Juliette Debruxelles

Pegging: « On peut être ‘un vrai mec’ et glousser d’aise lorsqu’on est pénétré » (chronique)

Les fabricants de sextoys ne cessent de le répéter: les joujoux à introduire dans l’anus ont la cote, en particulier chez les hommes hétéros de plus de 45 ans. Et ce n’est qu’une première étape conduisant vers le pegging qui consiste – pour un homme muni d’une verge – à se laisser pénétrer par une femme équipée d’un clitoris.

On s’accroche aux accoudoirs de son rocking-chair et on respire profondément. Laissez-vous pénétrer par l’idée de faire sauter les résistances liées aux biais inconscients induisant que la pénétration n’est pas faite pour tout le monde. «Up is not an option», scandait Joey dans un épisode de Friends. Et c’est un fait: pour bon nombre d’hétérosexuels, la sodomie reste un tabou.

Elle serait, dans certains inconscients collectifs, réservée aux femmes supposées «soumises et cochonnes», aux homosexuels et à une poignée de libertins. Erreur. Les fabricants de sextoys ne cessent de le répéter: les joujoux à introduire dans l’anus ont la cote, en particulier chez les hommes hétéros de plus de 45 ans. Et ce n’est qu’une première étape conduisant vers le pegging qui consiste – pour un homme muni d’une verge – à se laisser pénétrer par une femme équipée d’un clitoris.

Une «tendance» qui ne cesserait de se développer au rythme de la libération des esprits et de la volonté d’embrasser le plaisir là où il peut se trouver.

Alors oui, pour en jouir pleinement, il faut se débarrasser de tout un tas de croyances hétéronormées bien collantes. Oui, on peut être «un vrai mec» et glousser d’aise lorsqu’on est pénétré.

Doigts, plug anal, gode ceinture, langue, objets oblongs bien lubrifiés tenus par une main féminine déterminée entrent alors en contact avec le «point P» situé à environ sept centimètres de l’entrée du rectum. Gaffe aux manucures de tigresse et au mouvements trop brusques. Après s’être assurée du consentement de son partenaire (la «petite noisette» enfoncée par surprise est proscrite), l’avoir invité à prendre une douche en laissant le jet nettoyer l’entrée concernée, un bon lubrifiant à base d’eau fait l’affaire pour glisser vers le toboggan de l’orgasme prostatique quasi assuré. Les terminaisons nerveuses de cette zone érogène se réveillent et l’on découvre alors qu’il n’y a pas que l’éjaculation dans la vie.

On peut être «un vrai mec» et glousser d’aise lorsqu’on est pénétré.

Du fait de leur anatomie, les hommes ressentiraient davantage de plaisir que les femmes qui, privées de prostate, vivent d’autres sensations, plus mécaniques, lors de la sodomie.

Est-ce parce qu’il gémit de plaisir, les cuisses relevées ou la croupe offerte qu’un homme perd de sa masculinité? Le croire reviendrait à réduire ces messieurs à de gros bourrins tout juste capables de s’enfoncer dans des orifices avant de partir combattre des dragons avec leur grosse épée. Fini le temps des chevaliers chevaucheurs, des paysans laboureurs, des pères de famille accordant à leur dame une levrette les soirs de fête. Le patriarcat cliché se fait secouer, y compris dans les chambres à coucher.

La pénétrée devient pénétrante, les supposés rapports de force s’amenuisent, l’intimité s’installe dans ce qu’elle a de plus fort. C’est qu’il en faut, de la confiance, pour oublier tout ce que la société nous a pernicieusement enseigné.

Les pornos de qualité (mettant en scène des personnes résolument conscientes de ce qu’elles font, correctement rémunérées et exemptes de toute contrainte physique ou morale) regorgent de scènes illustrant des femmes sublimes (quelle que soit leur corpulence) rendant fous de plaisir des hommes répondant à tous les critères de virilité admis.

Ça dérange qui? A part quelques urologues regrettant de rares consultations pour irritation de la zone, personne. Sinon les véritables coincés du cul.

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