Les «petites» pharmacies souffrent de la concurrence des points de vente de parapharmacie et des pharmacies en ligne.

«Un prestataire de services davantage qu’un vendeur de boîtes»: comment l’Arizona veut transformer les pharmacies

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

L’accord de gouvernement redéfinit le rôle du pharmacien d’officine et lui confère de nouvelles attributions. Des mesures bien accueillies par un secteur qui souffre de la concurrence des pharmacies en ligne.

Tirer meilleur profit des compétences de chaque prestataire de soins pour aboutir à un système de santé plus efficient, c’est ce qu’ambitionne de réaliser la nouvelle coalition fédérale. Frank Vandenbroucke (Vooruit), qui rempile dans la fonction de ministre de la Santé reçoit donc pour mission de faire aboutir la réforme fondamentale du déploiement du personnel de santé et de procurer à chaque acteur du secteur «un environnement de travail épanouissant» afin qu’il puisse fournir les meilleurs soins possibles aux patients.

Pour que chacun y trouve son compte, l’accord prévoit de moderniser la loi relative à l’exercice des professions de soins de santé, en insistant notamment sur l’acquisition de nouvelles compétences, la coopération entre les différents prestataires et la nécessité de déléguer. Autrement dit, de céder certaines prérogatives jusqu’ici réservées à certaines professions et d’assouplir «la démarcation entre les professions».

Les pharmaciens étaient déjà autorisés à administrer certains vaccins, comme celui de la grippe.

Pour ce faire, l’Arizona prévoit de renforcer les compétences des kinésithérapeutes, des sages-femmes et des pharmaciens, ainsi que de libérer de la place pour les nouveaux profils

Le pharmacien, qui a joué un rôle central pendant la crise du Covid-19, notamment au niveau de la distribution des tests antigéniques et PCR, s’est vu autorisé en 2023 à administrer le vaccin contre la grippe jusqu’au 31 décembre et celui contre le coronavirus, sans limite dans le temps. Son rôle va déjà aujourd’hui bien au-delà de la simple délivrance de médicaments et de l’observance thérapeutique. Mais à l’avenir, il devrait être plus impliqué encore dans la détection de pathologies courantes et/ou chroniques telles que le diabète, le cancer de la peau ou les maladies cardiovasculaires. Le gouvernement annonce également qu’il examinera la possibilité d’autoriser le pharmacien à administrer d’autres vaccins. Lesquels? «A ce stade, nous n’en avons aucune idée, commente Nicolas Echement, porte-parole de l’Association pharmaceutique belge (APB). Il pourrait s’agir de vaccins contre le HPV, le tétanos ou le pneumocoque, selon le schéma vaccinal. Mais aucune discussion n’a encore été menée à ce sujet».

Le nombre d’officines en baisse

Une extension des prérogatives en matière de vaccination à laquelle l’Absym et le Cartel (qui regroupe le GBO, l’ASGB et Modes) s’étaient montrés peu favorables, estimant qu’elle «dévalorise le travail de qualité des médecins généralistes».

Il est également prévu que le pharmacien d’officine, en collaboration avec celui d’hôpital, l’AFMPS, l’INAMI et les médecins, joue un rôle accru dans la délivrance des médicaments actuellement réservés à la pharmacie d’hôpital. Le principe serait le suivant: le médicament serait délivré par l’officine pharmaceutique lorsque c’est possible et par la pharmacie de l’hôpital lorsqu’il le faut.

Enfin, et dans le cadre de la lutte contre la surconsommation médicale, le nouveau gouvernement s’engage à améliorer deux services actuellement proposés en officine, à savoir les programmes de sevrage progressif et la revue de la médication.

L’accord de gouvernement a fait réagir l’APB qui, au travers de son Mémorandum et de son Enquête préélectorale, avait établi la liste de ses priorités.

«Ces derniers mois, l’APB a entretenu des contacts réguliers avec les différentes formations politiques afin de donner aux pharmaciens la place qui leur revient dans le texte de cet accord. Ces efforts ont payé!», peut-on lire dans un courrier adressé lundi par l’APB à l’ensemble de ses membres.

Entre 2017 et 2023, le nombre de pharmacies a diminué de 4,3%, soit 215 officines.

Etude Sirius Insight

«Le métier de pharmacien évolue: il est davantage un prestataire de services qu’un vendeur de boîtes, un acteur de première ligne capable de conseiller et d’orienter rapidement les patients. Il faut donc que le réseau puisse offrir une bonne accessibilité pour le citoyen et une grande disponibilité», complète Nicolas Echement.

L’accord de gouvernement aidera-t-il les pharmacies en difficulté à se refaire une santé? Selon une étude menée par la société de marketing Sirius Insight, le nombre de pharmacies est en constante diminution en Belgique avec 4.714 officines en 2023 contre 4.929 en 2017, soit une baisse de 215 pharmacies (-4,3%). Ce nombre reste le plus élevé dans les provinces du Hainaut, de Flandre-Orientale et d’Anvers. Cependant, les pharmacies indépendantes restent majoritaires (80%) face aux groupes (20%).

«Comme tout commerçant, le pharmacien doit s’assurer une rentabilité optimale de son officine. C’est cet équilibre entre qualité commerciale et exigences légales que chacun doit viser aujourd’hui, car en dehors des médicaments soumis à prescription, la concurrence avec les grandes surfaces, les parapharmacies et les différentes boutiques en ligne devient rude», décrit l’étude de Sirius Insight.

Un constat que tempère l’APB. Si les pharmacies peinent à rivaliser avec les parapharmacies en ligne ou les chaînes telles que Medi-Market (qui compte 150 points de vente à travers la Belgique, le Luxembourg et l’Italie et qui compte en ouvrir dix à quinze de plus d’ici 2028) pour la vente de compléments alimentaires ou de cosmétiques, les ventes de médicaments représentent encore 80% du chiffre d’affaires en moyenne. Le principal désavantage des pharmacies par rapport aux parapharmacies étant qu’elles ne peuvent pas faire de publicité.

Attirer de nouveaux clients en élargissant ses attributions et en l’aidant à garder le lien avec le citoyen pourra-t-il redonner un second souffle aux officines qui souffrent le plus? C’est ce qu’espère le secteur.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire