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Pourquoi l’endométriose passe sous les radars, alors que 10% des femmes en souffrent

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

L’endométriose, maladie chronique et invisible, affecte celles qui en souffrent sur le plan familial, conjugal, physique, moral, financier et professionnel. La diagnostiquer relève pourtant toujours du parcours du combattant.

Un tiers des femmes (34%) souffrant d’endométriose ont consommé des opioïdes en 2022, pour calmer leur douleur. Ce n’est le cas que pour 13% des femmes épargnées par cette pathologie. Le recours à ces puissants analgésiques donne une idée de la difficulté de vivre avec cette maladie chronique invisible mais invalidante. L’endométriose qui se caractérise par la présence, en dehors de la cavité utérine, de tissus semblables à la muqueuse de l’utérus (endomètre) sur d’autres organes proches comme les intestins, la vessie ou les ovaires, provoque de fortes douleurs pendant les règles et lors des rapports sexuels. Elle peut aussi engendrer des problèmes intestinaux ainsi que des maux de dos.

En Belgique, une femme sur dix souffre de cette maladie qui ne se guérit pas et dont les premiers symptômes surviennent généralement dans la première moitié de la vingtaine. «Ce n’est pas une affection nouvelle, détaille Clara Noirhomme, chercheuse au service d’études des Mutualités chrétiennes. Mais en raison de la normalisation, de l’invisibilisation et de la décrédibilisation de la douleur des femmes, elle n’a pas reçu, pendant longtemps, l’attention que les patientes méritaient.» Il faut ainsi souvent patienter plusieurs années pour qu’un diagnostic d’endométriose soit enfin clairement posé.

Dans une récente enquête, les Mutualités chrétiennes se sont penchées sur le sort des femmes souffrant d’endométriose. Leurs conclusions? Ces femmes présentent un état de santé dégradé, elles doivent plus que d’autres recourir à des soins, ce qui les pénalise non seulement physiquement mais aussi financièrement.

Insémination artificielle et FIV

L’endométriose va aussi de pair avec des problèmes d’infertilité. Selon l’étude des Mutualités chrétiennes, 19% des femmes atteintes d’endométriose ont eu recours à l’insémination artificielle ou à la fécondation in vitro entre 2017 et 2023. Dans le reste de la population féminine, cette part n’excède pas 3%. Quelque 71% d’entre elles n’ont d’ailleurs pas d’enfants.

«Un diagnostic s’obtient plus facilement lorsque le symptôme principal est l’infertilité que la douleur», observe Clara Noirhomme, pour qui le sous-diagnostic de cette pathologie s’explique entre autres par la normalisation sociétale de la douleur des femmes.

«5% des patientes ont consulté jusqu’à douze gynécologues différents.»

Clara Noirhomme, chercheuse.

L’étude des Mutualités chrétiennes, menée auprès de plus de 4.000 patientes âgées de 12 à 50 ans, montre bien la difficulté d’obtenir ce diagnostic. Les participantes à cette enquête qui ont été hospitalisées ou en incapacité de travail du fait de l’endométriose ont en moyenne rencontré cinq gynécologues différents en trois ans avant d’apprendre la nature du mal qui les affectait. Quelque 5% en ont même consulté douze!

Si l’endométriose affecte la qualité de vie de celles qui en souffrent sur le plan du sommeil, de l’énergie, des relations conjugales et familiales, elle les frappe aussi professionnellement. Une patiente sur quatre a été en incapacité de travailler pendant au moins un jour en 2022, soit deux fois plus que les femmes non atteintes. Une sur quatre encore a dû être hospitalisée en 2022 alors que ce n’était le cas que de 5% des autres femmes.

Les multiples démarches médicales et traitements liés à cette maladie ont évidemment un coût: les femmes qui souffrent d’endométriose dépensent en moyenne 641 euros par an en soins de santé, contre 267 euros pour les autres. En cas d’hospitalisation ou d’incapacité de travail, la facture monte à 1.495 euros en moyenne. Pour 5% de ces patientes, elle dépassera même 4.695 euros, à leur charge exclusive. Et encore, ces coûts peuvent-ils être sous-estimés, précise l’étude.

«Les femmes vivant dans des conditions économiques précaires sont sous-représentées dans cette enquête car elles ont beaucoup plus de difficultés à trouver leur chemin vers les soins en raison des freins rencontrés, souligne Clara Noirhomme. Ces freins sont liés aux coûts engendrés par cette maladie et au parcours à mener pour obtenir les soins adéquats.

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