Série (3/7) | L’obèle fait de la résistance
On connaît tous son symbole, rarement son nom. Tombé en désuétude, il reste pourtant profondément ancré dans le quotidien.
L’obèle, ou obèle ponctué, est le nom du signe ÷ employé, en général, pour noter une division. Issu du grec ancien obelos («broche à rôtir»), c’est de cette même racine qu’est né le mot «obélisque» pour nommer les monolithes de l’Egypte antique.
A la Renaissance, l’obèle simple (un trait horizontal) sert à pointer les erreurs dans les manuscrits, quand l’obèle ponctué indique un passage douteux. Plus tard, il devient un signe typographique en forme de dague (†) utilisé, comme l’astérisque (*), pour mentionner une note de bas de page. De là viennent d’ailleurs les prénoms des deux héros de BD Obélix et Astérix. L’astérisque est également un signe courant pour désigner la multiplication. Le couple gaulois porte donc indirectement le nom de deux opérations contraires.
Le symbole mathématique est introduit, lui, en 1659 par le mathématicien suisse Johann Rahn. Il prospère ensuite en Angleterre avant de s’imposer partout. Aujourd’hui, pourtant, son usage scientifique est tombé en désuétude. En 2009, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) bannit carrément son usage. Elle lui préfère l’écriture fractionnaire ou, à défaut, la barre oblique (/).
L’obèle reste néanmoins profondément ancré dans la culture populaire. Et, souvent, suscite la polémique. Comme pour ce calcul: 6÷2(1+2). Jeté sur les réseaux sociaux, il a déclenché une foire d’empoigne, les uns convaincus que le résultat est 9, les autres persuadés qu’il est égal à 1.
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Face à cette expression mathématique, le (1+2) doit être calculé en premier. A l’école, c’est ce qu’enseignent les professeurs: traiter d’abord les parenthèses, puis les exposants, la multiplication et la division, enfin l’addition et la soustraction. C’est l’ordre de priorité dont l’acronyme «PEMDAS» n’est que le moyen mnémotechnique de s’en souvenir aisément.
Evidemment, 1+2=3. La question se résume donc à 6÷2×3. Mais là se pose le problème: faut-il commencer par la division ou la multiplication? L’ordre des opérations n’est pas clair et les place au même niveau, tout comme l’addition et la soustraction. La règle voudrait que le calcul s’effectue dans le sens de la lecture (soit un résultat = 9). Mais l’usage des mathématiciens hésite. Ainsi, en 1928, Florian Cajori, dans Une histoire des notations mathématiques, indique une référence encore largement citée: «Si un terme arithmétique ou algébrique contient ÷ et x, il n’y a actuellement aucun accord sur le signe à utiliser en premier. Il est préférable d’éviter de telles expressions.»
C’était il y a un siècle… Au sein de la communauté scientifique coexistent, en réalité, deux écoles: celle qui préfère le sens de la lecture et celle qui considère la multiplication prioritaire, notamment quand il n’y existe aucune ambiguïté et que son signe peut être supprimer, comme, ici, 6÷2(1+2). C’est ce qu’on appelle la «multiplication implicite».
Là où les mathématiciens s’accordent, c’est que s’il fallait appliquer les règles de l’ISO, ce calcul n’est pas valide. Il n’est égal ni à 1 ni à 9, car il existe une erreur de syntaxe. La faute à l’obèle, qui décidément tient tête.
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