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Pourquoi le réchauffement climatique nous fait perdre 11 nuits de sommeil par an

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Le dérèglement climatique planétaire fait perdre, en moyenne, par an, 44 heures de sommeil par individu, et cela ne fera qu’empirer. En cause: une température nocturne trop élevée.

A quel moment s’endort-on? Obligatoirement quand le corps s’est refroidi de 1 °C à 1,5 °C, un processus qui s’enclenche environ deux heures avant de gagner le lit. La température corporelle diminue lentement et atteint son minima entre 3 heures et 4 heures du matin. Les scientifiques ignorent pourquoi la température du corps humain baisse durant la nuit mais ils savent, en revanche, que ce processus refroidit l’organisme et le cerveau, ce qui entraîne un ralentissement du métabolisme et permet au corps de récupérer. Cet abaissement de la température est orchestrée par l’hypothalamus, siège de l’horloge circadienne centrale, sous l’influence de la luminosité et de l’activité physique.

Voilà pour la mécanique interne. Quant à la durée moyenne des nuits, elle s’est raccourcie, ces dernières décennies, d’une heure à une heure et demie, passant en dessous des sept heures. Le résultat de l’évolution de nos modes de vie.

L’élévation des températures pourrait accentuer la tendance, amplifiant le risque d’une dette de sommeil globale, partout sur la planète. Ainsi, le nombre annuel de jours de températures nocturnes supérieures ou égales à 15 °C, mesuré en Belgique par l’Institut royal météorologique (IRM), montre qu’il croît de manière significative: + 3,9 jours par décennie depuis 1981, avec des conséquences néfastes sur le sommeil.

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Le nombre de jours par an avec une température nocturne supérieure ou égale à 15°C

Des recherches ont déjà mis en évidence l’incidence de la chaleur extérieure sur la qualité du sommeil. Mais en août 2022, la vaste étude européenne «Rising temperatures erode human sleep globally» a pour la première fois quantifié le phénomène. Les chercheurs ont eu accès à une énorme base de données de plus de sept millions d’enregistrements de nuits, obtenus grâce à des bracelets connectés, chez 47 628 personnes dans 68 pays, corrélés aux données météo locales. Des effets «clairs» sur le sommeil ont été observés dans tous les pays dès que la température nocturne était supérieure à 10 °C.

Réchauffement climatique = moins d’heures de sommeil

Quand les températures restent élevées la nuit, influençant directement la température de la chambre, on s’endort plus tard, se lève plus tôt et dort donc moins longtemps. Les perturbations se traduisent également par une augmentation des microréveils et une fragmentation du sommeil paradoxal, lieu des rêves. Au-delà de 25 °C, la probabilité de dormir moins de sept heures augmente de 3,5% par rapport à une nuit où le thermomètre se situe entre 5 °C et 10 °C.

Selon ces observations, le réchauffement climatique planétaire fait déjà perdre, en moyenne, 44 heures de sommeil par individu et par an. Soit l’équivalent de onze nuits avec moins de sept heures de sommeil. En restant sur la courbe actuelle d’évolution du climat, l’humain pourrait perdre jusqu’à 50 à 58 heures de sommeil à l’horizon 2099. Une projection d’autant plus préoccupante qu’un sommeil perturbé est un facteur de risque bien connu de certaines pathologies, au premier rang desquelles les maladies cardiovasculaires.

Enfin, l’étude montre que les habitants des régions les plus chaudes rapportent davantage de troubles du sommeil, suggérant, passé un certain seuil, des limites aux capacités d’adaptation du corps humain. «On ne peut pas faire le pari que la simple adaptation physiologique à ces hausses de température réglera le problème», conclut sans détour le responsable de l’étude, Kelton Minor, chercheur à l’université de Copenhague.

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