Démence sénile: et si Montessori pouvait aider?
Le psychologue et chercheur américain Cameron Camp a adapté aux personnes âgées présentant des troubles cognitifs la méthode de pédagogie active développée par Maria Montessori au début du XXe siècle. Avec quel résultat?
Pauline Doucelance pratique son art à la maison médicale de la Thyle, à Court-Saint-Etienne. En 2019, elle titrait son travail de fin d’études en médecine générale «Quelle est la place d’une formation à la méthode Montessori adressée aux médecins généralistes pour une meilleure prise en charge des troubles du comportement des personnes âgées souffrant de démence en maison de repos?» Et regrette que cette méthode ne soit pas enseignée en faculté de médecine, alors qu’elle est connue dans le monde de la neurologie ou de la gériatrie.
Augmenter le bien-être
C’est le psychologue Cameron Camp qui, le premier, a emprunté à la pédagogie active développée par la pédagogue et médecin Maria Montessori l’idée de stimuler l’autonomie de la personne âgée en lui apprenant à faire les choses seule: nouer ses lacets, cuisiner, s’habiller, faire ses courses… «Avec le vieillissement de la population, on est de plus en plus confronté, en médecine générale, à des personnes âgées que l’on visite en institution ou à domicile, souligne Pauline Doucelance. Elles sont généralement très fragiles, présentent beaucoup de problèmes de santé, supportent mal les médicaments et souffrent de beaucoup d’effets indésirables. Pendant mes études, j’ai souvent été confrontée à ce dilemme: des personnes âgées qui ont besoin de médicaments mais supportent difficilement la polymédication. En maison de repos, la moyenne quotidienne de médicaments pris chaque jour est de huit à dix par patient. Je voulais améliorer leur prise en charge, non médicamenteuse, pour augmenter leur bien-être et leur état de santé au sens large.»
Les médicaments ne sont pas inutiles ou inefficaces, mais la méthode par stimulation est scientifiquement tout aussi efficace.
L’idée est d’apprendre à connaître les personnes âgées et à ralentir leur déficit cognitif en stimulant leur mémoire. «Les premiers souvenirs que l’on perd sont logés dans la mémoire à court terme. On constate souvent que les seniors oublient où ils ont garé leur voiture, ce qu’ils ont mangé le midi, qu’ils ou elles ont eu leur fils ou leur fille au téléphone… Au fur et à mesure, les personnes âgées oublieront les vacances passées cinq ans plus tôt, ce qui relève de la mémoire à moyen terme. Enfin, elles perdront les deux types de mémoire à long terme que sont la mémoire sensitive et la mémoire procédurale. La première concerne les sons, la musique, les odeurs… tout ce qui a trait aux perceptions. La seconde est liée à tout ce qui fait appel à l’inconscient comme, par exemple, faire du vélo. C’est tellement ancré en nous qu’il n’est plus nécessaire de réfléchir, d’exercer un contrôle cognitif pour effectuer la tâche. C’est sur celles-là qu’on travaillera pour stimuler les capacités cognitives restantes et ralentir la progression de la démence.»
Rester maître de sa vie
«Pour un médecin généraliste, il est important de bien connaître ses patients, de savoir ce qu’ils aiment ou pas, de connaître leur histoire et leur famille, afin de pouvoir stimuler des souvenirs anciens et, par exemple, parler de leurs enfants, ajoute la jeune médecin. Si on les sollicite avec des souvenirs récents en leur demandant ce qu’ils ont mangé au dernier repas, on risque de créer de l’anxiété s’ils ne s’en souviennent pas. Se rendre compte qu’on perd la mémoire à court terme est très angoissant et, parfois, les médecins prescrivent des anxiolytiques. Les médicaments ne sont pas inutiles ou inefficaces, mais la méthode par stimulation est scientifiquement tout aussi efficace.»
En maison de repos, les aidants et les soignants deviennent des accompagnants pour les résidents. L’ observation et les discussions avec les proches permettent d’en apprendre plus, de savoir ce que les personnes âgées faisaient dans le passé. Si elles aimaient jouer aux cartes, l’ergothérapeute pourra leur faire battre les cartes. En consultation, en maison de repos comme à domicile, Pauline Doucelance applique la méthode Montessori. «Je soigne une centenaire qui vit avec sa fille qui, elle, doit avoir entre 65 et 70 ans. Je l’incite à refaire avec sa mère ce qu’elle aimait faire ou avait l’habitude de faire, comme prendre sa douche le matin ou le soir. C’est la même chose avec les aides-familiales qui peuvent stimuler les personnes âgées en leur faisant couper les légumes du repas. Quand leurs parents vieillissent, beaucoup d’enfants sont dans le contrôle. Or, il est important de respecter leurs choix et de leur permettre de rester maître de leur vie jusqu’au bout. “Quand on m’impose, je m’oppose”.»
A Bruxelles, l’association Senior Montessori forme le personnel des maisons de repos à l’usage de la méthode et, là où le label n’est pas qu’un «argument de vente» mais où les personnes formées appliquent ses préceptes, familles et personnes âgées semblent satisfaites.
La pédagogie active selon Maria Montessori «Toute aide inutile est une entrave au développement de l’individu. Chaque chose que vous faites à ma place est une chose que vous m’enlevez!», répétait la pédopsychiatre et pédagogue Maria Montessori. Sa méthode, qui influence la didactique contemporaine, est centrée sur l’éveil de l’enfant et travaille sur son autonomisation. L’adulte y est un accompagnant qui doit tout mettre en œuvre pour offrir un environnement positif, dans lequel l’enfant pourra développer ses talents et s’autonomiser, dans le respect de son rythme d’apprentissage, de ses préférences et centres d’intérêt, en privilégiant l’apprentissage par l’expérience concrète.
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