Prostate, sein, poumon : pourquoi ces types de cancer seront les plus fréquents en 2040
D’ici 2040, le cancer de la prostate devrait être le plus répandu au sein de la population belge, devançant le cancer du sein. Une tendance qui s’explique notamment par l’allongement de l’espérance de vie et l’augmentation de l’intensité de dépistage.
C’est une fatalité. Dans les années à venir, le nombre de cancers va continuer à augmenter en Belgique. De 72.680 nouveaux cas détectés en 2022 (à l’exclusion des cancers de la peau non-mélanome), leur nombre devrait passer à 87.894 en 2040, selon les prévisions du European Cancer Information System (ECIS). Soit une hausse de 20,9% en 18 ans. Dans le détail, la maladie sera nouvellement dépistée chez 39.568 femmes et 48.326 hommes en 2040.
A en croire les données de la Commission européenne, certains types de cancer devraient connaître une progression plus importante que d’autres. Notamment le cancer de la vessie, dont le nombre de nouveaux cas passerait à 4.948 en 2040, contre 3.821 en 2022 (+29,5%). Les cancers de la prostate (+24,5%) et du côlon (+24,5%) augmenteraient également proportionnellement davantage que ceux de la peau (+14,6%) ou du sein (+14,2%). Le cancer de la prostate deviendrait ainsi le type le plus répandu au sein de la population belge, contre le cancer du sein actuellement.
Ces données sont toutefois à prendre avec des pincettes : ce sont des prévisions, qui ne traduisent que l’incidence de certains cancers, et non leur taux de mortalité. Elles ne tiennent pas non plus compte de l’apparition de nouveaux traitements et des nouvelles techniques de dépistage, difficilement conjecturables. « On peut à peine les anticiper au-delà de trois ans, donc c’est compliqué de se projeter en 2040, confirme François Duhoux, oncologue médical aux cliniques universitaires Saint-Luc. Mais une chose est sûre : le nombre de cancers ira bel et bien croissant. »
Le cancer, une mort naturelle
Plusieurs facteurs concourent à cette augmentation. D’abord, l’augmentation de l’espérance de vie. « En Europe de l’Ouest, la population meurt de plus en plus tard, rappelle Corina Martinez, cheffe de service d’oncologie médicale au CHU Saint Pierre. Logiquement, plus le temps de vie s’allonge, plus les cellules s’altèrent et donc plus il y a de chances de développer cette maladie. » « Le cancer est finalement une façon assez naturelle de mourir », complète Pierre Sonveaux, professeur de pharmacologie à l’UCLouvain et directeur de recherche au FNRS.
L’allongement de la durée de vie explique également la surreprésentation de certains cancers d’ici 2040. « Les cancers de la prostate ou de la vessie, par exemple, touchent majoritairement des patients âgés de plus de 70 voire 80 ans. Plus la population sera âgée, plus ce type de cancers sera répandu », précise le Pr. Duhoux.
Tous les cancers ne doivent pas nécessairement être détectés ni traités.
François Duhoux
Oncologue médical
En outre, l’amélioration des conditions de dépistage, couplée au renforcement de son intensité et son remboursement quasi-généralisé, conduit inévitablement à une augmentation apparente des nouveaux cas de cancer. « Les capacités de diagnostic deviennent de plus en plus pointues, souligne Pierre Sonveaux. Par exemple, des biomarqueurs permettent aujourd’hui aux médecins de détecter, ou du moins de suspecter, un cancer de la vessie via de simples analyses d’urine. »
“Si on cherche, on trouve”
L’évolution des techniques est telle que certains cancers (prostate, notamment) sont même diagnostiqués trop tôt, avant même l’apparition des premiers symptômes. On parle alors de « surdiagnostic ». « Ca inquiète les patients pour rien, car tant que le cancer est dormant et n’est pas en phase évolutive, aucune technique de thérapie ne peut être utilisée, indique Pierre Sonveaux. Il peut se passer 10 ou 15 ans sans aucune évolution. Entre-temps, le patient peut mourir de tout un tas d’autres causes. »
Le cancer de la prostate est d’ailleurs extrêmement fréquent chez les hommes âgés de plus de 80 ans, sans qu’il ne soit forcément lié à une augmentation de la mortalité. « Si on cherche, on trouve », résume François Duhoux, qui s’interroge dès lors sur l’intérêt d’un diagnostic systématisé de ce type de cancer au-delà d’un certain âge. « Certains dépistages sont plus utiles que d’autres, insiste l’expert. Il faut évidemment renforcer l’intensité des diagnostics pour le cancer du sein ou le col de l’utérus, ou pour un cancer de la prostate qui peut être létal chez les moins de 60 ans, mais tous les cas ne doivent pas nécessairement être détectés ni traités. »
Plus une sentence de mort
Enfin, l’augmentation prévue du nombre de cas de cancers d’ici 2040 s’explique évidemment par l’évolution des modes de vie : omniprésence d’aliments transformés, épidémie d’obésité, sédentarité et pollution atmosphérique sont autant de facteurs de risque à ne pas sous-estimer. « L’essor de la nourriture industrialisée explique d’ailleurs que le cancer du côlon est de plus en plus répandu chez les jeunes », déplore François Duhoux. Si la population est aujourd’hui largement sensibilisée aux risques d’une surexposition au soleil ou de la consommation d’alcool et de tabac, la prévention reste encore insuffisante aujourd’hui sur d’autres facteurs, regrette Corina Martinez.
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Si le nombre de cancers est inéluctablement amené à augmenter d’ici 2040, l’évolution des traitements et la chute du taux de mortalité permet toutefois de dresser un tableau un peu plus rose de ces prévisions. « Il a dix ou quinze ans, le diagnostic d’un cancer du sein était fatal, comme une sentence de mort, illustre Pierre Sonveaux. Aujourd’hui, c’est presque devenu une maladie comme une autre : la majorité des femmes en guérissent. »
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