Restreindre l’accès au contenu pornographique pour les mineurs ? « C’est un film d’horreur pour eux »
Vérifier que l’utilisateur a plus de 18 ans lorsqu’il entre sur un site pornographique. C’est une partie du projet porté par Mathieu Michel (MR), Secrétaire d’Etat à la Digitalisation. « Une bonne idée » selon la sexologue Marie Tapernoux, même si cela ne règle pas le fond du problème.
C’est une situation à laquelle vos enfants ont peut-être déjà été confrontés. Sur leur tablette ou smartphone, ils surfent sur le web, avant de tomber par inadvertance sur des contenus qui ne leur étaient pas destinés. Comme des sites pornographiques, des sites à contenus violents ou encore des jeux en ligne.
Pour éviter cette situation, Mathieu Michel (MR), secrétaire d’Etat à la Digitalisation, travaille sur un projet d’identité virtuelle dans le monde digital. « L’idée est de créer un outil en ligne pour savoir si l’utilisateur a plus de 18 ans. On ne parle donc pas d’interdiction du contenu pornographique pour les mineurs ». Concrètement, l’outil en ligne étudié permettrait de mieux encadrer l’accès à plusieurs types de sites web, dont les sites à contenu pornographique. « Pour le moment, il vous suffit de cliquer sur un bouton pour accéder à ces sites », développe le secrétaire d’Etat à la Digitalisation. « Avouez que l’obstacle est assez faible. Nous voulons vérifier que les personnes qui y accèdent ont bien plus de 18 ans comme elles l’affirment ».
Certains sites tentent de vérifier si l’utilisateur est majeur d’une autre manière, en demandant des informations bancaires par exemple. Insuffisant, selon Mathieu Michel. « En France, ils envisagent de vous faire passer par un tiers de confiance, soit un autre site, pour garantir votre identité avant d’accéder à un site pornographique. Mais ça ne fait que déplacer le problème ».
Tout le défi de ce projet sera de garantir que les données privées des utilisateurs soient gardées confidentielles. « Rien ne sera demandé à part l’âge de l’utilisateur, garantit le secrétaire d’Etat à la Digitalisation. Leur identité sera intacte. Ce que nous voulons, c’est protéger les mineurs des contenus préjudiciables et aider les parents qui se retrouvent parfois démunis dans l’état actuel des choses. En parallèle, nous réfléchissons à faciliter le contrôle des parents sur les agissements de leurs enfants. Cela doit être plus simple pour eux de bloquer l’accès à certains sites sur la tablette familiale, par exemple ».
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« Les sites pornos sont des films d’horreur pour les enfants »
Marie Tapernoux est sexologue et thérapeute de couple. Elle accueille des personnes majeures pour des consultations à son cabinet et travaille en parallèle avec des mineurs dans un planning familial. « Je trouve que limiter l’accès aux contenus pornographiques est une bonne idée en soi. En tant que sexologue, je constate au quotidien les dégâts provoqués par les sites pornos. Le cerveau des enfants n’est pas prêt à entrer en contact avec de tels contenus. Pour eux, il s’apparente à un film d’horreur, qui les choque mais attise leur curiosité à la fois. Ils n’ont pas la grille de lecture nécessaire pour comprendre ce qui se passe ».
Pour la sexologue, il faut travailler sur la prévention avant de penser à l’outil digital proposé par Mathieu Michel. « Les sites pornographiques entraînent une banalisation de la sexualité, même s’ils ont leur utilité dans certains cas pour les personnes majeures. Le danger, c’est par exemple que certaines filles fassent des choses dans les toilettes sans se rendre compte de la portée de leur acte ».
Marie Tapernoux pense que la sexualité reste un tabou, et qu’en parler davantage permettrait d’éviter certaines dérives liées à la pornographie. « Je m’adresse tant aux écoles qu’aux parents et aux plannings familiaux. Certains parents n’osent pas en parler. Il faut leur faciliter la tâche avec des fascicules leur permettant de parler sexualité avec leurs enfants. En parallèle, il faut consacrer plus de temps à cela dans les écoles. Actuellement, un grand nombre d’entre elles délaisse complètement les heures consacrées à l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (le programme EVRAS, NDLR) ».
La restriction du contenu pornographique à l’agenda européen en 2024
En 2024, la Belgique prendra la présidence tournante du Conseil de l’Union Européenne. Mathieu Michel y portera son projet d’identité virtuelle dans le monde digital, qui va plus loin que le seul contrôle de l’âge pour l’accès à certains sites. « Cet outil d’identité virtuelle est au cœur d’un enjeu fondamental : la sécurité, les fake news, les cyber-arnaques. Il faut arriver à responsabiliser les personnes sur le web. Nous allons demander une norme au niveau européen. Cela n’aurait pas de sens de faire ça au niveau belge, car les sites web concernés ne s’arrêtent pas aux frontières des Etats ».
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