Plusieurs raisons peuvent pousser les hommes à congeler leur sperme. - Getty image

Pourquoi certains hommes congèlent leur sperme

Stagiaire Le Vif

Certains hommes optent pour la congélation de sperme, aussi appelée cryoconservation. Pour eux, il s’agit d’un moyen de garder une chance d’avoir un enfant en cas d’une infertilité future, que cela soit en raison des traitements d’un cancer ou avant une vasectomie. Retour sur cette pratique pas si rare que ça.

On le garde, au cas où. Dans 18 centres en Belgique, de nombreux hommes viennent chaque jour congeler leur sperme, afin de le conserver plusieurs années. La procédure est simple : l’éjaculat est récupéré dans un petit pot, l’échantillon de sperme est analysé, nettoyé puis congelé sous forme de ‘paillettes de sperme’. « Ca porte ce nom car le sperme est stocké dans de petites pailles toutes fines qui, une fois congelées, peuvent être maintenues pendant des années », souligne la Dr Magali Verleysen, responsable du service PMA du Centre Hospitalier Régional Sambre et Meuse (CHSRM). 

Si le sperme congelé peut être techniquement conservé à vie, la loi belge prévoit toutefois une limite de 10 ans, qui peut être renouvelable avec un accord médical. Le coût annuel pour garder son sperme monte parfois à plus de cent euros, selon les prises en charge des assurances. Cela reste moins cher que la conservation d’ovocytes. 

Cancer et stérilité

Parmi les patients qui viennent pour une congélation de sperme, un bon nombre d’entre eux anticipent une baisse de la fertilité, souvent pour des raisons médicales.

C’est compliqué, car le patient reçoit deux coups de massue d’affilée: d’abord l’annonce du mauvais diagnostic, puis le fait de devoir rapidement prendre la décision de congeler son sperme ou non.

Magali Verleysen

« Des patients devant faire des radiothérapies ou des chimiothérapies pourront ensuite voir leur fertilité atteinte», indique la Pr Christine Wyns, cheffe de clinique dans le service de gynécologie-andrologie, et directrice médicale de la banque des tissus et cellules reproducteurs aux Cliniques Universitaires Saint-Luc. 

Les traitements contre certaines maladies, notamment le cancer, ont un possible impact sur la quantité de spermatozoïdes dans le sperme.  

«C’est compliqué, car le patient reçoit deux coups de massue d’affilée: d’abord l’annonce du mauvais diagnostic, puis le fait de devoir rapidement prendre la décision de congeler son sperme ou non. Alors que, souvent, le patient n’est pas du tout dans cette dynamique de savoir s’il veut un enfant ou pas», note Magali Verleysen. 

Dès la puberté, les hommes ont le choix d’avoir recours à la cryoconservation pour garder leur chance d’avoir un enfant après le traitement contre un cancer. Plusieurs années après, ils pourront opter, avec leur partenaire, pour une insémination artificielle intra-utérine (IAC) ou une fécondation in vitro (FIV)

Cette option de congélation n’est par contre pas possible pour les enfants, qui ne produisent pas de spermatozoïdes. Mais une alternative, aujourd’hui encore expérimentale, pourrait voir le jour dans les prochaines années. 

« On propose la congélation du tissu testiculaire, qui contient les cellules germinales qui sont à la base de la production des spermatozoïdes », explique Christine Wyns. Une fois arrivés à l’âge adulte, si ces patients ne produisent pas de spermatozoïdes, ils peuvent demander une restauration de la fertilité à partir du tissu. «Mais ça, dans le monde, cela n’a pas encore été fait », précise l’experte, qui ajoute que des études cliniques pourraient commencer dans l’avenir. 

Avant une vasectomie

«La vasectomie est de plus en plus répandue, donc on a plus de demandes de congélation qui y sont liées», constate Magali Verleysen. 

Une fois qu’on dépasse les 45 – 50 ans chez l’homme, il y a plus de risque qu’il y ait des défauts génétiques au niveau du sperme, ce qui augmente le risque d’avoir des enfants avec de l’autisme ou de la schizophrénie.

Dr Herman Tournaye, chef de service au Centre de la Reproduction Humaine de l’UZ Brussel

Cette pratique contraceptive se popularise dans le monde et en Belgique. En 2022, on comptait 15 260 interventions contre environ 8143 en 2007. L’opération comportant des risques d’irréversibilité, la congélation est alors une option possible si le désir d’enfant se fait sentir au bout de quelques années. 

Le Dr Herman Tournaye, chef de service au Centre de la Reproduction Humaine de l’UZ Brussel, précise qu’il existe tout de même d’autres interventions pour les patients ayant eu une vasectomie qui désirent un enfant. 

« Après une vasectomie, la production de spermatozoïdes ne s’arrête pas, ce qui se passe c’est qu’ils sont bloqués. Alors, il y a toujours moyen d’aller en aspirer au niveau des testicules, dans le cas d’une FIV, explique le médecin. Et on peut aussi faire des refertilisations par microchirurgie, après ça, environ 50% des hommes pourront faire des enfants.»

Avoir un enfant…après sa mort

Dans certains cas, il est possible que le sperme congelé soit utilisé après la mort pour concevoir un enfant. La pratique est encadrée. Avant son décès, le patient doit avoir spécifié dans un formulaire la personne qui pourra utiliser son sperme pour une fécondation. Les délais sont actuellement de deux ans après le décès, même si un projet de loi du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, vise à rallonger le délai à cinq ans. 

« Deux ans c’était trop court, et personnellement je pense que cinq ans ce n’est pas assez. Si vous avez 20 ans et que vous avez juste cinq ans pour faire un enfant avec le sperme de votre partenaire décédé, cela veut dire que vous devez l’utiliser avant 25 ans », signale Herman Tournaye. 

Cette question avait aussi été émise par une boulangère et blogueuse flamande, Laura Verhulst qui a eu cette année un enfant de son partenaire mort d’un cancer. «Je veux plaider en faveur d’une meilleure politique, afin que personne n’ait à supporter la pression du temps que je subis. Un an ne suffit pas pour faire un choix qui déterminera le reste de votre vie», a-t-elle écrit dans les pages du magazine Flair au moment où elle essayait de tomber enceinte. Cette dernière a indiqué au Vif vouloir aujourd’hui profiter du temps avec son enfant, et qu’elle se réjouissait du changement de la loi. 

Le «social freezing», pour les hommes aussi?

Le «social freezing» est une pratique qui consiste à congeler les ovocytes en prévention de l’infertilité liée à l’âge. Chez les femmes, dont la chance d’avoir une grossesse diminue après 35 ans, cette pratique est assez répandue. 

Les hommes, de leur côté, sont confrontés d’une autre manière à l’horloge biologique. «Une fois qu’on dépasse les 45 – 50 ans chez l’homme, il y a plus de risque qu’il y ait des défauts génétiques au niveau du sperme, ce qui augmente le risque d’avoir des enfants avec de l’autisme ou de la schizophrénie», avertit Herman Tournaye. 

Ce dernier constate que pour cette raison, le social freezing chez les hommes tend à se populariser aux États-Unis, alors que les pères de plus de 50 ans sont de plus en plus nombreux. «On voit qu’il y a des sites internet qui poussent au “social freezing” chez les hommes, c’est très commercial là-bas.»

La pratique n’est presque pas répandue en Belgique, mais il est possible qu’elle se popularise dans l’avenir, alors que l’âge de la paternité augmente dans le pays. Selon Statbel, en 2019, 2,1% des nouveaux pères avaient plus de 50 ans, en 1994, ce chiffre était de 0,7%.

Lila Maitre

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