Pourquoi les femmes sont plus susceptibles d’être dépendantes au tabac
Le cancer du poumon est devenu le deuxième le plus fréquent chez les femmes. Une hausse en lien direct avec le tabagisme féminin, en augmentation relative ces dernières décennies, alerte la Fondation contre le cancer. Un phénomène qui s’explique par plusieurs facteurs, tant hormonaux que psychologiques.
C’est un chiffre en perpétuelle augmentation. Depuis une vingtaine d’années, les femmes sont de plus en plus nombreuses à souffrir du cancer du poumon. A tel point qu’il détrône désormais le cancer du côlon, pour devenir le deuxième type de cancer le plus fréquent chez les femmes, juste derrière le cancer du sein. Ainsi, en 2021, plus de 3.500 nouveaux cas ont été diagnostiqués, selon les statistiques publiées par la Fondation contre le cancer à l’occasion de la journée mondiale contre le cancer du poumon, ce 1er août.
Bien qu’il reste encore moins répandu que chez les hommes (5.675 nouveaux cas enregistrés en 2021), l’augmentation du cancer du poumon chez les femmes alerte la communauté scientifique, en raison notamment de son haut taux de mortalité. La survie à cinq ans après le diagnostic reste malheureusement très basse (environ 25%). Près de 6.000 personnes, tous genres confondus, sont décédées des suites de ce cancer en 2021.
Pour expliquer cette importante augmentation chez les femmes, la Fondation contre le cancer pointe du doigt le tabagisme féminin, en hausse relative ces dernières années. « Le tabac est responsable de 90% de ces cancers », rappelle Suzanne Gabriels, experte en prévention tabac au sein de la Fondation. Alors que chez les hommes, comme dans la population générale, la proportion de fumeurs quotidiens est en baisse constante depuis 1997, cette tendance ne s’observe pas de manière similaire chez les femmes. Selon l’Institut de santé publique belge Sciensano, la proportion de fumeuses quotidiennes a même augmenté entre 1997 et 2001, passant de 20,3 à 23,5% (+3,2 points), et entre 2008 et 2013, passant de 17% à 19,1% (+2,1 points). Logiquement, les effets de ces augmentations au cours des dernières décennies s’observent aujourd’hui dans les diagnostics de cancer du poumon.
L’effet pandémie sur le tabagisme
Si le nombre de fumeuses a ensuite chuté depuis 2013 pour s’établir à 12% en 2018 (les dernières statistiques en date en Belgique), il pourrait bien avoir à nouveau augmenté durant pandémie de coronavirus. En France, le pourcentage de femmes fumeuses est ainsi passé de 20,7 en 2019 à 23% en 2021. « Un phénomène qui s’explique en partie par un stress élevé en temps de crise sanitaire, la cigarette étant utilisée comme un outil de gestion de l’anxiété », observe Santé Publique France.
A l’heure où les plans « anti-tabac » et les campagnes de sensibilisation font florès, comment expliquer que la cigarette reste populaire auprès des femmes ? Suzanne Gabriels pointe deux raisons principales à ce phénomène : la rapidité de la dépendance, plus importante chez les femmes que chez les hommes, ainsi que leur plus faible capacité à arrêter de fumer.
Les pièges tendus par l’industrie du tabac
« Les jeunes femmes sont plus susceptibles que les garçons de devenir accros à la cigarette, débute Suzanne Gabriels. Cela s’explique par des facteurs hormonaux, mais également par des dispositions psychologiques. » Les jeunes filles peuvent ainsi se mettre à fumer en raison d’une faible estime de soi ou d’une vulnérabilité émotionnelle. L’industrie du tabac l’a bien compris. « Les fabricants saisissent ces opportunités et jouent sur cette fragilité, notamment via les réseaux sociaux et les influenceurs, déplore l’experte. Ces pièges ont été encore davantage tendus durant la pandémie. » Ainsi, les filles de 16 ans deviennent dépendantes après à peine 3 mois alors que les garçons du même âge mettent environ 6 mois, selon plusieurs études.
En outre, les femmes ont également plus de difficultés à arrêter de fumer, souligne Suzanne Gabriels. Et ce, notamment à cause de la peur de prendre du poids, plus prégnante chez les femmes que chez les hommes, estime l’experte, qui rappelle que la nicotine coupe la sensation de faim. Cette plus faible capacité à arrêter de fumer pourrait également s’expliquer par l’aide au sevrage, moins adaptée aux femmes. Les médicaments de désaccoutumance au tabac, davantage testés sur les hommes que sur les femmes, se révéleraient ainsi moins efficaces.
Des campagnes de sensibilisation plus ciblées?
Outre le cancer du poumon, le tabagisme peut également entraîner d’autres effets néfastes sur la santé des femmes, alerte encore la Fondation contre le cancer. Associé à la pilule contraceptive, il augmente notamment les risques de maladies cardiovasculaires.
Afin de lutter contre le tabagisme féminin, Suzanne Gabriels insiste sur la nécessité de prendre davantage en compte la dimension genrée dans l’aide au sevrage, tant médicale que professionnelle. Des campagnes de sensibilisation plus ciblées seraient également les bienvenues, conclut l’experte.
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