Vous voulez devenir coach? «Surtout, formez-vous bien»
Un certain nombre de praticiens ternissent la réputation du coaching. Mais des organismes entendent aussi miser sur le professionnalisme et l’éthique.
Il subsiste un tel flou autour des contours du coaching qu’il peut s’avérer ardu de séparer le bon grain de l’ivraie. Certains acteurs ambitionnent cependant d’aborder l’activité de coach avec sérieux, en insistant sur la formation et une conception stricte du cadre éthique.
L’International Coach Federation (ICF) et sa branche belge, ICF Belgium, jouissent d’une assez bonne réputation. Certifié par cet organisme, un coach ne sera pas obligatoirement exempt de tout reproche, mais les garde-fous instaurés visent bien à promouvoir rigueur et déontologie. L’ICF compte 56 000 membres dans le monde, dont environ cinq cents en Belgique, précise Pascale Perard, la présidente de la section belge. «Etre membre ne signifie pas forcément que vous soyez certifié, mais cela impose déjà que vous suiviez le code éthique.» Parmi les huit compétences essentielles listées par la fédération, respecter les directives éthiques et les normes professionnelles figure en première place.
Quand je vois des écoles de coaching proposer des formations en deux semaines, ça m’inquiète.
Les standards éthiques se déclinent en 25 points et sont assez détaillés. On y retrouve une série de prescrits pour les coachs, comme la confidentialité, la transparence envers le coaché par rapport à son expertise, la clarté sur les potentiels conflits d’intérêts, les limites du coaching, l’établissement d’un accord ou d’un contrat avec le client, la possibilité pour ce dernier de mettre fin au coaching, l’invitation à s’adresser à d’autres professionnels lorsque c’est nécessaire, etc.
Le coach est coaché
Les coachs ont également la possibilité d’obtenir des certifications de l’ICF. «Honnêtement, je pense qu’on peut parler d’un monitoring de qualité assez strict», considère la présidente. Selon les cas de figure, il faut prouver qu’on a suivi 60, 125 ou 200 heures de formation accréditées par la fédération. «On vous demande d’effectuer des séances de coaching enregistrées et évaluées par plusieurs coachs certifiés. Vous devez démontrer que vous suivez vous-même des sessions de coaching (une supervision). Les certifications imposent de l’expérience: cent heures de pratique pour devenir Associate Certified Coach (ACC), cinq cents heures pour devenir Professional Certified Coach (PCC) et 2 500 heures pour être Master Certified Coach (MCC). Tous les trois ans, vous devez renouveler votre accréditation. Moi-même, je suis PCC avec plus de mille heures d’expérience en coaching, mais je vais devoir la renouveler», insiste Pascale Perard. Dans une démarche de formation continue, il faut aussi démontrer sa participation à des formations pertinentes.
De telles exigences ne s’appliquent pas toujours en matière de coaching. L’absence de reconnaissance d’un titre est une porte ouverte aux dérives, que Pascale Perard est la première à regretter. «Tout le monde peut, en effet, devenir coach, mais cela ne signifie pas que tous les coachs se sont formés correctement.» C’est la raison pour laquelle elle évite d’employer le terme «coach» comme une profession, mais évoquera plus volontiers «la pratique d’un coach certifié».
«Lancez-vous dans le coaching si vous le voulez, ce peut être une très bonne chose. Mais surtout, formez-vous bien», formule également la Liégeoise Elsa Guillier, à la fois psychologue et coach de vie. Des institutions bénéficiant d’une certaine crédibilité ont d’ailleurs mis en place des cycles de formation. En l’occurrence, Elsa Guillier fait partie des formateurs du certificat d’université en Life coaching organisé par l’UCLouvain. Il s’adresse spécifiquement aux psychologues, psychiatres et autres professionnels de la santé qui souhaitent élargir leurs compétences, à l’occasion d’un cycle qui s’étend sur un an et demi.
«Le temps consacré à la formation est important. La durée de l’apprentissage compte, parce que devenir coach impose que l’on ait soi-même pris le temps de faire mûrir les choses, de s’en donner les moyens, estime Elsa Guillier. Quand je vois des écoles de coaching proposer des formations en deux semaines, ça m’inquiète. Même en formation intensive, ça n’offre pas le temps nécessaire à l’introspection.» C’est ainsi que peuvent se retrouver sur le marché des coachs persuadés d’avoir les compétences requises, de disposer de la recette miracle ou de pouvoir s’appuyer sur leur propre vécu et leurs propres croyances pour coacher d’autres personnes.
