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«Pourquoi avoir peur du pain?», se demande la diététicienne Hella Van Laer qui s’interroge sur les pratiques des Foodfluencers. © Getty Images/Onoky

Pourquoi on ne sait plus quoi manger: «Le pain est injustement décrié»

Dans le Far West que sont les réseaux sociaux, de nombreux cow-boys débarquent pour parler d’alimentation saine. Mais comment percer à jour les absurdités nutritionnelles de ces foodfluencers?

Les millennials et les enfants de la génération Z aiment particulièrement puiser leurs conseils en matière de santé sur les réseaux sociaux. Une enquête menée auprès de 2.000 jeunes révèle que plus de la moitié d’entre eux sont régulièrement influencés et testent de nouvelles tendances alimentaires. Le problème, c’est que seuls 2,1 % des contenus nutritionnels sur ces réseaux correspondent aux recommandations en matière d’alimentation saine, selon une analyse fondée sur l’intelligence artificielle portant sur plus de 67.000 vidéos TikTok.

«Les gens ne voient plus la forêt à force de voir tous les arbres, à cause de la quantité invraisemblable d’informations, explique la diététicienne Hella Van Laer. Pis: les connaissances sur une alimentation saine s’estompent. Pourtant, ce que l’on met dans sa bouche est déterminant pour sa santé.»

Comment cette ignorance se manifeste-t-elle dans votre pratique?

Hella Van Laer: Le pain est encore souvent injustement décrié. Certaines personnes l’évitent même complètement, mais consomment malgré tout des biscuits petit-déjeuner dits «sains» le matin. Mais pourquoi avoir peur du pain? C’est un produit avec lequel nous avons grandi, c’est très bon et très pratique. Il faut simplement faire attention à ce que l’on choisit: une tartine de pain complet nourrissant avec une garniture saine est meilleure qu’une tranche de pain blanc avec du Nutella.

Les noix sont un autre exemple d’aliment qui suscite de la méfiance, par peur de prendre du poids. Pourtant, elles sont riches en substances protectrices et ont un effet rassasiant, ce qui en fait l’en-cas idéal. Le yaourt maigre est également souvent consommé par des personnes qui veulent perdre du poids, alors qu’il est loin d’être aussi rassasiant que le yaourt entier ou le skyr. Résultat: après deux heures, on a envie d’une collation.

«Une tartine de pain complet nourrissant avec une garniture saine est meilleure qu’une tranche de pain blanc avec du Nutella.»

Hella Van Laer

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Le cas du fruit est plus complexe. Oui, le fruit est sain, mais il provoque aussi un pic de glycémie. Pour une personne active, le fruit est un excellent choix comme en-cas, surtout en comparaison avec un biscuit. Le problème, c’est que la plupart des gens bougent beaucoup moins. Une personne qui reste toute la journée derrière un ordinateur et s’affale le soir sur le canapé a moins besoin d’un apport constant en glucose, et ferait mieux d’opter pour une poignée de noix. Il est également conseillé aux femmes ménopausées de limiter les pics de glycémie, car elles sont alors plus sensibles à la prise de poids. Ce conseil vaut aussi pour le groupe croissant de personnes atteintes de résistance à l’insuline, de syndrome métabolique et de diabète de type 2.

#Detox, #cleaneating, #proteinshake… Quelles sont les modes et astuces autour de l’alimentation saine sur les réseaux sociaux qui vous hérissent le poil?

La prolifération des shakes et de compléments alimentaires est une tendance préoccupante. Les gens ont peu de temps pour manger sainement et dépensent donc des sommes énormes pour ces produits. Il faut aussi relativiser toute la polémique autour de l’avoine, qui serait soi-disant mauvaise pour la santé. Il est vrai que les flocons d’avoine instantanés ont une valeur nutritionnelle inférieure à celle des flocons d’avoine roulée classiques, parce qu’ils sont plus transformés. Mais l’avoine contient aussi beaucoup de fibres et a un effet hypocholestérolémiant. Si on la combine avec de bonnes graisses et des protéines, elle s’intègre parfaitement dans une alimentation saine et variée.

Les intérêts commerciaux de nombreux influenceurs priment sur la santé de leurs abonnés. Il y a beaucoup d’apparences trompeuses. Les repas qu’ils promeuvent ont l’air super sains –souvent de nombreuses séances photo précèdent la publication de l’image parfaite– mais ils sont en réalité rarement très rassasiants. Les influenceurs tiennent aussi rarement compte de la vraie vie, par exemple quand vous avez des enfants qui courent partout à la maison, un emploi à temps plein et un manque chronique de sommeil.

«Les intérêts commerciaux de nombreux influenceurs priment sur la santé de leurs abonnés. Il y a beaucoup d’apparences trompeuses.»

Hella Van Laer

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Que conseillez-vous aux personnes qui se perdent dans cette jungle alimentaire?

Il est important de toujours garder à l’esprit la philosophie de base de l’alimentation. Concentrez-vous sur les repas principaux appropriés, comme le faisaient nos arrière-grands-parents: des repas nourrissants qui rassasient. Buvez suffisamment d’eau. Et évitez de grignoter machinalement toute la journée. Cela devient très vite une habitude. Avant même de vous en rendre compte, vous êtes l’esclave de ces en-cas ultra transformés.

Je reconnais qu’il n’est pas toujours facile de déceler les absurdités nutritionnelles. Vous avez des questions? Prenez alors rendez-vous avec un diététicien agréé. A long terme, cela vous fera économiser de l’argent, car vous vous sentirez moins léthargique et vous cesserez de recourir à toutes sortes de compléments alimentaires. Aujourd’hui, il est tendance d’avoir un coach personnel. Malheureusement, notre profession n’a pas une image aussi glamour.

Qu’est-ce qui distingue un diététicien d’un foodfluencer?

Un bon diététicien est au fait des recommandations actuelles et des connaissances les plus récentes fondées scientifiquement, et collabore de manière multidisciplinaire avec différents collègues. Fort de ce savoir, il analyse les habitudes moins bonnes sans juger, mais avec une approche empathique. Il signale les pièges ou «erreurs alimentaires» et guide concrètement, avec des produits que l’on trouve en supermarché.

L’aspect personnel joue aussi un rôle. Il n’y a pas deux personnes identiques. Est-elle sujette aux dépendances ou à la dépression? Y a-t-il un problème de surcharge mentale qui influence le comportement alimentaire? Qu’en est-il du sommeil, du stress et de l’activité physique?

Des médicaments comme Ozempic et Mounjaro sont révolutionnaires, mais même là, le diététicien peut jouer un rôle, par exemple en soulignant l’importance de l’entraînement musculaire pour limiter la perte de masse musculaire. Autant de choses pour lesquelles les médecins n’ont pas toujours le temps.

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