Anne Lagerwall
Qu’avons-nous fait de la pandémie?
On a été prompt à tourner la page du Covid-19 qui semble aujourd’hui disparu de nos quotidiens. Pourtant, il y a trois ans seulement, cette pandémie occupait l’essentiel de nos pensées et de nos discussions, nouées au cœur de nos lieux de vies un temps confinées. Au-delà de nos états de santé, la crise aura marqué aussi brusquement qu’intensément nos existences et nos relations sociales.
A l’occasion des cent ans de l’Académie de droit international de La Haye qui apporte son concours à l’étude et à une compréhension plus large du droit international, son président soulignait que les crises peuvent s’avérer bénéfiques.
Cet optimisme peut en partie s’appuyer sur le terme même de «crise» dont le sens original en grec ancien «krisis» renvoie à l’idée de trier, de faire un choix et de décider. Ce n’est que par la suite, par l’intermédiaire du latin «crisis», que la notion a pris surtout le sens d’un assaut brutal et soudain, désignant souvent le stade d’une maladie qui signale une transformation dans son évolution. La crise sanitaire a-t-elle été ainsi l’occasion d’un changement ou d’une prise de décision collective sur la scène internationale?
Dès 2020, l’idée émerge d’adopter un traité international pour prévenir et faire face aux pandémies d’une manière plus efficace et plus équitable. Dans certains Etats, les vaccins contre le Covid n’ont pas été administrés à tous avec la même célérité.
Des experts des Nations unies avaient par exemple rappelé en 2021 à lsraël son obligation d’assurer la distribution de vaccins également aux populations palestiniennes vivant dans les territoires occupés en Cisjordanie et à Gaza.
En outre, tous les Etats n’ont pas été approvisionnés en vaccins de la même façon, ni au même rythme, ni au même prix. D’après le programme de développement des Nations unies, les dépenses publiques en matière de santé ont augmenté de 0,8% pour assurer la politique de vaccination dans les Etats à revenus élevés alors que dans les Etats à revenus faibles, cette augmentation a été de 56,6%. Dans les premiers, 72,92% des personnes ont été vaccinées contre 33,98% dans les seconds. Ce sont notamment ces constats qui ont amené les Etats membres de l’Organisation mondiale de la santé à élaborer un projet de traité international dont l’adoption est prévue pour mai 2024.
Les négociations avancent, même s’il n’est pas simple de mettre d’accord 194 Etats aux intérêts divergents. La crainte subsiste qu’avec la dissipation du Covid, l’élan initial ne perde de sa vigueur. S’il est bien adopté l’année prochaine, il y a fort à parier que le traité sera le résultat de subtils équilibres à trouver entre la nécessité d’aboutir à un cadre contraignant qui permettra de réagir plus rapidement aux pandémies et l’importance de rallier le plus grand nombre d’Etats souvent réticents à se lier quand il s’agit de leurs politiques publiques de santé.
L’avenir dira si la crise du Covid aura permis de promouvoir davantage la coopération entre les Etats pour répondre aux pandémies futures, dont seule la date d’irruption reste indéterminée. Quand on se rappelle que cette pandémie a fait près de sept millions de morts de par le monde, on peut espérer que les Etats soient au rendez-vous.
Anne Lagerwall est professeure de droit international à l’ULB.
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