Pourquoi l’humain ne peut plus mouvoir ses oreilles
L’évolution de l’espèce humaine a laissé quelques vestiges: des muscles auriculaires actifs et une forme d’oreille amenés, à terme, à disparaître.
Qu’est-ce qui ne sert vraiment plus à rien? Parmi les organes voués à disparaître, il y a, à coup sûr, ces trois muscles auriculaires: l’auricularis anterior, l’auricularis superior et l’auricularis posterior, situés autour du pavillon. A eux trois, ils permettent vaguement de bouger les oreilles… sans autre résultat que de leur faire effectuer un vague surplace. Lorsqu’un son un peu puissant se fait entendre, ils ont d’ailleurs tendance à s’activer pour tenter de remuer l’oreille en direction de l’émission sonore. En vain. L’humain en est réduit à devoir tourner la tête – ces muscles étant à présent atrophiés – contrairement à de nombreux mammifères en capacité de mouvoir leurs oreilles en direction d’un son, que ce soit pour chasser ou par crainte d’un danger. Chez certains animaux sociaux, une auricule allongée permet, par ailleurs, de manifester différentes humeurs. Par exemple, pour intimider, le chien et le chat dirigent leurs oreilles vers l’arrière tandis que l’éléphant écarte grand les oreilles.
Retrouver des «oreilles d’elfe» est la nouvelle mode de la chirurgie esthétique.
Si tous les humains possèdent ces trois muscles, seuls certains sont dotés d’un petit rond ou d’une pointe dans la partie supérieure du cartilage de l’oreille. Présent au stade de l’embryon humain, le tubercule disparaît au cours du développement, sauf dans de rares cas. Sa fréquence varie, cependant, en fonction du sexe (il est plus fréquent chez les hommes), de l’âge et de la population (10% dans le monde mais 26% en Europe).
Cette excroissance, qui peut être tant bilatérale qu’unilatérale, tantôt un peu plus bas, tantôt un peu plus haut, porte le nom de celui qui l’évoqua la première fois: le «tubercule de Darwin». Dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe, en 1871, Charles Darwin décrivait déjà cette proéminence cartilagineuse: «Une petite pointe émoussée qui fait saillie sur le bord replié de l’hélix (NDLR: le bord de l’oreille) replié en dedans.» Il y distinguait alors un atavisme, c’est-à-dire un caractère héréditaire remontant à un ancêtre commun, disparaissant chez l’homme, et qui, chez les primates, comme les macaques et les cercopithèques, a donné la forme en pointe des oreilles. Chez ces derniers, ce tubercule leur permet de replier volontairement le pavillon de leurs oreilles afin de protéger leurs conduits auditifs et d’optimiser la captation des ondes sonores. Selon Charles Darwin, chez les humains, la non-sollicitation de cette articulation a donc entraîné, au cours de l’évolution, sa régression en un simple tubercule.
Celui-ci a longtemps été considéré comme une malformation synonyme d’un signe de dégénérescence, et qui permettait, à en croire le médecin italien Cesare Lombroso, fondateur de l’Ecole de criminologie, d’identifier les potentiels criminels selon la discipline depuis longtemps remise en cause de la physiognomonie.
On surnomme également cet atavisme «oreilles de Spock», en référence aux oreilles pointues de la race imaginaire des Vulcains dans Star Trek. Ou encore «oreilles d’elfe», nouvelle mode peu banale de la chirurgie esthétique en Chine. L’engouement touche surtout la génération née après l’an 2000, qui le partage très largement sur les réseaux sociaux. Auprès de ces jeunes, posséder des oreilles taillées comme celles d’un elfe ou d’un lutin donne un effet mince et jeune au visage. En clair, il s’agit d’obtenir une forme pointue, un rien plus pro- éminente et légèrement décollée. Deux possibilités s’offrent aux candidats: la pose d’un implant ou d’un cartilage provenant de l’arrière de l’oreille, ou l’injection d’acide hyaluronique. Les risques d’infection, d’allergie ou de nécrose de la peau existent. Et si la mode s’estompait, mieux vaut ne pas avoir trop abusé de l’effet oreilles d’elfe…
La séduction ne passe plus par le nez
Autre reliquat de l’évolution qui a perdu toute utilité: l’organe voméronasal, un petit tube situé dans le nez. Il doit son nom à un os du nez, le vomer, qui forme la partie postéro-inférieure du septum de la cloison des fosses nasales. Aussi appelé «organe de Jacobson» (du nom de son découvreur, Ludwig Jacobson), il permet de détecter les phéromones, les molécules qui déclenchent le désir, alertent d’un danger ou permettent de traquer la nourriture. En somme, il régule les comportements sociaux (sexuel, parental, d’agression). L’outil olfactif joue un rôle essentiel chez les animaux. Tous les mammifères possèdent ce minuscule organe, de même que les reptiles et les batraciens. Chez l’homme, il se développe au stade de l’embryon, avant de s’atrophier chez le fœtus et d’être inopérant chez l’enfant et l’adulte, les cellules sensorielles étant inactives. Autrement dit, les phéromones ne servent à rien chez l’homme et la séduction chez les humains, contrairement à l’idée largement répandue, ne passe pas par le nez.
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