Le coach n’est ni consultant, ni thérapeute
«Tout le monde ne fait pas non plus la différence entre conseil et coaching. Dans le coaching, on ne formule pas de promesses de résultats. Le conseil, c’est l’affaire des consultants», glisse Pascale Perard. C’est pourquoi parmi les compétences requises figure aussi le fait de définir et maintenir un contrat suffisamment clair sur la relation de coaching. L’idée doit toujours consister à accompagner le client, jouer un rôle de facilitateur dans une optique de changement, pour atteindre un objectif, qu’il soit personnel ou professionnel, que le travail soit individuel ou collectif.
«Lors d’un coaching, définir l’objectif constitue une part importante du travail. On affine les choses par la conversation, mais on ne dit pas aux gens ce qu’ils doivent faire. Cela doit venir d’eux-mêmes, ce qui n’empêche évidemment pas de les inviter à envisager les choses de telle ou telle manière. L’avis du coach doit rester un avis comme un autre», ni plus ni moins. «Le client emprunte une route vers un territoire qu’il ne connaissait pas, mais cela reste sa route.»
Les compétences du coach relèveront dès lors du climat de confiance qu’il doit instaurer, de l’écoute active, du fait d’être pleinement présent avec le client, de faciliter les prises de conscience, les questionnements, «de transformer les apprentissages et les découvertes en actions». Pascale Perard insiste aussi beaucoup sur l’importance, dans le coaching, de se prémunir des biais et des jugements: il n’appartient pas au coach de transposer sur le client ou d’imposer ses propres croyances. L’impulsion doit provenir du coaché.
C’est presque un mantra: le coach n’est pas un expert dans le domaine d’exploration du coaché. Il ne dicte pas la marche à suivre, comme pourrait le faire un thérapeute, un médecin ou même… un coach sportif, par exemple, ce qui peut entraîner une confusion sur les mots. A l’instar d’un journaliste qui fait du journalisme, un coach fait du coaching. Un accompagnement peut s’avérer utile pour se fixer comme objectif de mieux s’alimenter ou d’arrêter de fumer mais il ne transformera pas le coach en nutritionniste, ni en tabacologue.
C’est pourquoi entamer un processus de coaching demande de disposer de ressources, de motivation, d’un certain équilibre. C’est sur ce point que peuvent survenir des expériences moins heureuses ou que certains coachs, peu scrupuleux ou mal formés, s’aventurent en terrain sensible.
«A tout moment, si un coach se pose des questions sur l’équilibre ou la santé mentale du client, il doit se demander s’il est encore le bon intervenant, avertit Pascale Perard. Si on a affaire à un traumatisme, une dépression ou encore un burnout, c’est chez un professionnel de la santé mentale que la personne doit se rendre.» Pour la présidente d’ICF Belgium, les choses sont claires: un coach n’a ni la formation ni la légitimité pour prendre en charge de tels troubles.
Connaître les limites du coaching
Naturellement, dans la pratique, la frontière est parfois étroite entre ce qui relève des prérogatives du coach ou non. Un coaching en entreprise sera différent d’un coaching personnel. Entre un cadre qui souhaite développer sa gestion d’équipe, une PME accompagnée pour renforcer sa stratégie et une personne qui entend améliorer sa communication ou son équilibre entre vies professionnelle et privée, le coaching prendra nécessairement des chemins différents, au cas par cas.
Si un coach s’interroge sur l’équilibre ou la santé mentale du client, il doit se demander s’il est le bon intervenant.
«Concrètement, selon Elsa Guillier, il peut arriver qu’on aborde, lors d’un coaching, des notions qui sont du ressort de la psychologie: les croyances limitantes ou les distorsions cognitives, par exemple. Ce n’est pas un problème en soi, mais il faut connaître les limites. On est dans une posture d’accompagnement, on doit être neutre et à l’écoute. On évite aussi le mythe de la boîte à outils qu’on peut ressortir en toutes circonstances.»
«Un coach qui vous aide à faire du rangement dans votre maison ne touchera sans doute pas à des points aussi sensibles que lorsqu’on aborde vos valeurs ou vos convictions», ajoute encore Pascale Perard. Elle compare aux étages d’un immeuble les différents niveaux sur lesquels un coaching peut s’opérer: l’environnement de la personne, son comportement, ses compétences, ses valeurs, son identité, puis, au niveau le plus élevé, le sens. «Plus on monte, plus on a une vue sur l’ensemble. Cela devient très passionnant et motivant. Mais aborder ce qui relève de l’identité de la personne demande aussi, pour le coach, de l’expérience et du professionnalisme», qui peuvent malheureusement faire défaut par moments auprès de quelques apprentis-sorciers.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici