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Les généralistes submergés face à l’épidémie de grippe: «Il faut éviter que ça déborde sur les urgences»
![Elise Legrand](https://img.static-rmg.be/a/view/q75/w150/h142/5705831/elise-1-png.png)
Plus de huit médecins généralistes sur dix font face à une surcharge de travail en raison de l’épidémie de grippe et d’infections respiratoires. La fin des remboursements pour les téléconsultations risque d’aggraver une situation déjà considérée comme «critique».
Salles d’attente pleines à craquer, lignes téléphoniques saturées: la pression est maximale sur les médecins généralistes, confrontés à la «pire épidémie de grippe depuis la pandémie de Covid». Selon les données de Sciensano, les consultations pour symptômes grippaux ont atteint le nombre de 1.199 pour 100.000 habitants au cours de la semaine du 27 janvier au 2 février. Soit un pic bien supérieur au seuil de «haute activité», établi à 812 rendez-vous. Sur la même période, 85% des généralistes estimaient ainsi faire face à une charge de travail «élevée» ou «très élevée», contre 69% à la mi-janvier.
«Entre huit et quatorze patients m’appellent chaque jour pour des syndromes aigus de grippe, confirme Kevin Pirotte, généraliste à Seraing et secrétaire général du syndicat des médecins généralistes de Belgique francophone (GBO/Cartel). Cela représente entre 25 et 30% de mes consultations quotidiennes. Forcément, les journées sont plus longues, car, à côté, il faut continuer à soigner les autres types de pathologies et assurer le suivi des patients chroniques.»
Un «mix» épidémique
Au-delà de l’épidémie de grippe actuelle, c’est surtout la multiplication des infections respiratoires depuis l’automne qui met les généralistes à l’épreuve. «On a d’abord eu le retour du Covid, puis du virus respiratoire syncytial (VRS) en décembre, et enfin de la grippe depuis début janvier, observe Quentin Mary, généraliste à Anderlecht. Nous avons vécu peu de temps morts pour souffler entre cette succession de microbes, qui restent encore tous actifs aujourd’hui.»
Les effets de ce «mix» d’épisodes infectieux risquent encore de se faire ressentir durant les semaines à venir. «Les Romains appelaient février le « mois des fièvres », et force est de constater qu’on est en plein dedans, tranche Pierre Drielsma, généraliste en région liégeoise. Sauf que cette année, la situation est encore plus rude que d’habitude.» Ce médecin en fin de carrière tente de s’adapter pour répondre à l’afflux de demandes. «La semaine dernière, j’ai fait un domicile chez un patient qui avait fait un malaise cardiaque, et j’en ai profité pour ausculter sa femme et sa fille pour des symptômes de rhume, explique le Liégeois. Mais quand on a « deux patients sur une même chaise », les consultations ont malheureusement tendance à être plus courtes.»
Assurer la première ligne
La prise de rendez-vous s’avère également de plus en plus complexe, même au sein des groupements de plusieurs professionnels. «Les horaires sont complets dès le matin, voire même déjà depuis la veille, donc il est presque impossible de placer de nouvelles consultations le jour-même, observe Lawrence Cuvelier, généraliste dans une maison médicale à Bruxelles et président du GBO. Cela devient difficile de voir des patients dans un délai raisonnable.»
Les généralistes sont ainsi parfois contraints de refuser des patients, voire de reporter les rendez-vous de ceux qui nécessitent des soins moins urgents. «On est dans une situation critique, reconnaît Lawrence Cuvelier. Or, quand les médecins généralistes sont dépassés, ça déborde ensuite de tous les côtés: dans les hôpitaux, les postes de garde…». Le travail de première ligne des généralistes s’avère dès lors capital pour éviter un report de la charge sur d’autres professionnels de la santé. «Il faut absolument qu’on continue à « faire le tri » pour empêcher que des patients grippés ne se présentent d’eux-mêmes aux urgences et empêchent les victimes d’AVC, d’infarctus ou d’hémorragie de se faire soigner correctement», insiste Kevin Pirotte.
Pour accélérer la prise en charge de leurs patients, nombreux sont les généralistes à pouvoir compter sur une équipe de secrétaires, formés à la micro-anamnèse (pratique qui consiste à retracer les antécédents médicaux et l’historique de la plainte). «Cette collaboration primordiale nous permet de trier les urgences des cas plus légers, et d’ainsi ausculter les patients au bon moment et au bon endroit», se réjouit Kevin Pirotte. Certains généralistes pratiquent également les téléconsultations pour les cas moins sévères, pour éviter la prolifération de microbes en salles d’attente. «Certains patients sont tout à fait capables de se prendre en charge eux-mêmes», confirme Pierre Drielsma. D’autant qu’en cas de grippe, le rôle du médecin dans la guérison est loin d’être fondamental. «Le généraliste ne peut pas faire de miracle, rappelle Lawrence Cuvelier. Il n’existe pas de traitement curatif, donc notre rôle est surtout d’identifier s’il n’y a pas de risques de complications ou de signal d’alarme.»
Charge administrative
Or, ces consultations par téléphone ne seront plus remboursées par la mutuelle à compter du 15 février, faute d’accord entre l’Inami et les syndicats médicaux. «C’est une décision catastrophique, qui ne va faire qu’accroître notre charge de travail», déplore Kevin Pirotte. «Toute la profession se retrouve pénalisée pour les abus de quelques brebis galleuses, or c’était une véritable plus-value pour désengorger les cabinets de médecine générale», insiste Quentin Mary.
La limitation des jours de congé maladie sans certificat médical, prévue par l’Arizona dans son accord de gouvernement, inquiète également les généralistes. Alors que, sous la Vivaldi, les Belges avaient droit à trois journées uniques d’absence par an sans justificatif, ce nombre devrait prochainement passer à deux. «Tout un tas d’infections respiratoires banales ne nécessitent pas une visite chez un médecin, rappelle Lawrence Cuvelier. Cette décision risque encore d’ajouter une charge administrative supplémentaire sur le corps médical. Je peux comprendre qu’il faille limiter les abus, mais ce travail médical n’est absolument pas utile d’un point de vue de la santé publique.»
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