© Illustration créée par une intelligence artificielle (MIDJOURNEY) – Crédit: Roularta Media Group

Les cas d’AVC chez les jeunes augmentent, et continueront de croître

Il n’y a pas d’âge pour faire un infarctus cérébral, ou une hémorragie. Cela n’arrive pas qu’aux 60+. Mais les moins de 50 ans peuvent être concernés pour des raisons différentes.

«N’es-tu pas un peu jeune pour avoir déjà fait un AVC?» Nickie (33 ans) a entendu cette question un peu trop souvent à son goût. «Moi aussi, je me trouvais trop jeune pour subir un infarctus cérébral une semaine avant mon 29ᵉ anniversaire. Les gens ne réalisent pas que cela peut arriver à tout le monde.»

L’acronyme «AVC» désigne à la fois les infarctus cérébraux (un caillot dans un vaisseau sanguin bloque la circulation) et les hémorragies cérébrales (une rupture d’un vaisseau sanguin). Chaque année, 25.000 Belges en sont victimes. Il s’agit d’ailleurs de la deuxième cause de mortalité dans le pays et la première cause de lésions cérébrales acquises (LCA).

«Un nombre non négligeable de jeunes Belges sont touchés par un AVC», confirme Laetitia Yperzeele, professeure de neurologie à l’UAntwerpen. S’il n’existe pas de chiffres précis, on estime toutefois que 10% à 15 % des patients victimes d’un AVC ont moins de 50 ans en Belgique.

Diagnostic manqué

Pour Nickie, l’accident vasculaire cérébrale a eu lieu en octobre 2020, lors d’un entraînement de course à pied. «Nous venions de terminer une série d’intervalles. Soudain, je me suis sentie très mal. J’ai perdu le contrôle de la moitié gauche de mon corps et je me suis effondrée. Quand mon compagnon est arrivé, je vomissais constamment et je n’arrivais plus à articuler un mot.» La jeune femme est admise aux urgences et son «malaise après une course» ne fait pas immédiatement penser à un AVC aux soignants. «Il persiste encore, malheureusement, tant dans la population en général que chez les professionnels de la santé, l’idée erronée que certains symptômes chez les plus jeunes ne sont pas synonymes d’AVC, admet Laetitia Yperzeele. En présence de troubles subtils comme des problèmes d’équilibre ou de vision double, l’AVC est encore moins bien reconnu, même chez les personnes âgées.»

Dix pour cent à 15 % des patients victimes d’un AVC ont moins de 50 ans en Belgique. © GETTY

«Je sentais clairement que quelque chose n’allait pas, se souvient Nickie. Mais à cause du chaos lié au coronavirus dans le service des urgences et du fait que je n’arrivais pas à exprimer clairement ce qu’il se passait, beaucoup de temps a été perdu. Ce n’est que le lendemain matin, après une IRM, qu’il est apparu qu’un caillot avait bloqué l’apport sanguin à une partie de mon cervelet. Les dégâts étaient faits, rien ne pouvait plus les réparer, pas même une thrombolyse intraveineuse (NDLR: une injection d’anticoagulants diffusés dans tout le corps)

Après le diagnostic, Nickie était submergée par la colère et les questions. «Pourquoi cela m’est-il arrivé? J’étais jeune, sportive, je ne buvais pas, je ne fumais pas, je ne consommais pas de drogues. Subitement, j’étais devenue incapable de faire quoi que ce soit, même les choses les plus simples comme marcher, nouer mes lacets ou tenir une fourchette. Je devais tout réapprendre.»

Déchirure d’artère et «trou dans le cœur»

Dans 25% à 40% des cas, la cause d’un AVC reste inconnue. Les femmes de moins de 35 ans sont plus susceptibles de subir un infarctus cérébral que les hommes jeunes. Cela pourrait être lié à des facteurs comme le tabagisme, la pilule contraceptive, ou le risque accru de coagulation pendant une grossesse et juste après l’accouchement.

Les causes d’un AVC à un jeune âge diffèrent souvent de celles observées chez les personnes âgées, où les facteurs de risque classiques de maladies cardiovasculaires jouent un rôle prépondérant. Les principales causes des AVC chez les jeunes incluent une déchirure dans la paroi de l’artère transportant le sang vers le cerveau (un cas sur cinq) et un «trou dans le cœur» ou foramen ovale perméable (FOP, un cas sur quatre). Dans ce dernier cas, un caillot formé ailleurs dans le corps, par exemple dans les veines des jambes, peut passer par ce trou jusqu’aux artères cérébrales, provoquant un AVC. Les autres risques incluent l’usage de drogues, un accident avec mouvements brusques du cou, ou des maladies héréditaires rares.

