Faire face à tous les questionnements et à la réalité de l’absence qui explose © GETTY IMAGES

Comment trouver la force de vie après le suicide d’un enfant

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

De l’envie d’en finir au retour à la vie qui est là, dans ceux qui vous entourent: le cheminement plein d’humanité d’Anne-Dauphine Julliand, mère de Gaspard, parti la veille de ses 20 ans.

Le suicide d’un enfant est pour un parent une souffrance atroce, souvent indicible. La journaliste et essayiste Anne-Dauphine Julliand la vit depuis janvier 2022. A la veille de ses 20 ans, son fils, Gaspard, s’est donné la mort. Un malheur de plus dans le parcours de cette famille de quatre enfants qui a déjà perdu deux filles, Thaïs et Azylis, décédées à l’âge de 3 ans et 10 ans atteintes d’une maladie incurable. Ajouter de la vie aux jours raconte le traumatisme de ce suicide avec une force bouleversante.

Avec des mots simples, Anne-Dauphine Julliand emmène le lecteur dans des moments de vie «ordinaires» qui font sens pour décrire ce qu’est l’après «votre fils s’est suicidé». Il y a immédiatement l’envie de mourir à son tour. La folie de la douleur. Le «comment puis-je vivre désormais?». Puis le retour timide du sourire. Le sentiment de culpabilité qui ronge. La réalité de l’absence qui explose: «On perd ceux qui meurent une fois en entier, puis on les perd sans cesse en détail. Ce sont ces détails qui font le plus mal.»

Il y aussi les questions posées autour de l’enfant qui est là: «Comment m’assurer qu’Arthur aime toujours la vie? Qu’il soit heureux?», s’interroge Anne-Dauphine Julliand à propos de son petit dernier. La nécessité de surmonter la peur d’à nouveau être dans l’action: «Je prends conscience que la vie est là, dans ceux qui m’entourent.» Et l’accommodement avec le nouveau contexte de vie: «Le véritable courage, c’est de faire en soi un espace à la peine. Un lien immatériel où elle peut s’exprimer, l’autoriser à habiter le cœur et les pensées. Sans la laisser tout coloniser. Juste à sa place. A sa juste place.»

«On perd ceux qui meurent une fois en entier, puis on les perd sans cesse en détail.»

C’est comme cela que, restée au bord du monde pendant des semaines, l’autrice renoue avec la vie et les joies. Et comprend ce que Gaspard a ressenti, lui qui tout un temps l’appelait au sortir de l’école pour exprimer son angoisse jusqu’au jour où il lui avait dit, rassurant, qu’il avait envie de sourire parce que c’était le printemps. Et pourtant, elle le sait maintenant: «Il ne croyait plus au printemps. Ni aux jours meilleurs. Gaspard avait 15 ans à la mort d’Azylis. Il s’est retrouvé dépouillé de tout ce qui l’animait: l’insouciance, l’audace, la joie et l’espérance.» Ce récit coup de poing plein d’humanité donne une fameuse leçon de vie.

Ajouter de la vie aux jours, par Anne-Dauphine Julliand, Les Arènes, 144 p.
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