Des traces du virus H5N1 ont été détectées dans du lait commercialisé aux Etats-Unis, mais à de faibles quantités, révèlent les chercheurs du Broad Institute, dans le Massachusetts. © Boston Globe via Getty Images

Transmission à l’humain, risque de pandémie, vaccin: tout savoir sur le virus H5N1

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

La transmission récente du virus H5N1 à un adolescent canadien alerte les autorités sanitaires sur la capacité mutationnelle de la grippe aviaire. A terme, une propagation interhumaine n’est pas exclue. La vigilance est de mise en Europe.

L’alerte avait déjà été lancée en avril par l’OMS. Sept mois plus tard, le H5N1 refait parler de lui. Depuis dix jours, un adolescent canadien atteint du virus de la grippe aviaire est en effet hospitalisé à Vancouver. Son état critique fait craindre le franchissement d’une nouvelle étape dans la mutation de la maladie.

«Cette contamination suscite l’inquiétude car il s’agit du premier cas humain sévère depuis des années, expose l’infectiologue Yves Van Laethem. Ces derniers mois, le virus a touché des fermiers américains (lire plus bas), mais les symptômes restaient légers et se limitaient à des conjonctivites. Or, le cas canadien rappelle des formes graves observées dans les années 2003-2004 en Asie du Sud-Est et en Egypte, dont le taux de létalité avoisinnait les 50%.»

Des vaches contaminées

Le virus H5N1 n’a en effet rien d’une nouveauté. Détecté pour la première fois en 1997, il affecte principalement les volailles et les oiseaux migrateurs. Sporadiquement, il peut aussi toucher des éleveurs en contact direct avec la maladie, ou des animaux qui se nourissent de carcasses d’oiseaux contaminés, tels que les renards, les fouines ou les chats sauvages. Depuis trois ans, les infections chez les mammifères sont de plus en plus fréquentes et variées: les phoques, les panthères ou les ours en sont également victimes. «Cet élargissement à d’autres espèces a été le premier signe d’une mutation du virus», souligne le virologue Marc Van Ranst.

Une nouvelle étape a été franchie en mars 2024, avec l’identification de la maladie chez des vaches laitières au Texas. «Le virus a réussi à s’adapter aux bovins, ce qui n’avait jamais été observé par le passé, note Steven Van Gucht, virologue et président du Comité scientifique de Sciensano. Depuis, plus de quatorze Etats américains ont recensé des foyers sur leur territoire.» Une épidémie qui s’étend également aux fermiers: début novembre, un total de 46 cas de grippe aviaire avaient été confirmés chez des humains, dont un peu moins de la moitié (20) ont été exposées à des volailles infectées et 25 à du bétail contaminé, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).

Eviter le scénario du pire

Si aucune transmission interhumaine n’a pour l’heure été recensée, elle pourrait être la prochaine phase dans l’évolution du virus, craignent les experts de la santé. L’hypothèse d’une nouvelle pandémie n’est donc pas exclue. Dans ce cadre, la forme sévère contractée par le patient canadien inquiète. «Une pandémie de H5N1 virulente n’aurait rien à voir avec celle du Covid-19, qui apparaît comme un simple rhume à côté de ce virus, met en garde Yves Van Laethem. D’autant qu’il touche toutes les tranches d’âge: les jeunes paient le même tribut que les plus vieux face à la maladie.»

Un scénario catastrophe que veulent à tout prix éviter les autorités sanitaires. En Europe, où aucun cas n’a (encore) été recensé chez les bovins ou les humains, la vigilance est de mise. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) surveille la situation sur le Vieux Continent et «continuera à mettre à jour son évaluation au fur et à mesure que de nouvelles informations seront disponibles», indiquait l’organisation dans un rapport publié le 8 novembre. Pour le moment, le risque pour l’humain est considéré par l’ECDC comme «faible» pour la population générale et «faible à modéré» pour les personnes dont les activités les exposent à des animaux infectés ou à un environnement contaminé.

Les vaccins dans les starting-blocks

En Belgique, l’Institut de santé publique Sciensano poursuit son travail de surveillance structurelle du virus, focalisée principalement sur les oiseaux sauvages et les volailles. «Mais nous restons attentifs à d’éventuelles contaminations chez les bovins, assure Steven Van Gucht. La gestion un peu chaotique du début de l’épidémie aux Etats-Unis doit nous servir de leçon: là-bas, la priorité a été donnée à l’économie. Or, c’est la santé publique qui doit primer. Nous sommes prêts à réagir rapidement.» Un test est notamment prêt à être utilisé pour détecter la présence éventuelle du H5N1 dans des denrées alimentaires, alors que de telles traces ont été identifiées dans du lait cru commercialisé aux Etats-Unis. «Mais pour le moment, il n’y aucune raison de recourir à ce genre de tests chez nous», rassure Steven Van Gucht.

Outre la surveillance, les autorités sanitaires planchent également sur des traitements: en juillet, l’OMS a lancé une initiative visant à accélérer le développement de vaccins à ARN messager (ARNm) contre le virus. Deux candidats-vaccins ont été retenus. «Ils sont dans les tiroirs et peuvent être produits à grande échelle si nécessaire», précise Steven Van Gucht. «On ne sait pas s’ils pourront protéger des formes les plus sévères, mais au moins, on est bien plus avancé que lors de la pandémie de coronavirus», se réjouit Yves Van Laethem.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire