Pourquoi un verre de lait par jour réduirait le risque de cancer colorectal: «Ce n’est pas magique»
Une étude britannique d’envergure confirme l’effet positif du lait et des produits laitiers sur le risque de développer un cancer colorectal, le quatrième plus fréquent en Belgique.
«Les produits laitiers sont nos amis pour la vie», scandent les lobbys de la filière laitière depuis les années 1980. Et si c’était vrai? Une vaste étude britannique menée par l’université d’Oxford et Cancer Research UK, publiée dans la revue Nature Communications, a confirmé les effets positifs du lait et des produits laitiers sur le risque de développer un cancer colorectal, en raison du calcium qu’ils contiennent.
De manière générale, l’alimentation peut largement influer sur les risques de cancer colorectal, le troisième cancer le plus fréquent au monde. En Belgique, plus de 8.000 nouveaux cas sont diagnostiqués par an, selon le Centre de coordination et de référence pour le dépistage des cancers.
Les chercheurs britanniques ont étudié les habitudes alimentaires de 542.778 femmes sur près de 17 ans, et ont conclu que la consommation de 300 milligrammes par jour de calcium, soit l’équivalent d’un verre de lait de 25 cl, était associée à une réduction de 17 % du risque de cancer colorectal. Mazette!
Mais une réduction relative de 17 %, précise le docteur Luc Colemont, médecin gastro-entérologue et directeur de l’asbl Stop cancer côlon. Etant donné que le risque moyen de développer un cancer colorectal est de 5 % – un Belge sur 20 risque d’avoir ce cancer –, il s’agit presque d’une réduction de 4 à 5 % du risque global. Les conclusions ne sont pas étonnantes ceci dit, la recherche avait déjà établi quelques années auparavant le lien entre calcium et diminution du cancer colorectal. Par ailleurs, il s’agit d’une étude d’observation, qui nécessiterait de «faire un essai de contrôle» pour s’assurer de ces conclusions, souligne le spécialiste.
L’effet neutralisant du calcium
Comment ça marche? Le calcium a la capacité de «se lier aux acides biliaires présents dans le côlon, et neutralise les effets toxiques qu’ils ont sur les cellules», explique le gastro-entérologue.
La majorité des aliments liés aux produits laitiers examinés dans l’étude étaient inversement associés au risque de cancer colorectal, à l’exception du fromage et des glaces. Le calcium se trouve aussi dans le riz, les boissons au soja, le pain blanc, les noix, les graines et les fruits comme les figues sèches, le chou frisé et les sardines en conserve. Les yaourts et le lait restent la meilleure option, assure Luc Colemont, que ce dernier soit d’origine animale ou végétale (le lait de soja en particulier).
Le rôle de l’alimentation
Outre les produits laitiers, l’étude a analysé 97 facteurs alimentaires sur le cancer colorectal. La consommation de céréales complètes, de fruits, de glucides, de fibres, de folate (ou vitamine B9) et de vitamine C entraînait elle aussi un moindre risque de développer ce cancer.
A l’inverse, il était déjà connu que l’excès de viande rouge et de viande transformée (charcuterie, saucisses…), en raison des nitrites et nitrates qu’elles contiennent, ainsi que l’alcool, étaient cancérogènes. Là encore, l’étude apporte des confirmations: chaque dose quotidienne de 20 grammes d’alcool (une pinte de bière) augmente le risque de cancer colorectal de 15 %, et chaque portion quotidienne de 30 grammes de viande rouge ou transformée entraîne un risque cancérogène accru de 8 %.
D’ailleurs, les pays riches (Europe, Amérique du nord, Australie), plus en proie à la nourriture transformée et à l’obésité, affichent des taux de cancers colorectaux plus élevés.
Pour Luc Colemont, l’alimentation «méditerranéenne» à base d’huile, de poisson, de légumes et de fruits est la meilleure. Chez les femmes, un tel régime réduit de 50 % les chances d’avoir un cancer colorectal.
Ne pas oublier le dépistage
Le calcium «n’est pas magique, souligne toutefois le médecin. Certaines personnes peuvent boire du lait tous les jours, avoir un style de vie sain et quand même développer un cancer colorectal». L’âge et les antécédents familiaux sont aussi des facteurs de risque. La maladie survient généralement après 50 ans. Plus de sept cancers colorectaux sur dix concernent des personnes de 65 ans et plus, et le risque de développer un cancer colorectal est doublé si un parent proche présente ce type de cancer, indique la Fondation contre le cancer.
Toutefois, «c’est un cancer qui rajeunit. De plus en plus de personnes d’une quarantaine d’années le développent», avance Luc Colemont. En 2022, 334 cas concernaient la tranche des 41-50 ans en Belgique. Par contre, il se soigne très bien. «S’il est décelé à temps, il y a plus de 90 % de chance de guérison, affirme le directeur de Stop cancer côlon. Mais chaque jour, huit personnes en meurent encore en Belgique.»
D’où l’importance du dépistage, gratuit à partir de 50 ans. La Flandre affiche 30 % de cancers colorectaux en moins depuis le début du programme de dépistage en 2013, ce qui n’est pas le cas en Wallonie et à Bruxelles, où le dépistage est beaucoup moins pratiqué. Le médecin estime aussi que la Belgique devrait suivre l’exemple des Etats-Unis et proposer un dépistage à partir de 45 ans.
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