Stoïcisme : ce que Marc Aurèle peut nous apprendre
On savait que certains politiciens puisent de l’inspiration auprès des empereurs romains. Mais à vous aussi, ils peuvent vous enseigner quelque chose. Pas Néron ou Auguste, mais Marc Aurèle.
Petite mise en garde préalable: si, après avoir lu cet article, vous décidez de vous convertir au stoïcisme, il y a de fortes chances que vos proches froncent les sourcils. Il y a pas mal d’idées fausses qui circulent sur le concept de stoïcisme, explique le psychologue canado-écossais Donald Robertson. Il étudie la philosophie grecque ancienne depuis des années et a écrit un livre à ce sujet : How to Think Like a Roman Emperor. Beaucoup de gens pensent que les stoïciens sont des créatures sans émotions qui se laissent toujours marcher sur les pieds. C’est absurde, bien sûr. Mais les choses semblent changer, car ces dernières années, le stoïcisme est devenu presque à la mode. Les fans y voient une alternative occidentale au bouddhisme. Et ils sont attirés par l’aspect pratique : contrairement à beaucoup d’autres philosophies, souvent très théoriques, on peut parfaitement appliquer le stoïcisme à sa propre vie. Pour que tout soit le plus concret possible, Robertson a sorti un modèle des livres d’histoire : l’empereur Marc Aurèle, le dernier et le plus célèbre stoïcien.
Il faut dire que Marc n’a pas eu une vie facile. Son père est mort quand il avait trois ans et il est adopté à l’adolescence par l’empereur Antonin le Pieux. Il a treize enfants, mais en perd huit. Il survit également à son épouse, l’impératrice Faustine. Et malgré son état de santé précaire, il se rend sur le champ de bataille à l’âge de cinquante ans – un âge très avancé, selon les normes romaines. Et pourtant Marc reste remarquablement calme et affable. C’est lié à son attitude stoïque face à la vie, explique Robertson. « Pour les stoïciens, il y a trois types d’émotions : bonnes, mauvaises et ‘indifférentes’. Ces dernières sont ce qu’on appelle les réflexes émotionnels, que les animaux ressentent également. Quand un incendie se déclare soudainement, on a peur. Il suffit simplement d’accepter ces émotions, sans se laisser emporter. Les bonnes émotions, telles que l’amour et le bonheur, peuvent être pleinement vécues. Mais ce que les gens comme Marc essayaient de désapprendre, ce sont les « passions » ou les émotions pathologiques. Continuer à s’inquiéter de catastrophes possibles, par exemple. Ou se plaindre à l’infini de maux, alors que ça ne sert à rien. »
Désirs malsains
Imaginez que vous êtes un chien attaché à une voiture en mouvement avec une laisse. Vous avez alors deux options : soit vous résistez de toutes vos forces, et serez traînés sur le sol. Soit vous acceptez votre destin et suivez tranquillement. Vous avez compris: le stoïcien sage choisit la deuxième option. Le livre de Robertson est plein de conseils pratiques sur la façon de gérer la peur, la colère, la douleur et la souffrance. Et l’auteur fait souvent le lien avec la thérapie cognitivo-comportementale, qui applique des techniques similaires. Supposons que vous soyez soudainement viré. Vous vous mettrez probablement à paniquer : vous allez devoir vendre votre maison, votre partenaire va vous quitter, vous allez perdre votre famille, et ainsi de suite. Les stoïciens préfèrent utiliser un langage objectif et clair, rendant un tel événement moins terrible d’un seul coup. « Vous êtes viré. Vous partez à la recherche d’un nouveau travail. »
Cela peut paraître paradoxal, mais les stoïciens essayaient aussi de surmonter leurs craintes en imaginant des catastrophes terribles : praemeditatio malorum ou « préméditation des maux ». Cela leur permet de développer une résistance mentale pour les moments où les choses tournent mal. Enfin, Marc et les siens prodiguent quelques conseils à ceux qui veulent apprendre à résister aux « désirs malsains ». Prenons le chocolat, par exemple. On peut le qualifier de « céleste » ou de « meilleur que le sexe ». Mais il peut aussi être défini comme ‘graisse végétale contenant un peu de cacao et beaucoup de sucres raffinés’, écrit Donaldson. Une analyse objective rend automatiquement les choses moins attrayantes. Marc lui-même a parfois dû faire face à des « désirs sexuels inappropriés » et a essayé de les « neutraliser » en imaginant le sexe comme « le frottement de parties du corps les unes contre les autres suivi d’une convulsion et d’une éjaculation de mucus ». Ajoutez-y la technique de la « pleine conscience stoïque » – imaginez-vous être observé par un sage mentor 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 – et c’est un miracle que Marc ait eu 13 enfants.
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