été dernier avec les arrivées de grands noms comme Kasper Dolberg ou Thorgan Hazard. Déjà à la manœuvre lors du retour en Belgique de Jan Vertonghen au début du mois de septembre 2022, le président des Mauves n’en est donc pas à son coup d’essai médiatique sur le marché des transferts.
A l’époque du rapatriement du plus capé des Diables Rouges, Jesper Fredberg n’était pas encore à bord du navire mauve. Son nom avait pourtant déjà atteint les oreilles de Wouter Vandenhaute, parce qu’il faisait partie d’une liste d’une dizaine de directeurs sportifs potentiels constituée par Peter Verbeke pour l’épauler dans la lourde restructuration du Sporting anderlechtois. En marge d’un déplacement européen à West Ham qui sentait déjà la fin de règne pour Felice Mazzù, qui sera plus tard qualifié comme une «erreur de casting» par les dirigeants, Verbeke et Vandenhaute rencontrent ainsi le Danois à Londres. Impressionnés par son travail à la tête du club de Viborg, ils décident d’en faire le candidat numéro un à la direction sportive. Particulièrement séduit par Fredberg, le président en fera même assez rapidement le seul maître à bord en le nommant CEO Sports durant le burnout de Peter Verbeke, mis au placard à son retour avant d’être placé dans un rôle majeur au sein de l’académie des Mauves.
Ses absences fréquentes sont devenues un sujet de plaisanterie des employés.
Fredberg, les réseaux et les agents
Les coudées franches, Jesper Fredberg marque un changement de stratégie dès son premier mercato. Il frappe fort (et cher) en attirant Anders Dreyer contre une somme supérieure à quatre millions d’euros, faisant de son compatriote le transfert le plus cher du Sporting depuis 2019, année du retour en grande pompe de Vincent Kompany. L’affaire reste «bon marché», car le gaucher danois est évalué au double du prix payé par les Bruxellois. Il faut dire qu’une clause spéciale mais restée très confidentielle était incluse dans son contrat avec le FC Midtjylland pour lui permettre de quitter le club contre 4,25 millions d’euros. Rares sont ceux qui étaient au courant. Jesper Fredberg, lui, l’était. Le deal, au même titre que les premiers mois de Dreyer (homme fort de la qualification pour les quarts de finale de la Conference League avec un but superbe contre les Espagnols de Villarreal), bâtissent au CEO Sports une solide réputation de connaisseur du milieu et font encore décoller l’admiration de Vandenhaute pour son nouveau protégé.
L’aventure européenne fait oublier la fin de championnat catastrophique, tout comme l’échec du transfert de Tolu Arokodare. Au bout du mois de janvier 2023, le grand Nigérian devient la cible privilégiée d’Anderlecht pour enfiler le costume de buteur mauve, suite à un message envoyé par l’agent Didier Frenay qui glisse son nom à Fredberg. Quelques jours plus tard, il apparaît que le club bruxellois tente de contourner l’agent pour conclure le deal avec Tolu. Frenay l’oriente finalement vers Genk, et Anderlecht se rabat en urgence sur Islam Slimani. Le bref passage de l’Algérien est une réussite, mais l’opération sent le coup de chance, car le profil était loin d’avoir été passé au peigne fin par le CEO Sports du Lotto Park.
Si le passé sulfureux de Frenay (le transfert vers Anderlecht de Landry Dimata avait entraîné une enquête judiciaire) sert alors d’alibi pour les Mauves, l’introduction d’agents extérieurs dans des négociations semble devenir une habitude pour Jesper Fredberg. Il se dit que l’homme de confiance du Danois est le représentant de Thomas Delaney, un certain Walid Bouzid. Ancien agent de Nacer Chadli, l’homme est ainsi placé par Fredberg dans les négociations entre Anderlecht et Ludogorets pour acquérir l’attaquant brésilien Igor Thiago à l’été 2023. Cet intermédiaire inattendu agace le club bulgare, qui préférera finalement négocier avec le Club Bruges. Après un an dans la Venise du Nord, le Brésilien rapportera plus de 30 millions d’euros aux Blauw en Zwart suite à son départ vers Brentford. Si au club, on nie l’implication systématique de Bouzid sur les dossiers pilotés par Fredberg, l’homme est impliqué comme agent dans une bonne partie des transferts faits par les Mauves.
