Supprimer les dates de péremption sur certains produits, une bonne idée pour lutter contre le gaspillage?
Supprimer les dates de péremption sur certains produits, une bonne idée pour lutter contre le gaspillage? © Getty

Supprimer les dates de péremption ? « Pour certains produits, la date est contre-productive »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Beaucoup d’aliments finissent à la poubelle alors qu’ils sont encore parfaitement aptes à la consommation. Face à ce gaspillage, l’Allemagne propose de supprimer la date de péremption sur certains produits. Une bonne idée ? Pour certains produits, probablement.

Près de 59 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année dans l’Union européenne, ce qui équivaut à 131 kilos de déchets par personne et par an. Face à ce gâchis, l’UE et ses États membres ont mis en place des mesures afin de réduire les pertes et les gaspillages alimentaires. 

Les dates de péremption sur certains aliments « dénuées de sens« 

Pour aller encore plus loin, le ministre fédéral allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir, demande la suppression de la date de péremption pour les produits à longue conservation tels que le thé, le riz ou le miel. Pour lui, il est « complètement dénué de sens » de fixer une date pour des produits alimentaires à longue durée de conservation.

Professeur à la Faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain, Yvan Larondelle estime également que les dates de péremption ne sont pas toujours pertinentes. Il cite l’exemple du riz. « Si les grains de riz sont bien secs, et correctement emballés, il n’y a pas de raison qu’après 3 ans, ils ne soient plus bons, et que quelques jours plus tôt ils le soient encore ».

Parfois, les dates de péremption peuvent en effet inciter le consommateur au gaspillage. « Dans un certain nombre de cas, elles permettent de protéger le consommateur, mais comme la règle a été appliquée de manière unilatérale, elle est un peu contre-productive pour certains produits, et génère du gaspillage. Les consommateurs qui ne sont pas nécessairement avertis se disent qu’ils ne vont pas prendre de risque, et ils jettent systématiquement les produits qui dépassent la date de péremption, alors que l’attitude à adopter peut varier d’un produit alimentaire à l’autre », souligne le scientifique. 

Il rappelle que les dates de péremption remplissent une double mission. « La première chose, c’est d’attirer l’attention du consommateur sur le fait qu’il doit être prudent, ce qui ne veut pas dire nécessairement qu’il doit jeter l’aliment, mais qu’il doit faire attention. S’il y a par exemple des insectes dans le riz, même si la date n’est pas passée, il ne faut pas le manger. C’est une question de bon sens », explique Yvan Larondelle.

Les dates de péremption servent aussi à protéger les producteurs. « Au-delà de la date de péremption, leur responsabilité n’est plus engagée. Si jamais un consommateur tombe malade quelques jours après la date de péremption, le producteur n’est plus responsable, car la date est passée », précise-t-il. Pour limiter le gaspillage, au lieu de supprimer les dates de péremption, il pourrait être envisageable de prolonger les échéances. « Il faut étudier la question au cas par au cas, et demander l’avis des experts du Conseil Supérieur de la Santé par exemple », ajoute le professeur.

A consommer de préférence avant

A l’heure actuelle, les dates de péremption ne sont pas obligatoires sur une dizaine de produits, tels que le sucre, le vinaigre, le sel, mais aussi les fruits et légumes frais, le pain, l’alcool fort ou encore le vin. Les autres denrées alimentaires portent la mention « à consommer de préférence avant…  » ou celle indiquée par la mention « à consommer jusqu’au …« . Or, pour un certain nombre de consommateurs, ces mentions prêtent à confusion. Ils jettent des produits parfaitement comestibles parce qu’ils portent la mention « à consommer de préférence avant… « .

« La date ‘à consommer de préférence avant…’ vise principalement à garantir la qualité de la denrée alimentaire. Lorsqu’elle est dépassée, la denrée peut perdre une partie de sa texture, sa couleur ou son goût, mais reste en général consommable en toute sécurité, pour autant qu’elle ait été conservée dans de bonnes conditions », souligne le SPF Santé. 

En cas de dépassement de la date, le SPF recommande toutefois de faire un contrôle visuel, de la sentir ou de la goûter afin de détecter un défaut éventuel, par exemple une odeur de moisi ou un goût de rance, avant de consommer la denrée ou de l’utiliser.  « Cela ne veut dire pas qu’il faut jeter le produit 12 heures après, mais qu’il faut être attentif. Si on ouvre un pot de yaourt périmé depuis la veille par exemple, il faut l’observer, et même adopter cette règle par rapport à un pot de yaourt pour lequel la date de péremption n’est pas encore passée, car un incident est toujours possible. Certains consommateurs font une confiance aveugle à ces dates de péremption, mais s’il y a eu un problème dans la chaîne de fabrication, l’aliment n’est évidemment plus propre à la consommation même si la date n’est pas dépassée. »

Certains consommateurs font une confiance aveugle aux dates de péremption

A consommer jusqu’au

En revanche, la date “à consommer jusqu’au …” doit-elle être respectée, car elle concerne la santé publique. “Lorsqu’elle est dépassée, le produit ne peut plus être consommé, car il n’est plus assuré d’être microbiologiquement sain. Une telle date est indiquée sur des aliments microbiologiquement très périssables, qui, de ce fait, sont susceptibles, après une courte période (de l’ordre de quelques jours), de présenter un danger immédiat pour la santé, par exemple des aliments frais préemballés tels que la viande, le poisson, les salades, les plats préparés, etc. pour lesquels il est aussi très important de respecter la chaîne du froid », souligne le SPF Santé.

Yvan Larondelle rappelle que, quel que soit le type de date, celle-ci n’est applicable que si l’emballage n’a pas été ouvert ou endommagé, car dans ce cas, la denrée alimentaire peut alors devenir un produit périssable à court terme et la date de conservation indiquée n’est plus d’application.

Il souligne aussi l’importance de conserver les aliments à un endroit opportun. « Si vous laissez des boîtes de riz dans une cave humide, date de péremption ou pas, ces aliments risquent de s’abîmer. Et un certain nombre de consommateurs ne font peut-être pas attention aux conditions de conservation domestique, notamment pour les aliments secs ».

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