Après avoir proposé des simulations en réalité virtuelle de son «Sarco» en 2022, Philip Nitschke a annoncé vouloir passer à la pratique en 2024. ©BelgaImage

La «boîte à suicide» Sarco utilisée pour la première fois: bientôt la mort sans douleur à domicile?

Un médecin australien a conçu un appareil destiné à faciliter le suicide assisté. Pour les associations œuvrant le secteur de l’aide à mourir, cette initiative pourrait faire pire que mieux.

«Une mort paisible et idyllique dans une forêt suisse». Voici comment le médecin australien Philip Nitschke a décrit ce mardi 24 septembre le premier suicide assisté réalisé avec sa création, le «Sarco». Comme l’indique son nom, l’appareil se présente sous la forme d’un «sarcophage» à l’allure futuriste dans lequel une personne peut s’enfermer avant d’appuyer sur un bouton. Le système injecte alors de l’azote dans l’habitacle, provoquant une perte de conscience en quelques secondes, puis la mort en 5 à 10 minutes. C’est ce qui s’est passé cette semaine non loin de la ville helvétique de Schaffhouse. Une sexagénaire américaine originaire du Midwest y a rendu son dernier soupir, avec pour seul accompagnant Florian Willet, coprésident de l’association The Last Resort («le dernier recours», en anglais), propriétaire de la machine.

Selon Nitschke, cette «capsule de la mort» permettrait à celui qui le souhaite de mettre fin à ses jours sans l’avis d’un médecin. L’engin pourrait en effet être librement disponible, le médecin assurant que son invention ne serait pas qualifiée d’appareil médical. Ce dont doutent des juristes suisses. Quoi qu’il en soit, cette «Tesla de la mort», comme la surnomment les journaux helvétiques, provoque la consternation chez les associations accompagnant les candidats à l’aide à mourir, en Suisse comme en Belgique.

Une méthode indolore?

Ce n’est pas la première fois que Philip Nitschke fait parler de lui. Tout au long de sa carrière, il s’est battu pour que son pays natal, l’Australie, autorise l’assistance au suicide. Il en a retiré une certaine aura mais, rapidement, celle-ci a pâli. En 2002, il était venu en Belgique lors du congrès de la World Federation of Right to Die Societies pour présenter un controversé «sac de suicide» en plastique, un dispositif qui permettait de raréfier petit à petit la teneur en oxygène dans l’air, jusqu’à provoquer le décès. Sa proposition avait été mal accueillie, d’autant plus que la Belgique venait de légaliser la pratique de l’euthanasie.

Une illustration du «Sarco», dans sa forme finale. © Exit International / Avalon

Aujourd’hui, «Sarco» fait figure de version 2.0 de ce sac qui n’a jamais rencontré de succès. Selon Nitschke, l’injection d’azote permettrait une mort sans douleur, mais de sérieux doutes subsistent quant à cette affirmation. En janvier 2024, l’Alabama a utilisé l’azote pour procéder à l’exécution de Kenneth Eugene Smith. Une première dénoncée par l’ONU, qui parle de «torture». Selon le média local AL.com, le condamné «a commencé à se tordre et à se débattre pendant approximativement deux à quatre minutes, suivies d’environ cinq minutes de respiration bruyante». Son décès a été déclaré après 22 minutes.

Les associations révoltées

Il n’est donc pas certain que le «Sarco» puisse être lancé en Suisse, malgré la législation très libérale de ce pays. Une arrivée en Belgique «n’est même pas plausible», ajoute Jacqueline Herremans, présidente de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) qui comme des organisations helvétiques comme Dignitas ou Exit Suisse, dénonce le manque d’humanité de la pratique et notamment l’absence des proches et des médecins.

«Cela s’apparenterait à une mort brutale pour les membres de la famille, comme lors d’un accident de la route, estime Jacqueline Herremans. C’est une séparation douloureuse, sans accompagnement. Comment voulez-vous faire face à une émotion pareille si l’un de vos proches utilise un tel système? Même en imaginant que la famille ait le temps de se préparer à ce décès, il n’y a pas l’accompagnement nécessaire pour bien encadrer le deuil. C’est même contraire à la philosophie de l’OMS qui veut qu’une personne ne soit pas seule au moment de sa fin de vie.»

La présidente de l’ADMD ne voit aucune circonstance où le «Sarco» pourrait être intéressant. Philip Nitschke assure pourtant que son appareil serait moins onéreux qu’un suicide assisté tel que pratiqué actuellement en Suisse. Jacqueline Herremans n’en est pas convaincue. «En Belgique, l’aspect financier n’intervient pas. Ce sont les non-résidents, comme les Français, qui paient pour venir mourir en Belgique, notamment les transports, les consultations médicales, les nuitées d’hôtel, etc.».

Pour l’ADMD, cette controverse est donc nulle et non avenue. Pire: elle pourrait paradoxalement être préjudiciable à l’accessibilité aux techniques d’aide à mourir. «Les opposants à l’euthanasie pourraient céder à la tentation d’assimiler Nitschke à ceux qui encadrent la pratique de l’euthanasie. Cela nuit à la possibilité d’avoir le choix de mourir», s’émeut la présidente de l’association.

Cette semaine, les autorités du canton de Schaffhouse ont déclaré enquêter sur l’affaire après la première utilisation du «Sarco». Quatre personnes présentes sur les lieux où la sexagénaire américaine est décédée ont été arrêtées et interrogées. «Nous allons recueillir davantage de preuves et les résultats de l’autopsie, et continuer les investigations sur cette capsule», a déclaré le premier procureur du canton à la la radio-télévision suisse (RTS). «Nous n’en sommes qu’au début.»

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