La mauvaise hygiène reste une des premières causes d’infections pour le porteur de lentilles. © getty images

Pourquoi les lentilles de contact nous gênent souvent

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Les lentilles de contact peuvent être source d’inconfort. L’origine peut être simplement mécanique, mais aussi allergique ou infectieuse.

Les premiers accrocs arrivent quelquefois au tout début de la rencontre entre l’œil et la lentille. Ce fut le cas pour Elise, 15 ans. Joueuse de basket, elle espérait se débarrasser de ses lunettes de sport qui lui mangent la moitié du visage. «Mais je ne parvenais pas à les oublier, c’était très désagréable de sentir la présence d’un corps étranger dans l’œil.» Après deux mois, l’adolescente jette l’éponge. Fragile et sensible, l’œil peut en effet mal supporter cette intrusion entre la paupière et la cornée, surtout s’il s’agit d’une lentille rigide. Plus performante que la lentille souple pour la qualité de correction visuelle (étant sur mesure et s’adaptant parfaitement à la physiologie de chaque œil), elle demeure plus difficile à tolérer. Plus mobile et plus épaisse, elle présente un bord sur lequel vient frotter la paupière à chaque clignement, induisant un larmoiement et un spasme de la paupière. Après quatre à six semaines, l’intérieur de la paupière devient insensible à sa présence et l’adaptation est réussie.

La cornée a un besoin permanent d’oxygène. La lentille a donc tendance à l’asphyxier.

Cela ne signifie pas pour autant que la cohabitation sera longue et stable. Dans la durée, des complications peuvent entraîner un retrait temporaire ou définitif des lentilles: sécheresse oculaire, conjonctivite, allergie aux produits d’entretien (assez rare néanmoins), manque d’oxygène de la cornée, kératite (inflammation de la cornée) infectieuse ou non… Le catalogue est long. Ces complications sont toutefois devenues marginales aujourd’hui, et tant la qualité des solutions d’entretien que celle des lentilles s’est nettement améliorée ces dernières années.

Le mésusage des lentilles et l’inobservance des règles d’hygiène restent en réalité les premières causes des dangers qui guettent le patient. Ceux-ci peuvent entraîner des pathologies, dont certaines graves et d’autres pas forcément visibles ou douloureuses. La cornée a un besoin permanent d’oxygène. Poser une coupole par-dessus a donc tendance à l’asphyxier. Or, l’oxygénation sera d’autant plus diminuée si la lentille présente des dépôts, si elle est détériorée parce que sa durée de vie est dépassée ou encore si elle est mal adaptée, par exemple si elle est trop serrée. Quand la cornée est régulièrement privée d’oxygène, des petits vaisseaux sanguins s’y développent et, à terme, gênent la vision. Ce mécanisme est appelé néovascularisation: pour pallier le manque d’oxygène extérieur, l’œil crée de nouveaux vaisseaux sanguins afin d’amener l’oxygène de l’intérieur. Ces nouveaux vaisseaux finissent par envahir la cornée, ce tissu transparent.

Ce n’est pas le seul risque pour le porteur de lentilles. Le péril majeur est le risque infectieux, une kératite, notamment au niveau de la cornée. L’origine de l’infection est principalement bactérienne, rarement amibienne (les amibes sont des micro-organismes présents dans l’eau, particulièrement dans les pays chauds), fongique ou virale. Une contamination bactérienne peut survenir précisément par négligence: mal nettoyer les lentilles, leur boîtier, les laver à l’eau, les garder sous la douche, à la piscine ou pendant la sieste, voire la nuit. Une autre source de contamination peut être une simple atteinte mécanique, une petite lésion de l’épithélium, la couche superficielle de la cornée, équivalente à une gerçure pour les lèvres. Cette microblessure, qui risque de s’infecter en présence de bactéries, se produit, par exemple, si le patient manipule trop brutalement ses lentilles ou s’il les porte trop longtemps – plus de dix heures.

Le risque le plus redouté est l’apparition d’un abcès de la cornée.

Le risque le plus redouté est alors l’apparition d’un abcès de la cornée, une poche de pus pouvant aboutir à la perforation de l’œil. Les études montrent en effet que la moitié des abcès cornéens se produisent chez des porteurs de lentilles…

Les différents types de lentilles

Souples hydrogel: la structure du matériau utilisé permet de s’adapter à l’œil. Plus agréable à porter, elle offre une bonne oxygénation.

