Soline, l’assistante virtuelle qui soulage les hôpitaux et rend de l’autonomie aux patients
Alors que le personnel soignant des hôpitaux est épuisé, une société namuroise a créé Soline, un assistant virtuel capable de le suppléer auprès de certains patients dans les petites tâches quotidiennes. Tout en rendant à ces derniers un accès à l’autonomie.
Dans les années 1980, André Malherbe survole le motocross mondial. Par trois fois, le Belge est sacré champion du monde en 500 cm3 et par trois fois, vice-champion. Mais le 6 janvier 1988, c’est la tragédie. Alors qu’il participe au Paris-Dakar, il est victime d’une violente chute dont il ressort tétraplégique. Seule sa tête et ses épaules sont encore capables de mouvements. Pour s’aider au quotidien, il fait désormais appel à Soline et à son système de reconnaissance vocale pour téléphoner, allumer la télévision ou les lumières de la maison.
Développé par Home Based, une entreprise namuroise innovante, Soline est un assistant virtuel qui permet de contrôler l’environnement d’une personne handicapée grâce à une interface de commande vocale, visuelle et tactile. Tous les équipements électriques qui l’entourent peuvent être ainsi activés, gérés ou éteints. « Une partie de nos clients souffre de sclérose en plaques, une maladie dégénérescente lente, explique Sébastien Annys, cofondateur de Home Based. Leur faculté d’attraper une télécommande ou de lever le bras jusqu’à un interrupteur s’amenuise au fil du temps jusqu’à devenir impossible. On installe notre système d’assistance à ce moment charnière pour leur rendre accès à l’autonomie. »
Dotée d’une intelligence artificielle, Soline répond à la voix du patient.
« Soline, monte le son! »
A cette version fixe en forme de boîte de 30 cm de côté et dédiée au domicile, s’ajoute désormais une version mobile de Soline destinée aux établissements de soins de santé. Elle a l’allure d’un chariot pouvant être déplacé de chambre en chambre et porte en elle tous les composants nécessaires à assurer le contrôle des équipements d’une chambre d’hôpital, de maison de repos ou d’institution d’accueil pour personnes dépendantes. De quoi jouer un rôle de support bienvenu dans les établissements de soins engorgés par la deuxième vague de la pandémie de coronavirus.
Dotée d’une intelligence artificielle, Soline répond à la voix du patient. Celui-ci lui parle – même avec un accent -, lui donne un ordre que l’assistant virtuel comprend et exécute. Pour allumer la télévision et choisir la bonne chaîne, par exemple. « Soline, monte le son! » ; « Soline, mets plus fort! » ; « Encore! ». Pour chaque ordre, une ribambelle de synonymes et de façons de parler a été encodée et cela reste paramétrable au besoin. Quand certains aînés disent qu’ils veulent regarder Luxembourg, c’est de la chaîne RTL dont ils parlent. « Ce n’est pas un souci, on va indiquer au système que les deux mots, Luxembourg et RTL, ont la même signification dans le contexte de la télévision. De la sorte, on peut aussi passer outre les défauts de prononciation », poursuit Sébastien Annys.
Dans sa version de base, Soline pilote neuf fonctionnalités différentes. Outre la télévision, il y a bien sûr, le téléphone: décrocher, appeler des proches… La sonnerie et la conversation se font entendre via les haut-parleurs et micros du système. L’appareil est livré avec une clé USB permettant à l’utilisateur d’y héberger ses musiques au format mp3 ainsi que ses livres audio et de les écouter à l’envi. L’assistant virtuel permet aussi d’écouter des radios Internet ou des flux mp3 de radios officielles. Il est également capable d’appeler une infirmière et propose une interface visuelle ainsi qu’un module d’aide à la communication au moyen d’icônes. Enfin, il pratique le surf vocal sur Internet et permet donc d’accéder à toutes les fonctionnalités présentes sur le Web: gestion des e-mails, Facebook, Messenger, Netflix, Spotify, etc.
Quand la haute technologie favorise le retour de la confiance en soi.
Plus de temps pour les soins
En installant à demeure une interface supplémentaire dans la chambre d’hôpital, Soline peut également régler la position du lit médicalisé, piloter les éclairages, ouvrir ou fermer les volets électriques, etc. « Cette plateforme permet ainsi au patient de contrôler lui-même ce qu’il désire dans sa chambre. Ce n’est plus aux membres du personnel soignant de courir pour effectuer ces changements. Cela leur permet de s’affranchir des petits actes du quotidien et de consacrer leur temps à l’écoute et aux soins des personnes dont ils ont la charge », souligne Sébastien Annys.
Les ordres peuvent aussi être transmis via une tablette tactile affichant sous forme d’icônes les équipements contrôlés par Soline. Le système d’assistance est également équipé de boutons poussoirs. Enfin, l’interface visuelle, affichée sur la tablette, peut être pilotée par contrôle oculaire. Cette fonctionnalité sert notamment aux patients souffrant d’une paralysie totale à l’exception des yeux, aussi appelée « locked-in syndrome ».
« Rendre une part d’autonomie aux patients ou aux résidents présente l’avantage de libérer ceux-ci du sentiment de culpabilité quant à leur situation: la gêne de représenter un poids pour le personnel, qui doit se déplacer pour chaque acte bénin, disparaît. La sensation de pouvoir de nouveau accomplir certaines actions par soi-même est aussi fortement valorisante, et favorise le retour de la confiance en soi », analyse le concepteur de l’interface.
Trois systèmes Soline mobiles sont d’ores et déjà fonctionnels au Centre de médecine physique et de réadaptation de Pionsat, en Auvergne. Mais encore aucun dans les hôpitaux belges. Quant aux équipements fixes, une cinquantaine d’entre eux sont déjà installés au domicile de personnes handicapées en Wallonie. C’est-à-dire dans leur maison ou dans l’institution, maison de repos ou centre d’accueil pour personnes handicapées où elles sont domiciliées. Après acceptation d’un dossier, l’Aviq (l’Agence wallonne pour une vie de qualité) prend le système à sa charge. « Mais elle plafonne le remboursement à l’indispensable. Par exemple, elle limite les options supplémentaires permettant d’allumer et éteindre la lumière à un ou deux éclairages de la maison. »
Le système de reconnaissance vocale fonctionne en français et depuis peu en néerlandais, ouvrant à l’innovation les portes de la Flandre. « Nous venons de signer un partenariat de distribution avec un fournisseur de matériel de soin dans tout le pays. » Trois autres langues sont en cours de développement pour l’assistance vocale: l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Mais Soline reste un pur produit belge. Toutes les étapes de sa production sont réalisées sur notre territoire.
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