Sleepmaxxing, bed rotting… Les astuces des jeunes pour mieux dormir sont-elles vraiment bénéfiques?
Sur les réseaux sociaux, le sommeil et le repos semblent préoccuper les jeunes. En témoigne la multitude de conseils et astuces pour mieux dormir. Paradoxalement, les 15-25 ans sont très peu sujet aux insomnies. Ils sont par contre déréglés.
Se couvrir les yeux, une chambre fraîche, une cure de magnésium, se scotcher la bouche, méditer… Ces divers conseils et astuces pour dormir mieux et plus longtemps prolifèrent sur les réseaux sociaux. La tendance du «sleepmaxxing» (qu’on peut traduire par maximiser son sommeil) comptabilise des millions de vidéos sur Tiktok. La génération Z est-elle à ce point préoccupée par son sommeil ?
«Ça me parait étonnant et surprenant», lance Daniel Neu, enseignant-chercheur à la Faculté de médecine de l’ULB et chef de service au centre des troubles du sommeil de l’hôpital Chirec-Delta. «L’ horloge biologique des jeunes (15-25 ans) est plus souple et génère plus facilement du sommeil profond. D’un point de vue biologique, les jeunes devraient être moins préoccupés par leur sommeil que les personnes âgées».
Du fait même de leur physiologie, les jeunes ne rencontrent pas tellement de problèmes pour dormir. «Le cerveau des adolescents n’est pas encore complètement mature. Il possède plus de connexions interneuronales (synapses) qu’ils n’en auront jamais de toute leur vie. Ainsi, leur besoin de sommeil est très important, ce qui signifie qu’ils peuvent dormir n’importe quand dans la journée, contrairement aux personnes âgées qui sont surtout soumises au rythme circadien (NDLR : horloge biologique interne, d’un cycle de 24h)», explique Pierre Maquet, chef du service neurologie au CHU de Liège.
Sur Tiktok, la tendance sleepmaxxing s’apparente davantage à des considérations esthétiques qu’une volonté de mieux dormir pour des raisons de santé. Un bon sommeil serait le meilleur atout beauté qui soit, pour un teint frais, une belle peau et des traits reposés. Parmi la multitude d’astuces, toutes ne sont pas bonnes à prendre. Le Centre des troubles du sommeil du Chu de Liège rappelle les règles d’hygiène du sommeil, pour aider à l’endormissement : se lever à heure régulière, ne pas pratiquer d’activité physique intense après 17h, s’exposer à la lumière du jour, boire un bol de lait chaud avant le coucher…
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Dérégulation et manque de sommeil
Par contre, il n’est pas impossible que les jeunes soient sujets à des dérégulations de leur rythme circadien, en raison d’un décalage social. «Quand un adolescent se plaint de ne pas arriver à s’endormir le soir alors qu’il peut dormir jusqu’à midi le week-end, ce n’est pas un problème d’insomnie, c’est juste qu’il est décalé», illustre le professeur Neu. Sans surprise, ce décalage est lié à l’activité pratiquée le soir, en grande partie l’utilisation des smartphones et des réseaux sociaux. «Les algorithmes tel que TikTok maintiennent en activité en alimentant la production de dopamine», rappelle le somnologue.
Pour cette raison, les adolescents ont plus tendance à développer «un chronotype du soir», précise Pierre Maquet. «Mais les horaires scolaires étant fixes, ils sont obligés de se lever tôt matin, en s’étant endormis tard la veille, d’où une restriction chronique de sommeil».
Effectivement, il ressort de plusieurs études que les adolescents ne dorment pas assez. En 2020, l’UGent constatait que six jeunes Flamands sur dix dormaient mois de huit heures par nuit en semaine. En 2022, une enquête menée par le Sipes-ULB a conclu que 38,2 % des élèves scolarisés à Bruxelles ou en Wallonie avaient une durée de sommeil inférieure à neuf heures pour les moins de 14 ans, et inférieure à huit heures pour les élèves de 14 ans ou plus. Or, un jeune de 13 à 18 ans a besoin de huit à dix heures de sommeil par nuit.
«Le repos, c’est contre-intuitif»
En parallèle, une autre tendance a émergé sur Tik Tok (encore): le bed rotting. Comprendre «pourrir au lit», cette pratique consiste à rester tout une journée au lit à ne rien faire de plus que manger, dormir, regarder une série, lire… pour se reposer d’une semaine fatigante. «Une pratique contre-intuitive, génératrice d’insomnie», blâme Daniel Neu. «C’est de la bio mécanique, plus vous restez en posture couchée, plus vous affaiblissez la pression de sommeil.»
«Le besoin de sommeil repose sur homéostasie: plus vous restez éveillé, plus vous avez besoin de dormir. Dormir la journée n’a donc guère de sens et va amoindrir la qualité de sommeil nocturne subséquent», appuie le neurologue Pierre Maquet.
D’autant plus que la sédentarité augmente les risques de cancer, de diabète ou encore de mauvaise circulation sanguine. L’OMS recommande une activité physique au quotidien.
«Le repos est contre-intuitif en général», ajoute Daniel Neu. «En cas de fatigue mentale, le plus efficace est de solliciter son organisme mécaniquement et physiquement. Or, on ressent une fatigue globale qui invite à rester au repos. A l’inverse, lorsque l’on est fatigué physiquement, il faut solliciter le cerveau. Ça peut être des mots-croisés, une partie d’échec ou même du bricolage», conseille le somnologue.
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