burnout surmenage
Il en faut peu pour être heureux… et pour travailler mieux. Et éviter le burnout. © Getty Images/fStop

Travailler moins et mieux: comment désencombrer sa vie professionnelle

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Et si la clé pour éviter le burnout se trouvait dans le fait de désencombrer sa vie professionnelle? Une philosophie minimaliste qui vise l’essentiel, pour mieux gérer son temps et son énergie au quotidien. Y compris face aux difficultés inhérentes au monde du travail.

Il en faut peu pour être heureux… et pour travailler mieux. En Belgique, le nombre de personnes en invalidité pour burnout ou dépression a grimpé de 43% en cinq ans, selon les derniers chiffres de l’Inami. Au total, 125.673 personnes étaient concernées par ces troubles en 2022, principalement les femmes. Des chiffres qui pourraient encore être plus élevés, car ils ne reprennent pas les fonctionnaires statutaires. Si la prévention relève en partie de l’employeur, le travailleur possède aussi des leviers. A commencer par désencombrer sa vie professionnelle, conseille Yoneko Nurtantio, coach et formatrice en organisation du travail.

Des clés pour travailler mieux et éviter le burnout, c’est ce qu’elle propose dans un livre élaboré avec sa sœur et ses parents. Sa question de départ: c’est quoi, une chouette vie? Autrement dit, une réflexion sur ce qui porte et donne de l’énergie. Elle fait référence à l’Ikigai, une méthode japonaise qui signifie «mission de vie» et consiste pour chacun à chercher ce qu’il aime, ce pour quoi il est doué et ce dont le monde à besoin. «Une fois cet horizon en ligne de mire, il faut y consacrer 10% de son temps, fonctionner par essai-erreur et intégrer de plus en plus de chouette dans sa vie.»

Etablir des priorités

Une méthode parfois difficile à appliquer dans son quotidien professionnel. «Il est difficile de se mettre des priorités. Parfois elles sont évidentes, mais le travailleur n’ose pas dire non, pour être sympa ou ne pas frustrer les collègues.» Et ce n’est pas une bonne chose, estime la coach en organisation du travail. Elle cite l’acteur Hugh Jackman, qui dit ne jamais se donner à 100%, mais à 85%, même si cela paraît anti-conventionnel sur le lieu de travail. Elle prend l’exemple du secouriste: «En intervention, la première question c’est: est-ce que ma propre sécurité est assurée? C’est essentiel. Impossible donner le meilleur aux autres avant d’être bien soi-même.»

Et si la hiérarchie ne donne pas de priorités? «Parfois, le travailleur est pieds et poings liés. Quelle est sa marge? La première étape est de s’en rendre compte.» Yoneko Nurtantio conseille de prendre du temps le vendredi après-midi pour regarder son agenda et voir ce qui a pris le plus de temps. Ensuite prendre du recul et adopter un regard critique. «Prendre conscience est déjà un grand pas.» Elle recommande ensuite de communiquer de manière positive avec sa hiérarchie. «Il faut venir avec des éléments de négociations, et poser les faits, les missions, le temps qu’elles prennent. Et dégager des priorités. Il y a trois pôles à tout projet: le temps, la qualité et le coût. Cela ne peut jamais être les trois, il faut faire des choix

Slow working ou désencombrer sa vie professionnelle

Elle prône le «slow working». «C’est un peu la loi de Pareto, qui dit que 20% d’efforts apportent 80% de résultats. Ce n’est pas travailler lentement, mais moins et mieux. Tout est toujours vu comme super important, mais l’urgence n’est pas la même pour tout le monde.»

Ayant travaillé précédemment sur le zéro déchet et le gaspillage, Yoneko Nurtantio y voit une analogie avec la méthode «des 4R»: refuser, réduire, réutiliser, recycler. Cela permet de regarder ses tâches avec un certain recul, se mettre en priorité, puis réduire le volume. Il est possible aussi d’adapter son travail en fonction de la situation. «Si mon texte va être présenté en comité de direction ou juste entre collègues, le rendu ne doit pas être le même. Le travailleur n’est pas non plus là pour réinventer l’eau chaude, mais aussi pour regarder ce qui existe déjà, utiliser les ressources à sa disposition.»

Noyé entre les mails et les réunions

Un exemple flagrant: la gestion des mails. La coach conseille de temporiser avant d’envoyer sa réponse, et s’éloigner de la pulsion d’immédiateté. «Si je décale ma réponse, cela va habituer l’autre à ne pas compter sur moi comme variable d’ajustement quand il est en retard. De plus, laisser du temps permet une réponse plus qualitative plutôt qu’un ping-pong souvent stérile. Le rythme global de l’équipe en bénéficiera.» Il en va de même pour les réunions, trop nombreuses et mal ciblées. «Mieux vaut faire de petites réunions avec les personnes concernées, et informer le reste de l’équipe ensuite.»

Yoneko Nurtantio préconise également d’avoir un temps… de rien. «C’est confortable d’avoir un agenda surchargé, cela donne une consistance.» Si le vide peut paraître vertigineux, il est aussi précieux pour réfléchir, se recentrer et planifier. Au risque de tomber dans cercle vicieux: «Le grignotage intellectuel est nuisible, mais il évite aussi de regarder les choses en face. On alimente parfois la surcharge parce qu’on y trouve son compte.»

Désencombrer sa vie professionnelle: d’abord enlever le «rouge»

Souvent, la bulle d’air vient après le travail. Mais cela n’est parfois qu’un leurre. «Ma sœur avait l’habitude de dire qu’après le bureau, elle allait se balader, faisait de la méditation, donc avait une vie très épanouie.» Mais elle passait en réalité son temps à souffler et à s’énerver sur la journée écoulée. «Avoir une vie professionnelle désencombrée et épanouie, ce n’est pas juste avoir des activités «vertes», avertit Yoneko Nurtantio. C’est d’abord enlever le ‘rouge’, ce qui rend fou et prend de l’énergie.»

Pour éviter le burnout, l’essentiel est de conscientiser sa situation. Les signaux sont de plus en plus pris en compte, et c’est une bonne chose. «Prendre soin de soi n’est pas une option. En Occident, la médecine soigne la maladie. En Chine, elle préserve la santé. C’est une approche très différente. Réapprenons à être dans l’anticipation et la préservation, prenons soin de ce qui est déjà là.»

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