La bactérie mangeuse de chair libèrent des toxines qui détruisent les tissus. L’évolution peut être très rapide. © Getty

Pourquoi la bactérie mangeuse de chair risque de progresser à l’avenir

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Le Japon et les Etats-Unis s’inquiètent de la hausse du nombre de cas d’infections provoquées par la fasciite nécrosante, aussi appelée bactérie mangeuse de chair. La résistance aux antibiotiques est en partie responsable.

Les infections bactériennes représentent la deuxième cause de décès dans le monde (la première étant les pathologies cardiaques) mais seulement cinq d’entre elles sont responsables de la moitié de ces décès: le staphylocoque doré, E. coli, le pneumocoque, Klebsiella pneumoniae et le bacille pyocyanique.

Aux Etats-Unis, un type de micro-organisme vivant inquiète particulièrement les autorités sanitaires. Dans une étude publiée début avril 2025 dans la revue scientifique JAMA, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) alertent sur une importante augmentation du nombre de cas d’infections à la fasciite nécrosante, aussi désignée sous le terme effrayant de bactérie mangeuse de chair.

Depuis peu, le Japon fait également face à une recrudescence de cas d’infections à la bactérie mangeuse de chair dont le taux de mortalité atteint les 30%,  soit «un taux extrêmement élevé», selon les autorités nippones (l’infection tue habituellement une personne sur quatre). Si bien que plusieurs départements de l’archipel ont été contraints de se mettre en alerte rouge.

Enlever les tissus nécrosés

La bactérie fasciite nécrosante infecte les tissus sous la peau et atteint les tissus adipeux, le fascia (l’enrobage des muscles et des tendons) et les muscles. Une plaie, une ecchymose ou une séquelle de varicelle peuvent servir de porte d’entrée à la bactérie.

Les tissus peuvent mourir rapidement, en l’espace de quelques heures, en raison d’un mauvais apport sanguin. Des antibiotiques ou un traitement chirurgical pour retirer les tissus nécrosés sont administrés en urgence aux patients mais il n’est pas rare qu’il faille amputer d’un ou de plusieurs membres.

La fasciite nécrosante peut être causée par plusieurs bactéries. L’une d’elles est le streptocoque du groupe A, responsable de plusieurs infections, dont la plupart sont bénignes. Mais, dans certains cas, une plus grande quantité de toxines est produite. «Il arrive parfois que ces streptocoques déjouent les mécanismes de défense normaux de l’organisme et pénètrent dans le sang ou d’autres tissus où les bactéries ne vivent généralement pas. C’est ce qu’on appelle une infection streptococcique envahissante, une maladie qui peut donner lieu à une pneumonie, à une infection des os et des articulations ou, rarement, à une fasciite nécrosante ou à un syndrome de choc toxique streptococcique (…) La fasciite nécrosante et le syndrome de choc toxique streptococcique peuvent se manifester séparément ou ensemble. Ce n’est que lorsque la fasciite nécrosante entre en jeu que l’on parle de maladie mangeuse de chair», décrit le National institutes of health (NIH).

Très rare en Belgique

Les résultats de l’étude américaine publiée début avril indiquent que les infections à streptocoques graves potentiellement mortelles (dont fait partie la bactérie mangeuse de chair), sont globalement en augmentation aux Etats-Unis: leur nombre a plus que doublé entre 2013 et 2022, alors qu’avant cette flambée, le taux était stable depuis 17 ans.

En 2013, environ quatre personnes sur 100.000 recevaient un diagnostic de streptocoque invasif. En 2022, ce taux était passé à environ huit sur 100.000. Le nombre de cas est passé de 1.082 en 2013 à 2.759 en 2022. Au total, plus de 21.000 cas d’infection ont été signalés sur la période de neuf ans, dont près de 2.000 décès.

En 2021, l’Institut Pasteur alertait lui aussi sur une recrudescence de l’ensemble des infections invasives à streptocoque A dans les pays industrialisés et notamment en Europe.

En Belgique, les admissions à l’hôpital pour cause de septicémie causée par une bactérie sont restées stables ces dernières années: 210 en moyenne, 88 pendant la période de Covid-19. Pour la fasciite nécrosante, les chiffres sont beaucoup plus bas et la tendance moins claire, indique Sciensano. Pour la période 2017-2021, 47% des admissions à l’hôpital pour une septicémie due à une infection à streptocoque du groupe A  sont survenues chez des patients âgés de 65 ans ou plus. Les enfants de moins de cinq ans représentaient 10% des admissions.

Les cas d’infections à la bactérie mangeuse de chair sont non seulement très rares en Belgique mais ils sont également en diminution, comme le montrent ces données de Sciensano.

15% des personnes admises à l’hôpital pour une infection à une bactérie invasive sont décédées, majoritairement des personnes âgés de plus de 65 ans. Au total, entre 2000 et 2020, 99 décès liés au SGA ont été enregistrés, dont 74 dus à une septicémie, 9 à une fasciite nécrosante (FN), 6 à un syndrome de choc toxique streptococcique (STSS) et 10 à une autre infection.

Les données de Sciensano confirment que les décès liés à une fasciite nécrosante (FN) sont rares.

Faut-il s’inquiéter de la flambée de cas de bactéries mangeuses de chair à l’étranger? Les auteurs de l’ étude américaine appelle à «intensifier les efforts» pour prévenir et contrôler les infections invasives à streptocoque. L’augmentation du nombre de cas serait en effet liée à d’autres problèmes de santé sous-jacents, comme le diabète et l’obésité, qui affaiblit le système immunitaire et rend les personnes concernées plus vulnérables aux infections à streptocoque invasive. Les personnes les plus précarisées, comme les sans-abris, sont également les plus susceptibles de contracter ce type d’infection grave.

L’autre problème est que certaines de ces bactéries peuvent devenir multirésistantes aux antibiotiques. Selon une récente étude britannique publiée dans The Lancet, le nombre de décès liés à la résistance aux antibiotiques pourrait augmenter de 68% d’ici 2050. Plus de 39 millions de personnes dans le monde pourraient mourir d’infections résistantes aux antibiotiques au cours des 25 prochaines années, et 130 millions d’autres pourraient mourir de causes connexes, alertent les auteurs. Selon ces projections, on comptera en 2050 davantage de décès causés par des bactéries multirésistantes que par des cancers.

En Belgique, le nombre d’infections à bactéries résistantes aux antibiotiques en 2020 a été estimé à 13.991. Le nombre de décès dus aux infections à bactéries résistantes aux antibiotiques en 2020 a été estimé à 616.

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