Vaccin contre la grippe: pharmaciens et médecins s’entendront-ils?
En voulant permettre aux pharmaciens d’administrer le vaccin contre la grippe, Frank Vandenbroucke a provoqué l’ire des syndicats de médecin. La concertation aplanira-t-elle les angles?
« Totalement inacceptable. » C’est avec un communiqué au vitriol que les principaux syndicats médiaux ont réagi, la semaine dernière, au souhait de Frank Vandenbroucke (Vooruit), ministre fédéral de la Santé, de permettre aux pharmaciens d’administrer en officine le vaccin contre la grippe, du 1er octobre au 31 décembre de cette année.
Pour le ministre, le projet de loi consiste à assurer une complémentarité par rapport à la vaccination réalisée par les médecins généralistes, dans le but d’augmenter la couverture vaccinale. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un taux de 75% chez les 65 ans et plus, il avoisine les 50% en Belgique. Dans onze autres pays européens, les pharmaciens sont autorisés à administrer le vaccin et la couverture y est meilleure, argumente Frank Vandenbroucke.
Par ailleurs, les pharmaciens avaient déjà été sollicités durant l’hiver dernier pour le vaccin contre le Covid-19. Une campagne de rappel est préconisée cet automne pour les 65 ans et plus, les femmes enceintes, les personnes souffrant de maladies sous-jacentes, celles vivant sous le même toit que des personnes vulnérables et le personnel soignant. Les autorités sanitaires ayant recommandé de combiner les vaccins contre le Covid et contre la grippe, il s’agit de faire d’une pierre deux coups auprès des pharmaciens.
Très mauvaise idée selon les syndicats qui ont réagi, à savoir l’Absym et les trois organisations réunies sous l’appellation du Cartel (GBO, MoDeS et ASGB). Après le précédent de la vaccination contre le Covid, ils craignent que l’usage se perpétue concernant le vaccin contre la grippe et annoncent qu’ils useront de tous les moyens pour barrer la route au projet de loi, qui n’a pas encore faire l’objet d’un vote.
Absym et Cartel avancent plusieurs arguments : l’absence de concertation dans le chef du ministre, l’impossibilité pour les pharmaciens de compléter le carnet de vaccination en ligne, le manque de preuve quant à l’amélioration potentielle du taux de vaccination. « Surtout, sous prétexte de vouloir augmenter la couverture vaccinale, on diminue la qualité de soins », dénonce Luc Herry, vice-président de l’Absym. Vacciner contre le grippe ne constitue pas une charge de travail démesurée pour les généralistes, assure-t-il. « Mais c’est aussi l’occasion pour les généralistes de revoir des patients qui ne sont plus venus depuis longtemps » ou avec lesquels le contact s’est distendu durant la crise sanitaire. « On peut faire un check-up, éventuellement diagnostiquer une pathologie, ce qui est d’autant plus important pour ce public cible. En envoyant les gens chez leur pharmacien, dont ce n’est pas le métier, on risque juste de perdre des mois avant de déceler une pathologie. »
Pour augmenter la couverture, avance Luc Herry, la solution consisterait plutôt à permettre aux médecins de strocker les vaccins, au lieu d’obliger les patients à se rendre en pharmacie pour se le procurer.
Il ne s’agit pas de corporatisme, plutôt de qualité de soins.
Luc Herry
Du côté des pharmaciens, la réaction courroucée des syndicats médicaux n’est pas au goût de tous. L’Association pharmaceutique belge (APB) s’est cependant gardée de réagir et ne souhaite en aucun cas mettre de l’huile sur le feu, face à cette demande qui émane du politique. Seuls les pharmaciens ayant suivi une formation théorique et pratique seraient habilités à vacciner, à l’instar de ce qui s’est fait durant la pandémie.
Au cabinet de Frank Vandenbroucke, on s’attendait certes à une réaction des syndicats, mais peut-être pas sur une tonalité aussi amère. Quant au rôle du pharmacien dans une campagne de vaccination, explique-t-on, l’Académie royale de médecine en a elle-même souligné la valeur ajoutée, dans une optique de complémentarité et non de remplacement.
Dans les faits, le projet de loi risque-t-il de créer une forme de concurrence délétère entre pharmaciens et médecins généralistes ? Ce n’est absolument pas l’esprit du projet, considère-t-on auprès du ministre. « Il ne s’agit vraiment pas de corporatisme, mais de qualité de soins », rétorque Luc Herry. A moins que l’ambition de Frank Vandenbroucke ne finisse aux oubliettes d’ici à l’automne, il faudra pourtant trouver un terrain d’entente.
Une concertation médico-pharmaceutique se tiendra en septembre, dans le but de trouver un modus operandi qui convienne à tous. Il faudra vraisemblablement éviter que des patients qui se seraient rendus chez leur généraliste se contentent d’une administration en pharmacie, tout en permettant à des personnes qui ne se rendront de toute façon pas chez leur médecin d’accéder à la vaccination.
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