Juliette Debruxelles
Pourquoi tant de haine pour l’éducation sexuelle
Les programmes d’éducation sexuelle, qu’ils s’appellent Evras en Belgique ou Evars en France, engendrent les mêmes contestations. Malgré leur utilité manifeste pour faire rempart, entre autres, aux violences sexuelles.
En automne, les marronniers maronnent, les jours raccourcissent et… parler de sexualité dans un cadre éducatif soulève, en France comme en Belgique, des vagues de protestations. Si on ne peut pas encore parler de tradition, la rengaine reprend régulièrement, mâtinée de désinformation et d’inquiétudes idéologiques. La plus récente sévit de l’autre côté de la frontière, où déferle une nouvelle vague de débats sur un projet de programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars).
Depuis 2001, la loi française oblige les établissements scolaires à proposer trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Mais la chose restait théorique et peu appliquée… jusqu’à ce que le projet de programme Evars, ambitieux mais contesté, exacerbe les sensibilités. L’objectif de l’affaire est clair et il faut continuer à le marteler. Il s’agit d’apprendre aux enfants des notions fondamentales telles que le consentement et le respect. Rien d’autre, rien de tordu. Malgré toutes ses vertus, le programme a rapidement provoqué une bonne vieille levée de boucliers chez certains groupes conservateurs, notamment l’enseignement catholique et certaines associations de parents.
Des parents qui, en somme, s’opposent à des mesures visant à protéger leurs enfants et non à les pervertir. Ce qu’ils redoutent plus que tout? Une supposée idéologisation des contenus. Anne Genetet, ministre de l’Education (du moins jusqu’à ce que le gouvernement français tombe), a eu beau répéter que «la théorie du genre n’existe pas» et que les contenus sont adaptés aux âges des enfants, elle n’a pas été entendue par les plus radicaux… Avec ces gens-là, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.
Une impression de déjà-vu? Dans le mille! Chez nous, les cours d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) –obligatoires pour les élèves de 6e primaire et de 4e secondaire– avaient agité des militants issus de cercles religieux intégristes ou complotistes en septembre 2023. Rappelons-nous celles et ceux qui affichaient des bannières «Ne touchez pas à nos enfants». Certes, la démarche créative du slogan est fort discutable. Mais le fond l’est encore plus. L’objectif des Evars et Evras est justement de protéger les enfants de violences sexuelles, de promouvoir l’égalité des sexes et des genres et d’aider à construire des relations affectives saines.
Avec ces gens-là, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.
Alors, pourquoi s’opposer à une démarche d’un bon sens évident, même après des clarifications et explications fiables? Parce qu’en France comme en Belgique, les opposants partagent la crainte de voir l’Etat supplanter la famille dans la transmission des valeurs. Chez nous, cette peur est amplifiée par la circulation de fake news, comme l’idée que les cours encourageraient la masturbation ou la pédophilie. Mais si les enfants victimes ignorent comment reconnaître ces agressions ou à qui en parler, comment on fait?
On ne le répètera jamais assez: les bénéfices des cours d’éducation sexuelle sont largement documentés. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Unesco insistent sur leur rôle crucial pour prévenir les violences sexuelles. Ils sont aussi utiles pour contrebalancer les idées véhiculées par la pornographie –source d’apprentissage pour les jeunes, faute d’alternative.
Répétons ensemble: «L’éducation est un rempart évident contre les violences sexuelles.» Parce que ça vaut la peine de le dire et le redire.
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