Eriksen, fil rouge d’un été en télétravail
Si cet événement passe au second plan, c’est parce que le mercato d’été 2023 d’Anderlecht est grandiloquent. Consciente des limites tactiques de Brian Riemer, la cellule de recrutement du Sporting incite Jesper Fredberg à orienter son mercato autour de tauliers qui pourront guider l’équipe sur le terrain. La défaite initiale contre l’Union, au coup d’envoi de la saison 2023-2024, convainc le CEO Sports de passer à l’action. C’est ainsi que débarquent de grands noms danois, un pays que ses détracteurs qualifient comme le seul où Fredberg connaît les joueurs, mais aussi une valeur sûre du championnat comme Mats Rits, triple champion de Belgique avec Bruges. Pour convaincre le trentenaire, plus vraiment titulaire chez les Brugeois, il faut toutefois lui offrir un salaire conséquent et un contrat de trois ans, qui risque de devenir une contrainte à plus long terme. Un an plus tard, déjà, le prêt de Leander Dendoncker semble être destiné à pousser Rits hors du onze de base bruxellois.
Obnubilé par un transfert d’Eriksen, le CEO Sports semblerait avoir perdu le fil des autres dossiers.
S’il est peut-être, dans l’immédiat, une meilleure affaire médiatique que sportive (il n’a même pas joué l’équivalent de 20 matchs complets depuis deux saisons), Dendoncker reste le coup le plus réussi d’un mercato mauve dont les supporters attendaient beaucoup plus. Si le milieu belge était le butin désiré par Wouter Vandenhaute, Jesper Fredberg a, lui, longuement chassé une proie bien plus consistante encore: son compatriote (évidemment) Christian Eriksen, côtoyé par Brian Riemer à Brentford et peu utilisé à Manchester United où il gagne toutefois l’intouchable salaire de neuf millions d’euros par an. Bien trop pour Anderlecht, mais pas assez pour réduire à néant les espoirs d’un Fredberg qui a passé une bonne partie de son été au Danemark, vivant partiellement le mercato en télétravail et se montrant principalement dans la capitale belge à l’heure des signatures et des photos. Dans les bureaux de Neerpede, où est installé le Sporting bruxellois, ses absences fréquentes sont d’ailleurs devenues un sujet de plaisanterie des employés. Pas de quoi entamer la confiance que lui voue Wouter Vandenhaute, qui est ainsi à l’initiative de son plantureux contrat avoisinant le million d’euros par an. Il se dit à Bruxelles que des problèmes familiaux auraient été à l’origine de ces nombreuses absences, et que le télétravail n’est plus un obstacle à l’efficacité dans le football d’aujourd’hui.
Visiblement obnubilé par Eriksen, Jesper Fredberg semblerait avoir perdu le fil des autres dossiers. Les présentations du projet de jeu et du club montrées aux recrues potentielles et à leur entourage étaient souvent minimalistes, loin des standards que proposent aujourd’hui les clubs de haut niveau pour convaincre leurs cibles de venir garnir leurs rangs. Parfois, le CEO Sports semble même avoir oublié l’identité du joueur pour lequel on lui demandait de contacter un club. C’est seulement quand le transfert de Christian Eriksen s’est avéré impossible que les Anderlechtois ont fini par accélérer sur un dossier offensif, cherchant une alternative à Francis Amuzu pour jouer sur le flanc gauche en l’absence de Thorgan Hazard, blessé jusqu’au début de l’année 2025. On entend alors notamment que la direction sportive pousse le nom de Robert Skov, dans le portefeuille de l’agent Walid Bouzid. Formé à Manchester City et officiant chez les promus de Southampton en Premier League, le prometteur Samuel Edozie n’était pas la piste prioritaire des Mauves, mais sera finalement la seule recrue offensive d’un été très peu mouvementé.
En coulisse, il se dit que le flou a longtemps régné autour des moyens véritablement alloués à Jesper Fredberg pour peaufiner son mercato d’été. Déjà très généreux en augmentations de capital ces dernières années, le board anderlechtois aurait hésité à l’heure de délier une fois de plus les cordons de la bourse pour renforcer l’équipe de façon spectaculaire. De quoi préserver la réputation de Fredberg en détournant les responsabilités vers le manque de moyens? En interne, les méthodes du Danois faisaient de moins en moins l’unanimité. Elles ont fini par le pousser vers la sortie. Au tour d’Olivier Renard d’enfiler le dangereux costume de patron sportif de l’Anderlecht de Wouter Vandenhaute, plus que jamais à la barre en termes de décisions stratégiques.
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