« Prendre ma douche était devenu un effort surhumain »: quelle est cette bactérie à l’origine d’une épidémie d’infections respiratoires en Belgique?
Depuis l’automne, une épidémie d’infections respiratoires à mycoplasme sévit en Belgique. Disparue des radars depuis la pandémie, la bactérie mycoplasma pneumoniae revient en force, principalement chez les enfants et jeunes adultes.
C’est une des maladies les plus costaudes que j’ai eues de ma vie ». A 25 ans, Isaline se remet doucement d’une infection à mycoplasme qui l’a clouée au lit pendant une longue semaine.
Tout commence par un petit mal de gorge, un dimanche soir. A première vue, rien d’inquiétant. Le lendemain, la toux fait son apparition, suivie par la fièvre. «Le lundi soir, j’ai commencé à me sentir vraiment mal, se souvient la Bruxelloise. Je toussais de plus en plus, et j’ai peu à peu perdu ma voix. » Mardi à la première heure, incapable d’aller travailler, Isaline se rend chez un médecin, qui ne s’alarme pas outre-mesure. « C’est viral ». « Des ibuprofènes devraient suffire. » Mais la situation ne s’améliore pas. Elle empire, même. « J’avais beaucoup de fièvre et j’étais complètement épuisée. Je dormais tout le temps. J’étais très vite essoufflée : rien que prendre ma douche était un effort surhumain. »
« Je dormais tout le temps. J’étais très vite essoufflée : rien que prendre ma douche était un effort surhumain. »
Le jeudi, face au mal-être persistant, la jeune travailleuse se rend chez un autre médecin. Les symptômes laissent songer à un « Covid XXL » ou à une « grippe carabinée ». Mais les deux tests se révèlent négatifs. Le verdict tombe alors : « C’est certainement un mycoplasme, ça tourne beaucoup».
Mycoplasme: un pic mi-décembre
En effet, depuis l’automne, une épidémie d’infections à mycoplasme sévit en Belgique, comme ailleurs en Europe. Selon les données compilées par l’Institut de Santé publique Sciensano, les infections sont en forte hausse depuis fin octobre. Le pic de l’épidémie semble avoir été atteint mi-décembre, mais de nombreux cas ont encore été constatés fin janvier. « L’activité du mycoplasme est extrêmement intense cet hiver, avec un taux environ dix fois plus élevé d’habitude », confirme l’infectiologue Steven Van Gucht. D’après Sciensano, les infections sont principalement rapportées dans la tranche d’âge de 5 à 20 ans, mais les adultes ne sont pas épargnés.
Concrètement, la maladie est causée par une bactérie, la mycoplasma pneumoniae. « Elle entraîne des infections respiratoires, voire des pneumonies atypiques, par opposition à la pneumonie classique, qui, elle, est causée par une autre bactérie, le pneumocoque », détaille Nicolas Dauby, médecin infectiologue et chef de clinique au CHU Saint-Pierre. Si l’infection à mycoplasme est moins sévère que la pneumonie classique (qui nécessite généralement une intubation), elle peut toutefois conduire à une hospitalisation. A Saint-Pierre, des dizaines de patients ont été admis pour cette raison ces dernières semaines. « Nous avons vu beaucoup d’enfants entre 8 et 10 ans, ainsi que des adultes entre 30 et 40 ans, alors qu’habituellement, les patients qui nécessitent une hospitalisation sont des personnes âgées avec comorbidités ou des enfants en bas âge », précise Nicolas Dauby.
Un diagnostic complexe
Le service de pédiatrie du Grand Hôpital de Charleroi a également vu défiler des jeunes patients touchés par la maladie. « Heureusement, nous n’avons pas eu de cas qui ont mal évolué, se réjouit Jerry Cousin, pneumo-pédiatre hospitalier. Nous avons traité des pneumonies significatives, mais qui n’ont pas nécessité un transfert aux soins intensifs. »
Si les hospitalisations sont parfois nécessaires, c’est notamment parce que le diagnostic peut tarder à être correctement posé. « Il est très difficile de distinguer une infection à mycoplasme d’un virus respiratoire syncytial (VRS) classique car les symptômes sont à peu près identiques », observe Nicolas Dauby. Ils se manifestent par de la toux, des infiltrats pulmonaires, de la fièvre, des douleurs musculaires et un mal-être généralisé. Mais des éruptions cutanées peuvent également survenir. « Dans certains cas, la mycoplasma pneumoniae peut causer des manifestations extra pulmonaires, telles que des atteintes du système nerveux central (méningite) et du système cardiaque (myocardite) », complète l’infectiologue du CHU Saint-Pierre.
Un seul traitement: les macrolides
Or, le diagnostic est crucial pour administrer le traitement adapté. « Nous prescrivons des antibiotiques de type ‘macrolide’, car ces pneumonies atypiques résistent aux antibiotiques de première ligne, comme l’amoxicilline », indique Jerry Cousin. Ce sont d’ailleurs les macrolides qui ont permis à Isaline de voir le bout du tunnel. « Vingt-quatre heures après la première prise, je me suis sentie bien mieux et j’ai pu reprendre des forces. Aujourd’hui (dix jours après les premiers symptômes, NdlR), je tousse encore beaucoup, mais rien comparé aux grosses quintes du début. Elles étaient tellement violentes que ça me donnait envie de vomir. J’avais aussi très mal aux côtes. » Cette toux sèche peut persister dans le temps, de 1 à 3 semaines voire parfois jusqu’à 8 semaines, confirme le Dr. Cousin. Un puff et du sirop peuvent la soulager.
A l’instar du Covid-19, les infections à mycoplasme se transmettent par voie aérienne, via les gouttelettes. « C’est une pathologie assez contagieuse, précise le pneumo-pédiatre du Grand Hôpital de Charleroi. Il est d’ailleurs rare d’observer un cas isolé au sein d’un même foyer ou d’une même crèche. » En raison des mesures sanitaires adoptées durant la pandémie, notamment le port du masque, la mycoplasma pneumoniae avait disparu des radars depuis 2020.
De manière générale, les épidémies d’infections à mycoplasme se caractérisent par leur périodicité. « C’est cyclique : tous les 4, 5, 6 ou 7 ans, on assiste à une résurgence de la maladie. Mais l’épidémie de cet hiver est particulièrement sévère », conclut Steven Van Gucht.
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