Pourquoi le «mouth-taping» est si populaire auprès des jeunes: «Cela peut être assez effrayant»

Les sportifs de haut niveau et les jeunes sont devenus de grands adeptes du « mouth-taping », une pratique qui consiste à placer du scotch sur ses lèvres durant la nuit afin d’optimiser sa respiration nasale et mieux dormir. Une technique sans danger?

Le scotch buccal est LA nouvelle tendance en matière de respiration chez les sportifs de haut niveau. Erling Haaland, attaquant de Manchester City, en est un grand adepte: il se « scotche » les lèvres presque toutes les nuits. Sa respiration nasale et son sommeil s’en verraient ainsi améliorés, tout comme ses performances, confie-il dans un podcast. Sur TikTok, les conseils du jeune footballeur norvégien ont inspiré les influenceurs, qui sont désormais nombreux à vanter les mérites du mouth-taping dans leurs vidéos.

Une pratique efficace? «La respiration n’est pas la fonction première de la bouche, débute Katrien Geeraerts, coach en respiration. Au contraire du nez, qui filtre et humidifie l’air sec qui arrive, permettant ainsi de contenir les virus et bactéries dans la muqueuse nasale. Par ailleurs, comme l’air doit parcourir un plus long chemin par le nez que par la bouche, il est bien réchauffé lorsqu’il atteint les poumons, ce qui engendre une sensation agréable.»

Selon Katrien Geeraerts, le mouth-taping permet d’améliorer la qualité du sommeil et la sensation d’énergie au réveil, pour deux raisons principales: «D’abord, la respiration par le nez produit de l’oxyde nitrique, qui dilate les vaisseaux sanguins et assure une meilleure absorption de l’oxygène, explique l’experte. L’oxyde nitrique est également présent dans le Viagra, par exemple. Il tue aussi davantage de bactéries. Ensuite, la respiration nasale se fait avec l’abdomen, qui stimule le système nerveux parasympathique, comparable à la « pédale de frein » du corps.»

Lutter contre les caries

Les dentistes préconisent également de dormir la bouche fermée, pour prévenir la formation de caries. Quand la bouche est ouverte, l’air inspiré devient en effet plus sec, ce qui assèche la plaque dentaire parfois formée sur les dents au cours de la nuit. Un risque qui peut être réduit grâce au fil dentaire, malheureusement peu utilisé en Belgique, regrettent les dentistes.

Au vu de ses vertus, le mouth-taping devrait-il être popularisé? Les études scientifiques sur la pratique sont malheureusement rares. Celles qui existent se concentrent principalement sur les personnes souffrant d’apnée du sommeil, un trouble souvent associé au ronflement, qui entraîne des interruptions régulières de la respiration durant la nuit. D’après ces études sommaires, le mouth-taping réduirait le risque de ronflement chez les personnes souffrant d’apnée légère, améliorant ainsi leur qualité de sommeil. Des recherches complémentaires sont toutefois nécessaires, notamment auprès des patients qui ne ronflent pas.

Une pratique dangereuse?

Au vu du manque de recherches empiriques le sujet, la plupart des spécialistes du sommeil se méfient de l’obstruction des voies respiratoires durant la nuit. Beaucoup redoutent même des complications. En cas de problèmes pulmonaires ou de difficultés à respirer par le nez en raison d’une déviation de la cloison nasale, le mouth-taping pourrait se révéler dangereux. L’absorption d’oxygène risque en effet d’être limitée.

Les personnes souffrant de ronflement sont également invitées à consulter un médecin avant de se lancer dans le mouth-taping. Des tas d’autres solutions existent pour lutter contre le phénomène, comme l’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM), un appareil qui permet d’avancer la mâchoire inférieure de quelques millimètres, dégageant ainsi les voies respiratoires obstruées.

En cas de recours au mouth-taping, quelques conseils s’imposent. «Allez-y par étapes, préconise Katrien Geeraerts. Testez d’abord le scotch buccal en journée, pendant que vous êtes concentré sur votre travail ou que vous regardez un film. Mieux vaut éviter de l’appliquer pendant toute une nuit lors d’une première utilisation, car cela peut être assez effrayant.» La coach en respiration conseille également d’utiliser le MyoTape, un ruban adhésif spécialement conçu pour le sommeil, qui s’applique autour des lèvres sans les recouvrir totalement. «C’est le produit le plus agréable, car il permet de garder un petit espace entre les lèvres.»

Réduction des voies respiratoires

La respiration par la bouche est peu courante, mais se fait naturellement en parlant, en riant, en faisant un effort physique ou en bâillant. Si respirer par la bouche en continu n’est pas conseillé, de nombreuses personnes le font sans s’en rendre compte, aussi bien la nuit que le jour. Car, selon le journaliste d’investigation américain James Nestor, l’homme est aujourd’hui devenu «le pire respirateur du règne animal».

Dans son best-seller international «The New Breathing», il décrit comment l’humain est passé d’une respiration essentiellement par le nez à une respiration par la bouche, notamment à cause de l’introduction d’aliments plus mous. Alors que nos ancêtres étaient dotés de visages larges, de mâchoires et d’orifices nasaux imposants ainsi que de dents droites, les bouches et les voies respiratoires se sont rétrécies au fil des siècles en raison d’une mastication moins importante. Conséquence: les dents sont de moins en moins soutenues dans la bouche. 80 à 90 % des personnes ont les dents de travers, alors que tous les autres mammifères ont des dents parfaitement droites, note le journaliste.

«La réduction de la bouche et des voies respiratoires, la pollution de l’air, la sédentarité ou encore des vêtements trop serrés ont concouru à faire de l’homme moderne un très mauvais respirateur, résume James Nestor. Avec des conséquences néfastes: le rétrécissement des voies respiratoires entraîne une augmentation des apnées du sommeil, des ronflements et même de certaines formes d’asthme et d’allergies.»

Hyperventilation

L’hyperventilation (chronique) est également un problème croissant chez l’Homme moderne. La respiration par la bouche conduit à une inspiration plus importante d’oxygène, ce qui ne constitue pas un problème en soi. Mais cette manière de respirer entraîne également une expiration de trop grandes quantités de dioxyde de carbone, et donc la chute de son niveau dans le sang. Or, le dioxyde de carbone est crucial pour l’absorption de l’oxygène dans le sang. Paradoxalement, une respiration excessive crée donc un manque d’oxygène et provoque, sans crier gare, toutes sortes de symptômes tels que fatigue, vertiges, troubles de la vision, contraction des paupières, fourmillements et sensation de boule dans la gorge.

«L’hyperventilation chronique est une pathologie dont beaucoup de gens souffrent sans le savoir, explique Katrien Geeraerts. Le stress chronique pousse à respirer trop vite et trop superficiellement par la bouche, comme si vous couriez un marathon, ce qui fait perdre des quantités trop importantes de dioxyde de carbone. À long terme, l’organisme s’adapte à ces nouveaux niveaux de concentration trop faibles: ramener la tolérance au dioxyde de carbone à un seuil « normal » est extrêmement complexe. Le scotch buccal, en limitant la respiration par la bouche, consitue ainsi une bonne solution pour lutter contre l’hyperventilation chronique. Mais les exercices de respiration sont encore plus efficaces, car ils permettent de respirer plus modérément et de maintenir le niveau de dioxyde de carbone à un seuil suffisant.»