Rougeole, diphtérie, gale… Pourquoi ces maladies « oubliées » sont en résurgence en Belgique
A l’instar de la rougeole, plusieurs maladies infectieuses considérées comme « maîtrisées » réapparaissent sur le sol belge. Une couverture vaccinale insuffisante, une mobilité internationale croissante et le réchauffement climatique concourent à ce grand retour.
Disparue ? Pas tout à fait. En 2020, la Belgique se voyait octroyer par l’OMS le statut de « pays ayant éliminé la rougeole ». Quatre ans plus tard, la maladie infectieuse s’est pourtant bel et bien réinstallée sur le territoire. Au moins 52 cas ont été enregistrés en 2023, contre seulement 8 en 2022 et 7 en 2021, ressort-il des chiffres publiés en décembre par l’Institut de Santé publique Sciensano. « La rougeole est en augmentation sur le sol belge, mais cette hausse n’est pas encore spectaculaire », nuance l’infectiologue Steven Van Gucht, qui précise qu’avant la pandémie, les contaminations annuelles se chiffraient à environ 400.
Si la situation reste pour l’heure sous contrôle, une flambée des contaminations n’est pas à exclure dans les semaines à venir, au vu de la progression de la maladie à l’échelle européenne. Trente fois plus de cas de rougeole ont en effet été signalés sur le Vieux continent entre janvier et octobre 2023 qu’en 2022, s’inquiétait mardi l’OMS. La mobilité intra-européenne importante, notamment les voyages à la montagne, risque de contribuer à sa propagation. « Les cas de rougeole connaissent généralement un pic après les séjours au ski, car ils concentrent des tas de nationalités différentes dans un même endroit relativement exigu, avec beaucoup d’activités en intérieur », met en garde Steven Van Gucht. D’autant que la rougeole est l’une des maladies infectieuses les plus contagieuses, précise l’infectiologue Yves Van Laethem. « Un cas primaire entraîne environ 16 à 18 contaminations secondaires : c’est énorme. »
Graves complications
« Cette résurgence est décidemment inquiétante, car la rougeole peut entraîner des complications graves, comme une pneumonie ou une encéphalite (inflammation du cerveau) », alerte Sciensano. Chez les enfants, entre 20 à 30% des contaminations débouchent sur une hospitalisation. « La maladie est donc loin d’être bénigne », complète Steven Van Gucht.
A l’instar de la rougeole, d’autres maladies qui semblaient disparues émergent à nouveau sur le sol belge. C’est le cas notamment de la gale, qui avait fait des ravages durant la Seconde guerre mondiale et la révolution sexuelle de 1960. En cinq ans, le nombre de nouveaux cas aurait ainsi doublé sur notre territoire, indiquait De Standaard mi-décembre 2023. Causée par un parasite de la peau, le sarcopte, la gale se propage rapidement dans les crèches, les écoles ou les maisons de repos. Difficile toutefois de circonscrire l’étendue de cette épidémie, car il n’existe aujourd’hui plus d’obligation de déclaration de la maladie parasitaire pour les cas individuels ou familiaux. Seules les contaminations collectives doivent être signalées, mais là encore, un phénomène de « sous-rapportage » empêche un diagnostic précis. Si elle apparaît davantage dans des milieux précaires ou socio-économiquement plus vulnérables, la maladie n’est pas liée à un manque d’hygiène, rappelle Yves Van Laethem. « Même un Premier ministre peut attraper la gale ! »
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Environ trente ans après son éradication, la diphtérie fait également son retour en Belgique ces derniers mois. En 2023, au moins sept cas ont été confirmés, rapporte Sciensano. Contrairement à la gale, plus bénigne, la diphtérie a un taux de mortalité de 10 à 20% en l’absence de traitement.
Rougeole: la sous-vaccination pointée du doigt
Aujourd’hui plutôt répandue dans les pays sous-développés, la tuberculose n’a pour autant pas disparu du territoire belge. En 2021 (dernières statistiques disponibles), 875 nouveaux cas étaient encore enregistrés, soit une hausse de 5% par rapport à l’année précédente. « Malgré nos efforts, la maladie continue de stagner, expose Yves Van Laethem. On ne parvient toujours pas à atteindre cette diminution tant fantasmée. »
Enfin, une épidémie de mycoplasma pneumoniae sévit depuis l’automne dans les hôpitaux belges, alors qu’elle avait été éradiquée durant la pandémie de Covid-19. « Cette maladie, entraînant une sévère inflammation des poumons (surtout chez les enfants), a un taux d’activité dix fois plus élevé cette année que d’habitude », souligne Steven Van Gucht.
Comment expliquer la résurgence de ces différentes maladies ? Dans les cas de la rougeole, une couverture vaccinale insuffisante peut être pointée du doigt. Le taux de seconde dose reste en effet trop faible : contre les 95% préconisés pour atteindre une immunité collective indispensable à l’éradication de la maladie, il s’élève aujourd’hui seulement à 83% en Belgique (75% en Wallonie et à Bruxelles !). Cette sous-couverture puise notamment sa source dans la pandémie de Covid-19, qui a pu perturber les cycles de vaccination (certains enfants seraient passés « entre les mailles du filet ») et accroître la méfiance de certaines franges de la population à l’égard de la vaccination en général.
Réchauffement climatique et migrations
Cette insuffisance vaccinale explique également la résurgence de la diphtérie. Les cas apparus en 2023 ont été majoritairement signalés chez des demandeurs d’asile non immunisés, alors que la vaccination est obligatoire en Belgique (administrée avec le vaccin contre le tétanos et la polio).
De manière générale, un certain nombre de maladies infectieuses réapparaissent sur le sol belge en raison d’une mobilité internationale croissante, favorisant la circulation d’agents pathogènes. Le réchauffement climatique n’est pas non plus étranger à cette tendance, car il implique des phénomènes de migration, non seulement d’êtres humains, mais également d’animaux. « Parmi ceux-ci, on retrouve des ‘vecteurs’, comme les moustiques et les tiques, qui contribuent à la propagation de maladies », décrypte Steven Van Gucht. Toute une série de maladies à transmission vectorielle, telles que la fièvre de West-Nile, la dengue ou le chikungunya ont d’ailleurs émergé dans le sud de l’Europe. « Pour le moment, elles ne sont pas encore présentes en Belgique, mais nous restons extrêmement vigilants pour éviter des épidémies dans les années à venir », conclut Steven Van Gucht.
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