Pourquoi vous devriez faire la sieste
Vigilance, immunité, hypertension, mémoire, créativité… Dormir quelques minutes durant la journée est bénéfique pour le corps et le cerveau.
Longtemps victime de préjugés dans une société qui valorise le travail et l’hyperactivité, la sieste suscite pourtant l’intérêt de nombreux chercheurs pour ses multiples vertus chez l’adulte. On s’interroge ainsi sur ses effets sur la vigilance, l’immunité, l’hypertension, la mémoire… Pratiquée par plus de 85% des mammifères, la sieste n’est pas une phase d’inertie ou une simple habitude des pays chauds. «En réalité, la sieste n’est pas culturelle, elle est naturelle. C’est nous qui en faisons quelque chose de culturel», note Eric Mullens, auteur d’Apprendre à faire la sieste. Et si c’était un médicament? (éd. Josette Lyon, 3e édition).
La somnolence d’après-repas a moins à voir avec le déjeuner qu’avec le corps et le cerveau.
Associée à la petite enfance ou réservée aux vacances, la sieste devrait se pratiquer au quotidien, selon les spécialistes du sommeil. En effet, il existe aujourd’hui une véritable épidémie de manque de sommeil. La durée moyenne des nuits est passée sous les sept heures. Avec des conséquences. Rhumes fréquents, maux de tête ou de dos, difficultés de concentration, irritabilité, bâillements incessants. Mais aussi, et plutôt inattendu: accroissement du risque d’obésité, car le manque de sommeil inhibe la sécrétion de leptine, l’hormone de satiété. De plus, l’individu épuisé a tendance à confondre fatigue et faim et privilégie le sucre pour se donner un coup de fouet.
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La solution? S’assoupir au cours de la journée. Siester. Le mot vient d’ailleurs de l’espagnol «siesta», lui-même issu du latin «sexta», désignant la sixième heure après le lever du soleil, ce moment où l’attention baisse, en début d’après-midi, et ce même en l’absence d’un déjeuner. Le corps parle pour nous. A travers sa température, reflet de notre horloge biologique. Celle-ci diminue au début de la nuit, favorisant l’endormissement, mais aussi en début d’après-midi. La somnolence d’après-repas a en fait moins à voir avec le déjeuner qu’avec le corps et le cerveau, qui se refroidissent d’un ou deux dixièmes de degré, diminuant la vigilance et le tonus musculaire. «Cette demande de mise au repos cognitive et cérébrale touche presque tout le monde, et se manifeste par une perte de la concentration, des erreurs, une diminution du temps de réaction… Or, la sieste répare ces phénomènes», soutient Steven Laureys, directeur du Centre du cerveau au CHU de Liège, qui vient de faire paraître Le Sommeil, c’est bon pour le cerveau (Odile Jacob, 2023).
«En plus des grandes fatigues, poursuit Brice Faraut, neuroscientifique à l’université Paris-Descartes et auteur de Sauvés par la sieste. Petits sommes et grandes victoires (Actes Sud, 2021), elle lutte, comme le sommeil de nuit, contre la douleur, la morosité, la fragilité immunitaire, le stress, le surpoids, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires.»
Sans y être totalement opposé, le chercheur ne conseille pas la microsieste. Celle-ci ne réduit pas la fatigue et n’améliore pas la vigilance et la vigueur. Il lui préfère la sieste de dix minutes, appelée «power nap» par les Anglo-Saxons. Ce somme «énergisant» redynamise à court terme les performances cognitives. Mais elle ne diminue pas le stress. Pour cela, mieux vaut viser une sieste de vingt à trente minutes, qui inclut un épisode de sommeil lent léger, améliore l’humeur, renforce l’immunité et, surtout, réduit les risques d’accident cardiovasculaire.
Reste alors la sieste royale, celle qui permet d’accomplir un cycle complet et, dès lors, d’atteindre la phase de sommeil paradoxal, qui favorise notamment la digestion des émotions et la consolidation de la mémoire procédurale. «Cette sieste-là est idéale en fin de matinée, après une nuit blanche, plutôt que de comater l’après-midi entier devant l’écran», conclut Brice Faraut. Il faudra s’en souvenir.
Une question de bon temps
De la sieste «flash» de moins de cinq minutes à la sieste royale d’une heure et demie, en passant par la sieste standard de vingt à trente minutes, la durée n’a pas les mêmes effets sur l’organisme. En résumé, la microsieste est une espèce de relaxation profonde et comporte rarement du sommeil. Dix à quinze minutes sont suffisantes pour améliorer la vigilance, la fatigue et l’humeur et, dans un moindre degré, les fonctions cognitives et les tâches de mémoire. La sieste idéale, théoriquement, durera entre vingt et trente minutes, auxquelles il faut ajouter dix minutes d’endormissement et de réveil. C’est la plus récupératrice. En effet, elle présente l’avantage de ne pas atteindre le sommeil lent profond. On en sort, par conséquent, plus reposé. Enfin, la sieste d’une à deux heures, soit un cycle complet, est parfaite pour se remettre d’une fatigue lourde et procure les mêmes bénéfices qu’une nuit sur le métabolisme et certaines tâches de mémoire. Mais elle peut parfois accroître ce que les spécialistes appellent «l’inertie au réveil», un sentiment de malaise et de brouillard.
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L’instant idéal se situe lors du coup de barre de la mi-journée. Pour les couche-tôt (au lit vers 22 heures), ce coup de barre se situe aux alentours de midi. Pour les couche-tard (vers 1 heure), il survient plutôt vers 14 heures. Après 17 heures, en revanche, les siestes longues sont proscrites, car il faudra au moins six heures avant de pouvoir entamer sa nuit de sommeil.
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