Pourquoi il vaut mieux boire un soda normal qu’un soda light

L’OMS vient officiellement de classer l’aspartame dans la catégorie « possiblement cancérigène ». Le point en 4 questions avec le bioingénieur Eric De Maerteleire.

Le 14 juillet dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis un avis quelque peu confus sur l’édulcorant aspartame : bien qu’il existe un danger scientifiquement prouvé en ce qui concerne le cancer, l’aspartame peut continuer à être utilisé parce qu’il n’a pas encore été prouvé que les quantités journalières actuellement recommandées présentent un risque élevé pour la population. Des recherches supplémentaires sont nécessaires », a déclaré l’OMS.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) doit désormais décider si elle appliquera le principe de précaution et prendra des mesures à l’égard de l’aspartame.

Par cet avis, l’OMS souhaite surtout envoyer un signal à la communauté scientifique. Mais que doit faire le consommateur dans l’intervalle ?

1. Qu’est-ce que l’aspartame et où le trouve-t-on ?

L’aspartame (E951 et E962) est présent dans les boissons gazeuses légères, les jus de fruits, les chewing-gums sans sucre et certaines glaces et boissons lactées. Il s’agit d’une combinaison d’acide aspartique, de phénylalanine et de méthanol. Il est environ 200 fois plus sucré que le sucre, mais sans les calories associées. L’industrie alimentaire l’utilise pour lutter contre la crise mondiale de l’obésité et commercialiser des produits au goût sucré sans faire grossir l’utilisateur. Cela ressemble à une bénédiction, non ?

« Pas tout à fait, répond le bioingénieur Eric De Maerteleire. Les produits allégés ne sont pas efficaces pour contrôler le poids corporel, parce qu’ils continuent à stimuler l’envie de sucré. Les édulcorants artificiels signalent au cerveau que le sucre arrive, ce qui pousse le pancréas à produire de l’insuline pour transporter ce sucre vers les cellules du corps. Mais comme le sucre n’arrive pas, l’insuline commence à pousser le sucre déjà présent dans le sang vers les cellules. Conséquence : une fringale de sucre qui vous pousse à manger tout ce que vous trouvez. Et, généralement, ce ne sont pas de bonnes choses. »

2. Quelle est la nocivité de l’aspartame ?

Eric De Maerteleire rappelle L’aspartame a toujours fait l’objet de débats. En 2006 et 2007, l’institut italien Ramazzini avait montré que des rats présentaient un nombre remarquablement plus élevé de lymphomes et de leucémies à la suite de l’absorption de grandes quantités d’aspartame. « Cette étude a ensuite été contestée par toutes sortes d’autorités parce qu’elle n’impliquait qu’un nombre limité d’animaux de laboratoire et que les concentrations d’aspartame étaient beaucoup trop élevées ».

En particulier dans le cas des rates enceintes, l’aspartame provoque davantage de cancers chez les rats à naître. C’est inquiétant

Eric De Maerteleire

Toutefois, d’autres études animales réalisées ultérieurement, grâce à des methodes plus récentes et en injectant des quantités réalistes pour l’homme, ont confirmé l’existence d’effets cancérogènes. « Cela est également apparu clairement en 2020 dans des études portant sur des tissus réexaminés. En particulier dans le cas des rates enceintes, l’aspartame provoque davantage de cancers chez les rats à naître. C’est inquiétant », souligne Eric De Maerteleire.

Par ailleurs, poursuit le spécialiste, une étude publiée en 2021 dans Environmental Health indique qu’il existe des preuves sérieuses que l’utilisation de l’aspartame en grandes quantités pourrait être potentiellement cancérigène.

aspartame
© Getty

« Bien qu’il y ait quelques mises en garde à ce sujet, il est impossible d’extrapoler la recherche sur les souris et les rats à l’homme, nuance Eric De Maerteleire. Il est aussi très difficile de démontrer le lien de causalité entre le cancer et l’aspartame chez l’homme parce que, évidemment pour des raisons éthiques, nous ne disposons que d’études épidémiologiques. Celles-ci se contredisent quelque peu ».

Toutefois, une vaste étude menée en 2022 auprès d’environ 100 000 adultes français a révélé que les édulcorants artificiels, en particulier l’aspartame et l’acésulfame-K, étaient associés à un risque accru de cancer. Des risques plus élevés ont été observés pour le cancer du sein et les cancers liés à l’obésité.

Les scientifiques ne sont pas encore sortis d’affaire, mais le malaise est grand

Eric De Maerteleire

« Est-ce à cause des édulcorants artificiels eux-mêmes ?, interroge Eric De Maerteleire. L’aspartame se décompose en méthanol, puis en formaldéhyde, un agent cancérigène connu. Ou est-ce ç cause du fait que les édulcorants favorisent l’obésité, donc l’inflammation et donc le risque de cancer ? L’Institut national du cancer des États-Unis se demande à juste titre si l’augmentation de la leucémie chez les enfants américains, qui consomment beaucoup de boissons gazeuses artificiellement sucrées, n’est pas en partie due aux édulcorants. Les scientifiques ne sont pas encore sortis d’affaire, mais le malaise est grand« .

3. Les autres édulcorants artificiels sont-ils sans danger ?

En mai dernier, l’OMS a recommandé que les édulcorants artificiels en général ne soient pas utilisés pour contrôler le poids dans le cadre de la lutte contre l’obésité. Utilisés à long terme, ils affectent la composition du microbiome (l’ensemble des microbes présents dans le corps, ndlr). « Cela me préoccupe beaucoup, pointe Eric De Maerteleire. Car ils peuvent aussi présenter un risque légèrement accru de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires. À mon avis, cette déclaration est aussi importante que la discussion autour de l’aspartame. Je me préoccupe des conséquences à long terme lorsque je vois tant de jeunes boire du Cola Zero. Il vaut mieux être prudent avec les édulcorants artificiels. Envie d’une boisson gazeuse sucrée ? Buvez alors quelque chose avec du vrai sucre. Au moins, votre corps le reconnaît et sait comment le gérer. Mais là encore, il ne faut pas en abuser. »

4. Faut-il s’inquiéter si l’on consomme régulièrement des boissons light ?

En 2013, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a déclaré que l’aspartame n’était pas cancérigène si sa consommation ne dépassait pas 40 mg par kilogramme de poids corporel par jour. « Concrètement, illustre Eric De Maerteleire, pour une personne de 70 kg, cela correspond à 32 canettes de Cola Zero par jour. Bien entendu, personne ne boit autant ».

Toutefois, les recommandations ne font aucune distinction entre les adultes et les enfants. Il n’y a pas non plus de conseils spécifiques pour les femmes enceintes. « Puis il ne faut pas oublier les effets sur le microbiome et le métabolisme, conclut le spécialiste. Si vous me demandez mon avis, je limiterais la consommation de boissons rafraîchissantes légères à une seule par semaine. Ou mieux encore : zéro« .

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