Confiance en soi
La confiance en soi, un enjeu de santé publique?  «Cela devient un marqueur d’inégalités sociales.» © Getty Images

Les conséquences insoupçonnées du manque de confiance en soi… et les astuces pour (enfin) la booster

Les Belges ont de moins en moins confiance en eux. C’est le constat posé par l’Institut Solidaris, qui récolte des données sur le bien-être depuis 2015. Les chiffres révèlent un lent effritement de l’estime de soi dans la population, mais soulignent que rien n’est joué. Il existe des mécanismes et techniques pour retrouver pleinement confiance en ses capacités.

L’Institut Solidaris a quantifié l’érosion du bien-être de la population belge. Sur base de six grands indicateurs, il a analysé un indice composite de bien-être (IBE). Depuis une dizaine d’années, cette unité de mesure du bonheur est en légère chute constante. Cet indice prend en compte neuf dimensions psychologiques: l’équilibre de vie, la clarté identitaire, la frustration, la satisfaction personnelle, l’optimisme face à l’avenir, le rapport de l’individu à sa santé et à celle de ses proches. Les résultats de cet ensemble permettent à Solidaris de définir le rapport à soi du sujet. Bref, sa confiance en lui, intrinsèquement liée à son bien-être. Cet IBE est à 53/100 en Belgique. Un recul de 6,5% depuis 2015.

Pour comprendre ce score, il faut imaginer une note finale sur un bulletin. Certains aspects sont relativement hauts en Belgique, alors que d’autres sont plutôt médiocres. La moyenne de ces neuf critères donne cette note. La psychologue Sarah Tannier explique ce concept un peu flou: «La confiance en soi, ce n’est pas croire qu’on peut tout faire. C’est savoir ce que l’on veut, même dans l’échec. C’est accepter ses limites, tout en ayant conscience de ses forces.»

Le recul de l’IBE touche toutes les catégories sociales et tranches d’âge. En 2024, les hommes sont toutefois les plus concernés par une diminution de leur bien-être. L’indice a perdu 6,5% en un an, passant de 52,6/100 à 49,2/100. Pour les femmes, l’indice est plus stable, mais reste en baisse: -1,1 %, pour atteindre 44,4/100. Deuxième constat, les femmes sont généralement plus touchées que les hommes par une baisse de la confiance en soi, de l’estime et de l’amour-propre.

Plus frappant encore, les 40-59 ans, que le baromètre qualifie de «génération charnière», voient leur image de soi s’effondrer de 7% en un an, et de 17,1% depuis 2015. C’est la plus forte baisse observée. Sarah Tannier constate: «Cette tranche d’âge, souvent en charge de responsabilités professionnelles, familiales et financières, semble étouffée par une société en mutation rapide et parfois anxiogène.»

Autre fracture, l’origine sociale. L’indice est nettement plus faible chez les groupes sociaux à faibles revenus. La baisse est continue pour eux, tandis qu’il progresse légèrement chez les personnes aisées. Aller bien, se faire confiance, s’aimer ou s’écouter: serait-ce un privilège réservé aux riches?

«La confiance en soi devient un marqueur d’inégalités, répond Sarah Tannier. Ceux qui vivent dans des contextes de sécurité matérielle et affective ont plus d’espace pour explorer leurs capacités. Les autres sont trop occupés à survivre pour se demander s’ils ont de la valeur.»

Le manque de confiance en soi, une crise silencieuse

Selon la psychologue namuroise, plusieurs facteurs structurels entrent en jeu: le monde du travail, les relations sociales, les messages contradictoires véhiculés par les réseaux sociaux, et une éducation parfois trop centrée sur la performance. Le baromètre Solidaris met en lumière une détérioration des conditions de travail. En un an, la part de personnes estimant que leur emploi est une source de bien-être a chuté de 5,2 points. Plus d’un quart des sondés disent redouter un licenciement. Ces tensions se répercutent directement sur l’estime de soi, notamment lorsque la valeur personnelle reste liée à la productivité.

L’éducation est une composante très influente sur le bonheur. Dès l’enfance, les messages reçus peuvent façonner ou fracturer la confiance en soi. «Quand un enfant entend trop souvent qu’il doit être le meilleur, qu’il n’a pas le droit à l’erreur, ou pire, qu’il est nul, il développe une image de soi bancale, parfois irréversible», explique Sarah Tannier. Cette dynamique se prolonge à l’âge adulte avec la peur du jugement, le besoin de validation externe permanent ou une difficulté à poser ses limites face aux autres.

Le sentiment d’échec, lui, est souvent amplifié par la comparaison sociale, omniprésente sur les réseaux. «Ce qui devait nous connecter nous enferme dans un monde d’images idéales. On y perd toute nuance et toute indulgence envers soi-même», déplore la thérapeute.

Conséquences durables

La baisse de la confiance en soi n’est pas une simple humeur passagère. Elle peut avoir des conséquences profondes sur la santé mentale, les relations sociales et les parcours de vie. Le baromètre 2024 note une amélioration globale de l’indice de santé mentale avec une hausse de 4,1% , notamment chez les femmes où il monte de 9,1%. Mais ce progrès semble se heurter à un plafond de verre: celui de la représentation de soi. «On peut être psychologiquement stable, mais ne pas s’aimer. C’est le paradoxe de notre époque. Nous avons les outils pour aller mieux, mais pas toujours ceux pour nous estimer à notre juste valeur», souligne Sarah Tannier.

Ce manque d’estime affecte aussi la capacité à prendre des décisions, à oser des projets, à sortir d’un environnement toxique. «Certaines personnes restent des années dans des relations délétères ou des jobs destructeurs, non pas par confort, mais parce qu’elles pensent ne pas mériter mieux», poursuit-elle.

Sur le plan collectif, cette fragilisation diffuse de l’image de soi a aussi des impacts sociaux: baisse de l’engagement citoyen, repli sur soi, difficulté à se projeter dans un avenir commun.

Et maintenant?

Une proposition émerge dans les milieux psychologiques: faire de l’image de soi un enjeu de santé publique. Selon Sarah Tannier, il faut agir à tous les niveaux: dans les écoles, les entreprises… Jusqu’à implanter des concepts dans les divers milieux sociaux. «Un enfant qui grandit dans un milieu où il est valorisé, écouté, reconnu, développe une sérénité intérieure solide. Cela vaut aussi pour un adulte.»

Plusieurs leviers pour aider à augmenter son estime de soi sont identifiés par la psychologue:

  • Education bienveillante: bannir les phrases humiliantes, favoriser l’encouragement sincère.
  • Accompagnement thérapeutique: les thérapies cognitives ou systémiques aident à déconstruire les croyances limitantes.
  • Développement personnel: visualisation positive, fixation d’objectifs atteignables, gratitude.
  • Présence animale: des expériences montrent que des chiens peuvent aider les enfants à dépasser leurs blocages de lecture en leur offrant un regard sans jugement.
  • Cadres professionnels valorisants: donner du sens au travail, reconnaître les efforts, offrir de l’autonomie.

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