Qu’est-ce qu’être «neuroatypique»?
Apparu récemment dans Le Petit Robert, le nom, comme son antonyme, «neurotypique», est attesté depuis une quinzaine d’années.
«Dont le fonctionnement neurologique diffère de la norme. Contraire: neurotypique.» Le Petit Robert intègre désormais le terme «neuroatypique», comme son antonyme «neurotypique», parmi les quelque 150 mots nouveaux qui caractérisent son édition 2025. Un couple d’adjectif et de substantif qui attendait son entrée depuis 2019, comme l’explique Le Monde dans un articlé daté du 5 juin 2024.
Composé de l’adjectif «typique» et précédé du préfixe grec «neuro-», en référence au système nerveux, le mot «neurotypique» apparaît le premier. Les lexicographes du Robert le repèrent dans un article de 1982, Principes propédeutiques pour la science des langages, dans lequel l’auteur, le biologiste Boris Rybak, étudie les «protéines neurotypiques». Ce n’est pourtant qu’en 2003 qu’ils le trouvent dans son sens actuel. L’adjectif est ainsi utilisé par Bruno Gepner, pédopsychiatre et psychiatre spécialiste de l’autisme, dans son article Relations psychisme-cerveau, dualisme interactionniste et gradients de matérialité, au sein duquel il qualifie les personnes «neurotypiques» comme «non autistes».
L’équipe du Robert relève son antonyme à peine trois ans plus tard. En préface de l’ouvrage Le Cerveau nomade, Stéphane Beaulne, chercheur canadien et expert dans les troubles du spectre autistique, pointe «l’importance de savoir repérer la différence entre une personne neurotypique et une autre neuro-atypique». L’adjectif y est utilisé dans le même sens que celui référencé par Le Robert.
L’étiquette regroupe tant le spectre autistique que les troubles du langage et des apprentissages.
Ainsi la définition proposée est particulièrement vaste. De fait, la neuroatypie désigne une forme de divergence cognitive commune à de nombreuses pathologies, qui tendent désormais à être pensées aussi comme des manières différentes d’être au monde, d’agir et de vivre. L’étiquette regroupe aussi bien le spectre autistique que les troubles du langage et des apprentissages, c’est-à-dire les dys (-praxie, -lexie, -phasie, -calculie, etc.), que les troubles avec déficit d’attention et le HPI (haut potentiel intellectuel).
Ce terme générique pourrait donc, à l’avenir, héberger d’autres mots, puisque s’écarter de la norme peut s’appliquer à de nombreux fonctionnements neurologiques. «Neurotypique» et «neuroatypique», ainsi que leur substantif respectif «neurotypie»et «neuroatypie», renvoient d’ailleurs à d’autres locutions, concurrentes et synonymes, qui n’ont pas encore rejoint les dictionnaires de référence. Créé à partir du même préfixe, il existe ainsi le nom «neurodiversité». Forgé à la fin des années 1990 par la sociologue et chercheuse australienne Judy Singer, il défend l’idée que les différences neurologiques constituent non pas des pathologies, mais une partie intégrante de la diversité humaine. Dans les pays anglo-saxons, le concept désigne aujourd’hui un mouvement militant, qui a désormais sa journée mondiale, ses associations luttant contre le validisme (NDLR: système faisant des personnes valides la norme sociale), et même un Institut pour l’étude de la neurotypie. Les membres plaident pour une meilleure visibilité et une inclusion sociale des personnes «neurodivergentes», c’est-à-dire celles «qui diffèrent du fonctionnement cognitif majoritaire». Encore trop restreint dans les usages, le substantif «neurodiversité» suivra peut-être bientôt son synonyme dans le dictionnaire.
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