Psy: Comment choisit-on son amoureux(euse) ?
Bruno Humbeeck, chercheur en psychopédagogie à l’Université de Mons-Hainaut est un spécialiste des couples et des familles. Dans son dernier ouvrage, Le bon choix amoureux. La force de l’inconscient, il se penche sur la construction mystérieuse de nos coups de foudre, désirs, passions et autres attirances…
Entretien : Barbara Witkowska
Le Vif/L’Express : Le choix amoureux est dicté, en grande partie, par nos pulsions inconscientes et vous dénombrez quatre inconscients différents. Quels sont-ils ?
Bruno Humbeeck : Il y a quatre couches inconscientes qui, souvent à l’insu de notre plein gré, influencent l’architecture de nos choix amoureux. Il s’agit d’inconscient biologique, d’inconscient psychologique, d’inconscient social et d’inconscient imaginaire. Pour les expliquer, la métaphore de la maison, avec la cave, le rez-de-chaussée, l’étage et le toit me paraît la plus juste.
Commençons par la cave où règne l’inconscient biologique, donc nos instincts. Ils rassemblent tout ce qui nous attire vers les autres, nous permet de les attirer vers nous. L’inconscient biologique est lié à l’univers des sens. Le coup de foudre ou l’attraction physique plus soft s’adressent tout d’abord à nos cinq sens : l’odorat, le goût, l’ouïe, le toucher et la vue. L’attachement naît dans la sensorialité. Ce sont des alchimies inconscientes qui expliquent l’attirance.
L’inconscient psychologique manifeste son influence au rez-de-chaussée. Il ouvre le registre des émotions, des sentiments et des états d’âme. Toutes les émotions constituent un terrain propice à l’ancrage amoureux. Les émotions ont beaucoup d’importance dans l’architecture d’un choix amoureux dès qu’on prend ce dernier par les sentiments. Il est important non seulement d’apprendre à connaître ses émotions mais de comprendre ce qu’elles peuvent nous apprendre sur nous-mêmes. Ces émotions sont générées aussi par des motifs inconscients qui sont liés à la façon dont nous avons été aimés. On va développer des modèles d’attachement qui font qu’on tombera amoureux d’un certain type de personne et on aura tendance à répéter les mêmes histoires.
Montons à l’étage, pour découvrir le troisième inconscient, social.
Oui. Ce sont tous les habitus de classe. Tout ce qui, naturellement, nous fait classer les autres comme vulgaires, snobs ou conformes à nos attentes et qui est lié à la manière dont on a introjecté l’éducation qu’on a reçue. Un habitus de classe, c’est un ensemble de dispositions à agir, penser, percevoir et sentir qui nous amène à nous comporter devant l’autre et à interpréter la manière dont il se comporte face à nous. Bref, tout ce qui « se fait » sans réfléchir comme la façon de converser, de manger, de marcher, de rire, les gestes apparemment naturels mais imbibés de culturel. Par exemple, on est agacé par quelqu’un qui fait du bruit en mangeant et cette répulsion nous paraît naturelle.
Le quatrième inconscient, dont le siège est le toit, c’est l’imaginaire. Dans nos modèles sociaux il est plus important qu’avant car nous vivons en fonction d’histoires et d’images qui vont organiser la mise en scène de nos amours. Un exemple : si, le lendemain de la première nuit, la femme rêve d’un dîner aux chandelles et se retrouve devant un hamburger, l’histoire d’amour paraît sérieusement compromise… Aujourd’hui, l’amour sert essentiellement à nourrir le « soi » et plus seulement le « moi ». Le « soi » c’est l’histoire que je raconte à propos de moi-même. Quand cette histoire me paraît insignifiante ou insuffisante, je suis tenté de m’engager dans un autre récit. Aujourd’hui, les choix sont multiples. Le champ des rencontres est plus important et par conséquent le choix est plus vaste.
Le bon choix amoureux. La force de l’inconscient, par Bruno Humbeeck, Odile Jacob, 280p.
Conférence le 4 juin, à 19h30, à Cook & Book, à Woluwe-saint-Lambert. www.parents-theses.be
>>> Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine
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