Juliette Debruxelles

L’objet (sexuel) de notre affection (chronique)

Avoir des relations sexuelles avec un objet en excite plus d’un. Une nouveauté, l’objectosexualité? Pas tant dans sa pratique que dans son expression de l’évolution des rapports sociaux et amoureux.

Le point commun entre un pot d’échappement, un robot humanoïde, un concombre, une canette de soda ou un gant de toilette rempli de pâtes al dente? Tous permettent aux adeptes des relations sexuelles avec des objets de satisfaire leurs pulsions.

A noter: l’objectosexualité se distingue de l’objectophilie. Faut pas confondre. Dans le second cas, une dimension affective troublante conduit des humains à tomber amoureux et à s’unir avec du petit mobilier (19% des adeptes), de grandes structures: ponts, tours, murs… (33%), des engins de transport: trains, voitures, avions, bateaux (48%), des outils (19%), des appareils technologiques: radio, télé… (19%), révèle une étude de la sexologue et hypnotiseuse Amy Marsh, publiée sur son site.

Une véritable connexion émotionnelle et une intimité profonde et sincère dominent ces rapports, allant parfois jusqu’à des «mariages» devant témoins.

Une fois l’orgasme atteint, au bac le bigoudi souillé.

Exit, la complexité

Les objectosexuels, eux, se comportent la plupart du temps avec leur tuyau d’aspirateur comme des Don Juan des applications de rencontre. Pas besoin d’aimer pour consommer. Et une fois l’orgasme atteint, ghosting de l’objet honoré. Au bac, le bigoudi souillé.

Votre ado est-il objectophile parce qu’il entretient des relations privilégiées avec sa boîte de mouchoirs en papier? Non, si cela ne constitue qu’une étape vers la quête de relations charnelles réelles. Tant que les connexions avec d’autres humains prévalent, l’objet demeure un outil ayant sa place dans une vie équilibrée et non un support d’excitation unique et déviant – bien qu’inoffensif dans la plupart des cas.

Une nouveauté? Pas tant dans sa pratique que dans son expression de l’évolution (ou la régression) des rapports sociaux et amoureux entre humains. Si nos aïeux n’hésitaient pas à glisser leur zizi dans des amphores huilées ou à se remplir de légumes frais (des godemichets vieux de deux mille ans ont été découverts sur des sites archéologiques), ils n’en privilégiaient pas moins les rapports intimes faits chair.

L’objectosexuel, lui, délaisse la complexité des rencontres réelles et l’incertitude d’aboutir à un coït au profit d’un fourrage garanti et sans engagement. Pas d’odeurs non choisies, pas de poils étrangers à avaler, pas de conversations à tenir, pas de cocktails hors de prix à offrir… Facile.

Et les robots sexuels?

Un cran au-dessus dans l’objectosexualité, et à la frontière avec l’objectophilie, vient la relation sexuelle avec des robots. Version ultradéveloppée de la poupée gonflable d’antan, les robots sexuels seraient capables de procurer des orgasmes sur mesure, configurés et personnalisés selon les fantasmes et l’anatomie de leurs utilisateurs et utilisatrices.

Là pointe la dérive. Parce qu’autant il est compliqué de s’amouracher de son rouleau à pâtisserie (si bon amant soit-il), autant un ersatz de Ken peut faire vaciller les (bons) sens. Certains tueraient si on leur enlevait leur console de jeux. Imaginez qu’en plus de toutes ses qualités, elle offre une jouissance extrême sur commande… Bonne chance au partenaire humain pour rivaliser – reproche d’ailleurs déjà adressé aux sextoys sophistiqués.

Lorsque des objets-robots-identifiés sauront conjuguer apparence humaine sublimée, prouesses sexuelles insensées et conversations adaptées suscitant l’attachement, l’amour humain susceptible de blesser le cœur, l’âme et le corps sera-t-il sujet à l’obsolescence programmée?

Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.

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