Les médicaments anti-rhume ont peu de vertus curatives et peuvent, pour certains, entraîner de graves effets secondaires. © PHOTOPQR/L'ALSACE

Effets secondaires, surdosage dangereux: pourquoi les médicaments contre le rhume sont une fausse bonne idée

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Pour lutter contre le rhume, rien ne sert de se gaver de pilules. Les médicaments de la gamme Sinutab sont déconseillés par les médecins et les pharmaciens en raison de leurs effets secondaires. Ils ont d’ailleurs été retirés de la vente libre le 1er novembre.

Le nez bouché, les yeux rougis, la tête qui bourdonne. Les symptômes ne trompent pas: le rhume affecte de nombreux Belges en ce mois de décembre. Direction la pharmacie pour faire le plein de médicaments? Mauvais réflexe. Pour lutter contre les rhinovirus et autres infections des voies respiratoires, les comprimés de type Sinutab ou Sinutab Forte ont en réalité peu d’effet curatif. «Ce ne sont pas des traitements qui vont s’attaquer directement à la racine du rhume, expose Pierre-Louis Deudon, médecin généraliste à Etterbeek. Ils ne vont pas raccourcir la durée des symptômes, mais juste améliorer le confort du patient.»

Surtout, l’utilisation de ces médicaments comporte des risques. Le Sinutab est composé de pseudoéphédrine, un dérivé de l’adrénaline. Si cette molécule permet de rétrécir les vaisseaux sanguins du nez et donc, d’encourager sa décongestion, elle agit également sur d’autres vaisseaux, notamment ceux du coeur et du cerveau. «On peut ainsi observer des cas d’hypertension maligne, qui peuvent engendrer des symptômes tels que des vertiges, des maux de tête ou des nausées, met en garde le généraliste. Les effets secondaires peuvent également être très dangereux pour les patients cardiovasculaires, y compris pour les patients qui s’ignorent: en cas d’anévrisme insoupçonné, il peut subitement être rompu.»

Publicité interdite

Le recours au Sinutab peut également engendrer des problèmes de foie. En effet, outre la pseudoéphédrine, le médicament contient aussi du paracétamol, ce que la plupart des patients ignorent. «Or, les personnes enrhumées vont généralement prendre un Dafalgan en complément du Sinutab, ce qui peut entraîner un surdosage dangereux, alerte Pierre-Louis Deudon. On peut vite monter à cinq ou six grammes de paracétamol par jour, ce qui peut gravement endommager le foie.»

En raison de ces risques importants, le Sinutab a été retiré de la vente libre depuis le 1er novembre en Belgique. Une prescription est désormais obligatoire pour s’en procurer. En France, le Sinutab et ses dérivés sont également soumis à une ordonnance depuis le 11 décembre. Une manière de mieux encadrer l’auto-médication, mais également d’interdire la publicité liée à ces substances. Les médicaments sous prescription ne peuvent en effet pas faire l’objet de promotion. «Tout le marketing autour du Sinutab était réellement problématique», regrette le médecin généraliste.

Plus de charge pour les médecins

Cette évolution de la réglementation a provoqué une ruée anticipative dans les pharmacies. Selon la société de distribution pharmaceutique Febelco, la demande pour le Sinutab a été multipliée par six dès le lendemain de l’annonce de l’ordonnance obligatoire, début octobre. D’autant que l’automne coïncide généralement avec l’apparition des premiers rhumes. «On observe toujours une augmentation de la demande de Sinutab à cette période, confirme Hervé Mees, pharmacien d’officine à Ressaix (Binche). Alors qu’on vend généralement quatre boîtes au mois d’août, on en écoule plutôt une vingtaine en octobre.»

Une demande qui reste malgré tout limitée, grâce au rôle de conseil déjà rempli par les pharmaciens. «Quand un patient souhaite acheter un sinutab, nous l’alertons évidemment sur les effets secondaires et le renseignons sur sa composition, en lui recommandant la posologie adéquate, insiste Hervé Mees. Nous ne sommes pas des simples distributeurs de médicaments.» Avec la nouvelle législation, le pharmacien craint un déplacement de la charge de travail vers les généralistes, déjà débordés. «J’espère que, comme nous, les médecins continueront de déconseiller l’usage de ce médicament et ne délivreront pas des prescriptions à gogo. Si non, tout notre travail de conseil effectué par le passé risque de tomber à l’eau.»

Les mouchoirs… et la patience

Les experts médicaux redoutent également un glissement de la demande de Sinutab vers d’autres médicaments en vente libre, tels que des sprays décongestionnants, dont les risques d’accoutumance ont été prouvés. «Au-delà de 4 ou 5 jours d’utilisation, le nez s’habitue au médicament, confirme Pierre-Louis Deudon. Il y a donc un risque que le nez se rebouche automatiquement et que le patient devienne dépendant du médicament.» Non soumis à la prescription, ces sprays se vendent beaucoup sur internet, contrecarrant le rôle de conseil des pharmaciens.

Pour traiter le rhume sans danger, rien de tel que les remèdes de grand-mère. «Les inhalations à base d’eau bouillante et d’huiles essentielles réduisent significativement l’inflammation des grosses voies respiratoires et sont donc très efficaces en cas de perte de voix, insiste Jean-Louis Deudon. En plus, elles dégagent aussi les narines.» Comme alternative aux sprays nasaux agressifs, mieux vaut opter pour des sprays hypertoniques (à base d’eau de mer ou d’eucalyptus) ou des sérums physiologiques. Le port du masque reste également recommandé en cas de maladie. «Mais le meilleur traitement, c’est la patience», rappelle Pierre-Louis Deudon. Les symptômes du rhume disparaissent d’eux-mêmes, généralement après une semaine.

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