Souple silicone hydrogel: matériau hautement respirable, le silicone hydrogel laisse passer cinq à sept fois plus d’oxygène.

Rigides: perméables au gaz, elle permettent à l’oxygène de passer entre la cornée et la lentille. Elles corrigent aussi de fortes dioptries et sont recommandées dans les cas de sécheresse oculaire.

Hybrides: leur centre est rigide, perméable au gaz, et la zone périphérique est souple.

Sclérales: de grand diamètre, elles s’appuient sur la sclère, la partie blanche de l’œil, moins sensible que la cornée. Elles s’adressent notamment au porteur dont la cornée est irrégulière ou présentant des anomalies.

Porter des lentilles la nuit pour mieux voir le jour

Et si pour bien voir, ce n’est pas le jour que vous devriez porter des lentilles mais la nuit? Encore peu connue en Belgique, cette solution nommée orthokératologie peut surprendre les non-initiés à qui on a toujours répété qu’il fallait enlever ses lentilles au coucher. Elle s’adresse aux myopes légers ou moyens (jusqu’à – 5, parfois – 7 de dioptrie) et aux astigmates (jusqu’à 4 de dioptrie), de façon plus marginale aux hypermétropes et aux presbytes. Portées au moins sept à huit heures par nuit, ces lentilles, rigides, exercent une pression sur la partie centrale de la cornée et permettent d’avoir une vision nette au réveil, sans lunettes ni lentilles, durant environ 24 heures. L’effet demeure temporaire: la cornée reprend ensuite sa forme naturelle, ce qui oblige à porter ces lentilles chaque nuit. Le résultat visuel optimal se stabilise au bout de trois semaines et la technique nécessite plusieurs contrôles pour s’assurer que les lentilles, réalisées sur mesure, soient correctement réglées. Le coût annuel d’une paire s’élève de quatre cents à six cents euros.

Une alternative à la chirurgie réfractive pour Yves, à qui une opération faisait «un peu peur». Le trentenaire, très sportif, peut «conduire, nager, faire du VTT sans craindre de prendre une poussière dans l’œil». «Porter des lunettes peut être désagréable. Les yeux secs, la poussière dans l’œil quand on fait du sport, qu’on va à la plage ou à la piscine: porter des lentilles de nuit évite tous ces effets négatifs.» Une option également pour ceux qui souffrent de sécheresse oculaire, pour les sportifs de haut niveau ou encore des professionnels exposés à l’eau, au vent ou à la poussière.

Ce type de lentilles serait également recommandé pour freiner la myopie chez les enfants. La technique serait intéressante à partir de 8 ans, et chez le jeune adolescent, l’âge où l’évolution de ce trouble est la plus importante. Néanmoins, à ce jour, les spécialistes manquent de données sur les conséquences et les bénéfices à moyen et long termes. Ils constatent cependant un effet rebond à l’arrêt. Si un enfant commence à porter ces lentilles, il est probable qu’il devra les garder au moins jusqu’au début de l’âge adulte, période où la myopie se stabilise.

Les ophtalmologistes demeurent cependant frileux à l’égard de l’orthokératologie. Le risque infectieux s’avère déjà important lors du port de lentilles de contact classiques, mais il l’est davantage avec ces lentilles qui restent toute la nuit sur un œil fermé dans lequel des sécrétions s’accumulent. La technologie accroît de fait le manque d’oxygène dont a besoin la cornée, le hublot transparent situé devant la zone colorée de l’œil et qui concentre 60% de la puissance visuelle. Pour conserver sa transparence et sa performance, la cornée a besoin d’oxygène qu’elle puise dans l’air, les yeux ouverts. Durant le sommeil, équipée de lentilles de nuit, elle souffre et risque de développer un œdème, c’est-à-dire un gonflement, qui modifie sa courbure et compense ainsi la myopie. Ici aussi, les professionnels manquent de recul pour évaluer le risque qu’entraîne cette pression mécanique à long terme, une fragilisation, voire une détérioration des tissus de la cornée.

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