Soigner les soignants: comment les hôpitaux tentent de prendre soin de leurs employés épuisés
A force de prendre soin des autres, le personnel hospitalier a bien failli se perdre dans la crise sanitaire. Heureusement, du massage à la luminothérapie, des initiatives originales se mettent en place pour panser le moral de ceux qui veillent sur notre santé.
Dès l’apparition du virus, les Belges les ont portés en héros, chaque soir à 20 heures, depuis les fenêtres, les balcons. Puis les applaudissements ont faibli, petit à petit. Tandis que la fatigue et l’inquiétude, elles, ne faisaient que croître, en même temps que la masse de travail et la charge émotionnelle pesant sur les infirmièr(e)s, médecins et autres travailleurs du secteur hospitalier. Un cercle vicieux encore renforcé par l’absentéisme pour cause de maladie.
«Au début, l’adrénaline a permis de tenir, mais ensuite la peur est devenue structurelle», commente François Burhin, le directeur général d’EpiCura. «La souffrance était palpable», confirme la Dr Aimée Muregancuro, anesthésiste au sein du groupe hospitalier hennuyer. D’autant que «la crise a éclaté en pleine pénurie de personnel», relève Isabelle Cambier, la directrice du département infirmier du Chirec qui compte cinq sites, à Bruxelles et Braine- l’ Alleud.
Comment prendre soin du mental des soignants à la peine? Le recours à des psychologues s’est vite imposé: «Après des super- visions en interne, nous avons reçu le soutien de la faculté de psychologie de l’UMons et de Jennifer Denis, précise François Burhin. Des subventions fédérales nous ont aussi permis d’engager des psychologues et des sophrologues, pour des consultations individuelles puis collectives lancées dans les salles de détente du personnel, car celui-ci n’allait pas facilement à la rencontre de ces aides.»
«Ça fait partie de leur culture: les soignants n’arrivent pas à se voir en tant que soignés», témoigne Anitha Batamuriza-Almasi, experte qualité du groupe EpiCura. En dépit de l’évolution des mœurs, aller voir un psy reste une démarche difficile dans notre société, y compris pour des professionnels de la santé et «malgré une procédure d’inscription discrète», souligne Isabelle Cambier.
Esprit de corps
Cependant, certaines consultations portent leurs fruits, des idées jaillissent, les réseaux se mettent en place… «Ce qui a recueilli le plus de succès, ce sont les massages de confort proposés selon plusieurs méthodes, comme le shiatsu ou une technique de respiration avec un ostéopathe», indique la responsable des infirmières du Chirec.
Même constat pour le groupe hennuyer où «les massages ont été les plus appréciés» par les soignants, rapporte Anitha Batamuriza-Almasi. «Comme il s’agit de massages assis, habillés, on entre moins dans l’intimité», enchaîne la Dr Aimée Muregancuro, également à l’origine d’ateliers utilisant des casques virtuels et des lunettes Psio (lire l’encadré).
D’autres initiatives, plus ou moins conventionnelles, ont par ailleurs vu le jour, comme des groupes de pleine conscience à tarif réduit au Chirec et deux jours de congé supplémentaires chez EpiCura: «Le plus important, c’était d’obtenir une reconnaissance, insiste son anesthésiste. C’est pourquoi les ateliers étaient ouverts à tout le personnel, y compris les femmes de ménage et les brancardiers.» Peu coûteuses de l’aveu même de leurs instigateurs, ces mesures extraordinaires semblent en outre porter leurs fruits: «Notre enquête de satisfaction, menée auprès de 630 personnes, a montré une réduction du stress», se réjouit l’experte qualité du groupe hennuyer.
Notre enquête de satisfaction, menée auprès de 630 personnes, a montré une réduction du stress.
De quoi encourager les dirigeants des établissements de soins à prolonger leur démarche: «Nous poursuivrons nos actions, car la crise a rappelé qu’un hôpital, c’est de l’humain qui s’occupe d’humains», expose François Burhin. «Nous testons des massages pour améliorer la vitesse de récupération, ajoute Isabelle Cambier, car nous ne voulons pas arrêter un process profitable au bien-être.»
Les sens en vacances
Parmi l’arsenal sélectionné par le groupe EpiCura pour lutter contre le stress de son personnel, le casque virtuel n’a sans doute plus besoin d’être présenté «avec ses images de paysages à thème, au choix, comme la mer ou la montagne», rappelle la Dr Aimée Muregancuro.
Les lunettes Psio, pour leur part, sont peut-être moins connues du grand public. Elles sont pourtant le fruit des recherches d’un psychologue belge, qui remontent à 1984. Concrètement, «elles combinent la luminothérapie – avec une lumière pulsée, en continu, voire pas du tout – et des écouteurs qui diffusent un accompagnement proche de celui de l’hypnose, ou juste de la musique ou des bruits de vagues. Il existe différents programmes», détaille l’anesthésiste. Les hôpitaux du Hainaut ont ainsi opté pour des séances de quinze minutes. «Comme les ateliers devaient être organisés pendant et sur le lieu de travail, le timing est idéal.»
«La fréquence de stimulation visuelle et auditive varie de trois à quinze cycles par seconde», indique le fabricant, qui promet par ailleurs des effets bénéfiques sur le sommeil, l’humeur et la récupération. Disponible en vente libre, le concept Psio a été adopté par la Nasa et plusieurs hôpitaux: «Il est utilisé pour certains patients, notamment en gériatrie», conclut le Dr Muregancuro.
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