«Nous devons mieux accompagner les jeunes victimes dans leur réintégration sociale et professionnelle.»

«Perte vivante»

Lorsque de jeunes personnes endurent un AVC, les répercussions sur leur quotidien sont indéniablement grandes. Nickie a d’ailleurs constaté que les soins prodigués n’en tenaient pas suffisamment compte. «Pendant la rééducation, l’accent était mis presque exclusivement sur la récupération physique. Mais qu’en est-il de ma carrière, de mes ambitions, de mes loisirs, de ma vie sociale, des conséquences financières, et de mon désir d’avoir des enfants? Les patients plus âgés sont moins confrontés à ces problèmes. La fin brutale de ma vie d’avant m’a plongée dans une crise d’identité et m’a renvoyé une image négative de moi-même. Parfois, je parle de « perte vivante ». Je suis en deuil de la personne spontanée, insouciante, sportive, socialement active, ambitieuse et avide de voyages que j’étais. Je suis constamment confrontée à ces aspirations perdues. Récemment, une amie m’a parlé de sa promotion, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ç’aurait pu être moi.»

La Pr. Laetitia Yperzeele confirme que le parcours de soins pour les AVC ne fait aujourd’hui pratiquement pas de distinction entre jeunes et aînés. «Nous devons mieux accompagner les jeunes victimes d’AVC dans leur réintégration sociale et professionnelle. Ces patients, encore actifs professionnellement au moment de leur AVC, se trouvent souvent dans une phase de leur vie où beaucoup de choses se passent en même temps. Après leur rééducation, ils ressentent un vide psychologique et cognitif. Il est problématique que l’aide neuropsychologique ne soit pas remboursée de la même manière que, par exemple, la kinésithérapie, ce qui crée une barrière financière.»

Les préjugés et les malentendus font également partie du quotidien de Nickie en raison des séquelles invisibles de son AVC, comme l’épilepsie, l’hypersensibilité aux stimuli et une fatigue accablante. «Les gens me disent parfois qu’ils sont aussi fatigués, mais cela n’a rien à voir avec l’épuisement invalidant que je ressens. Si je dépasse mes limites, je passe une semaine à ne rien pouvoir faire, et la moitié gauche de mon corps recommence à poser problème. Mon entourage ne comprend pas toujours cela. De plus, on suppose souvent que les patients ayant une lésion cérébrale ont des capacités mentales réduites, et on n’ose pas leur adresser la parole. Pourtant, nos capacités intellectuelles sont généralement intactes.»

Les facteurs de risque classiques comme l’hypertension et le cholestérol apparaissent désormais plus fréquemment chez les jeunes.

Une tendance préoccupante

Laetitia Yperzeele appelle ainsi à une meilleure compréhension des personnes atteintes de lésions cérébrales acquises. «Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas les symptômes qu’ils n’existent pas.» Cependant, la neurologue met également en garde contre une tendance alarmante: «Nous constatons que les facteurs de risque cardiovasculaires classiques, comme l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie, apparaissent de plus en plus tôt en raison d’une mauvaise alimentation, du tabagisme, du manque d’activité physique et de l’obésité dans cette tranche d’âge. Dans un cas sur trois, un AVC précoce est provoqué par ces facteurs de risque que l’on observait autrefois principalement chez les personnes âgées. Nous voyons une forte augmentation de la prévalence des AVC chez les jeunes, et nous nous attendons à ce qu’elle continue de croître dans le futur.»

Comment intervenir vite et efficacement?

Les symptômes d’un AVC peuvent inclure une déviation soudaine de la bouche, une paralysie ou des troubles sensoriels d’un côté du corps, des difficultés à parler ou à comprendre, des troubles de l’équilibre, une vision double.

Avec le test «FAST», les témoins et les professionnels de santé peuvent reconnaître très rapidement les signes d’un AVC. FAST signifie: Face (visage), Arm (bras), Speech (parole), Time (temps). Dès lors, il est recommandé de:

– demander à la personne de sourire et de vérifier si la bouche est asymétrique;

– faire lever les deux bras à la victime et observer si l’un d’eux reste abaissé;

– vérifier si la personne a du mal à parler ou à comprendre;

– appeler immédiatement le 112 si un ou plusieurs de ces signes sont présents.

Agir vite peut sauver des vies et limiter les dommages au cerveau. Même si une paralysie d’un bras ne dure que quelques minutes et disparaît, il est essentiel de consulter un médecin. Tous les symptômes n’ont pas besoin d’être présents simultanément pour suspecter un AVC.

Une méthode encore plus précise est le test «BEFAST», qui ajoute deux critères supplémentaires:

B (Balance), les troubles de la coordination, et E (Eyes), la vision double.

 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire