Céline Tellier, ex-ministre wallonne de l’Environnement, a été malmenée par le scandale lié aux PFAS. © BELGAIMAGE

Pourquoi MR et Engagés n’ont pas osé interdire les PFAS: «Il faut arrêter de toujours vouloir faire plus qu’ailleurs»

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Série | Tous les tabous ne sont pas tombés (3/10). Dans l’opposition wallonne durant quatre ans, les partenaires de la coalition Azur n’ont pas hésité à critiquer la gestion du dossier PFAS par l’ex-ministre de l’Environnement, Céline Tellier. Maintenant au pouvoir, comment comptent-ils vaincre les polluants éternels? Aucune interdiction de ces substances n’est en tout cas à l’ordre du jour.

Le contexte

«Faire tomber les tabous.» En présentant la Déclaration de politique régionale (DPR) et la Déclaration de politique communautaire (DPC), les deux formateurs/présidents de parti Georges-Louis Bouchez (MR) et Maxime Prévot (Les Engagés) ont rivalisé dans les déclarations ambitieuses. Les socialistes et les écologistes, battus, sont relégués dans l’opposition, et ne pourront pas les empêcher de mettre en œuvre un programme de réformes salué par tous les éditorialistes et auquel aspire une majorité de l’électorat francophone. Jamais le centre et la droite n’ont eu autant «les coudées franches» à la Région et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pourtant, certains engagements (ré-)novateurs, beaucoup d’ambitions innovantes et quelques promesses de campagne disruptives ne devraient pas, à la lecture de la DPR et de la DPC, se réaliser. Voici les tabous que le MR et Les Engagés n’ont pas osé faire tomber.

Dans leur Déclaration de politique régionale, le MR et Les Engagés évoquent «une lutte renforcée contre les PFAS et les polluants émergents». A quoi s’engagent-ils? En résumé, la coalition Azur entend cartographier les sites potentiellement pollués pour y renforcer le biomonitoring, fixer de nouveaux seuils de présence dans l’eau et les sols et militer pour la recherche d’autres solutions à l’usage desdits polluants éternels. Les partenaires veulent également «créer un fonds d’indemnisation pour les citoyens victimes de pollution aux PFAS sur base du principe pollueur-payeur». Ce qui prendra du temps… C’est pourquoi ils souhaitent, entre-temps, indemniser les personnes devant se soumettre à des examens sanguins.

“On va plus loin que ce qui a été fait ces cinq dernières années”

Diana Nikolic (MR)

Les mesures annoncées ressemblent plus à des ajustements à la marge qu’à de réelles avancées. En effet, dans les «111 propositions phares pour changer de modèle» présentées par Maxime Prévot et ses troupes avant le triple scrutin du 9 juin, c’est bien une interdiction des PFAS qui était envisagée. «Nous voulons privilégier les principes de précaution, de prévention et d’information pour éviter tout risque sanitaire et éliminer les PFAS pour garantir une eau de qualité sur tout le territoire», projetaient les centristes. Concrètement, la formation turquoise préconisait une interdiction de ces substances à l’échelle européenne, et «des normes plus strictes en Wallonie et à Bruxelles». Les Engagés annonçaient encore le renforcement des contrôles et sanctions à l’égard des entreprises rejetant des PFAS, ainsi qu’une interdiction de mise sur le marché de ces polluants persistants.

PFAS: manque d’ambition de la coalition Azur?

PFAS: Bouchez a-t-il réussi à tirer vers le bas les ambitions programmatiques de Maxime Prévot? © BELGA PHOTO LAURIE DIEFFEMBACQ

Le basculement annoncé dans le dossier n’a visiblement pas eu lieu. Aucune mention d’interdiction dans le document qui sert de base à la nouvelle majorité. Beaucoup de flou, peu de certitudes. Les ambitions des Engagés ont-elles été contrecarrées par la tempérance du MR? Le mot «PFAS» n’apparaît qu’à deux reprises dans les 298 pages de la feuille de route libérale pour l’après-2024. Le parti dit soutenir «l’éradication des PFAS dans les emballages alimentaires et les perturbateurs endocriniens» et vouloir «améliorer l’analyse de risques et revoir les processus d’alerte» en ce qui concerne la présence de ces substances dans l’eau de distribution.

Décréter une interdiction des PFAS en Wallonie n’a pas de sens

Maxime Prévot, le président des Engagés

Lors de la précédente législature, Diana Nikolic (MR), réélue députée wallonne, a suivi avec attention toute la séquence liée aux PFAS. Et continuera de le faire, la Liégeoise étant membre de la commission Environnement de l’hémicycle régional. «On va plus loin que ce qui a été fait ces cinq dernières années, réagit la libérale. Nous ne sommes pas en capacité d’interdire ces substances, cela doit se faire à l’échelon européen. Mais nous allons nous concerter avec le fédéral pour plaider en faveur de réglementations continentales ambitieuses.»

“Ne pas en faire plus qu’ailleurs”

La députée wallonne tient à tempérer les ambitions en la matière. «Nous attendons que les scientifiques trouvent des alternatives aux polluants éternels. Mais on ne peut pas se fixer de trop grands objectifs. Avec la DPR, on met fin au principe de gold-plating (NDLR: le fait de procéder à la transposition d’une directive en prenant des mesures qui ne sont pas strictement nécessaires à ladite transposition). Il faut arrêter de toujours vouloir faire plus qu’ailleurs.»

Même son de cloche du côté de Maxime Prévot, le président des Engagés: «Décréter une interdiction des PFAS en Wallonie n’a pas de sens. Il faut le faire au niveau européen, car ces polluants se trouvent dans toute une série de produits commercialisés à des échelons supérieurs.»

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire