Six jeunes admis chaque jour à l'hôpital pour abus d'alcool © belga

« Un compromis », « un texte totalement insuffisant »…: les réactions critiques au plan alcool interfédéral

Les ministres fédéraux et régionaux se sont accordés ce mercredi sur 75 mesures permettabt de lutter contre la consommation nocive d’alcool. Un plan que beaucoup jugent insuffisant.

Quinze ans après avoir émis l’idée, les ministres fédéraux et régionaux se sont entendus sur un plan pour lutter ensemble contre la consommation nocive de l’alcool en Belgique. La Conférence interministérielle de la Santé a donné son accord, mercredi, au Plan alcool interfédéral. Septante-cinq mesures pour lutter contre la consommation abusive et nocive d’alcool seront lancées, a annoncé le cabinet du ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit). Il vise à sensibiliser aux dangers liés à une consommation excessive d’alcool, comme le cancer; mieux détecter les excès et faciliter la redirection rapide vers des soins ad hoc; renforcer la prévention et la promotion de la santé; améliorer l’accès aux soins; et réduire les accidents de la route. 

Les réactions ne se sont pas faites attendre. Plusieurs organisations et experts ont émis des critiques envers le plan. Il n’irait pas assez loin, selon eux.

Selon la Fondation contre le cancer, « il s’agit d’un pas important dans la bonne direction« , le facteur de risque de l’alcool étant « largement sous-estimé » dans l’apparition de cancers. Cependant, cela reste insuffisant. « Il y a encore beaucoup de choses à faire en matière de publicité et d’accessibilité aux mineurs. Ce texte est un compromis, ce qui est habituel en Belgique », a estimé le Dr Vander Steichel, directeur médical à Fondation contre le cancer. « C’est l’alcool en tant que tel et non le type de boissons qui pose problème pour la santé. On pense communément que boire une bière est moins nocif qu’un alcool fort: c’est faux. »

« Totalement insuffisantes »

L’alcoologue Martin de Duve va un pas plus loin. Consulté à deux reprises lors de son élaboration, il se dit déçu par les modifications apportées entre le document qui lui a été soumis en janvier et la version finale. « La plupart des recommandations des experts n’y figurent pas ».

Les 75 mesures adoptées sont « totalement insuffisantes » quand on sait que « près de 14 % des Belges présentent une consommation problématique d’alcool, que 7 % en sont dépendants, et que près de 9.300 Belges mourront de leur consommation chaque année », a souligné M. de Duve. « Nous sommes devant un problème d’accès aux soins puisque les consultations chez un alcoologue ne sont pas remboursées ».

Même si on ne pourra plus vendre d’alcool la nuit le long des autoroutes, il déplore le fait que l’alcool reste disponible dans des endroits dont ce n’est pas la vocation. « Si on limitait la vente d’alcool aux magasins alimentaires ou spécialement dédiés, on éviterait la banalisation de la surconsommation. « L’alcool reste le produit psychotrope le plus important après le tabac et on le trouve partout: chez le boucher, à la librairie… », a expliqué le directeur de Univers Santé.

Composition

Il estime anormal que les valeurs nutritives de l’alcool ne soient pas indiquées sur les emballages. « C’est le seul produit que nous ingérons dont nous ne pouvons pas connaître la composition. La population devrait pouvoir choisir ce qu’elle consomme en fonction du nombre d’unités d’alcool contenues dans un emballage. Une bière spéciale de 33cl peut contenir jusqu’à 4 unités d’alcool« , a-t-il encore souligné.

Selon lui, le plan alcool devrait être plus restrictif encore avec la publicité et les opérations marketing afin de protéger le jeune public. « La publicité fait appel aux émotions. Or, le cortex préfrontal qui gère les émotions n’est formé qu’à partir de 25 ans. Sous cet âge, on est donc plus vulnérable à la publicité. Comme lorsqu’on souffre déjà d’addictions », a précisé M. de Duve qui espère que l’évaluation des mesures prévue en 2025 permettra d’aller plus loin dans la lutte contre la consommation nocive de l’alcool en Belgique.

Alcool au volant

L’Agence wallonne pour la sécurité routière (AWSR) exhorte également le Comité interministériel à aller plus loin que le Plan alcool concernant l’alcool au volant. Elle cite notamment l’introduction des autotests d’alcool dans les établissements horeca et le monde de la nuit, une mesure qui n’a pas été retenue à l’échelon fédéral. Elle souhaite également voir augmenter les contrôles routiers les nuits de week-end. En moyenne, un conducteur sur deux (47%) est positif à l’alcool parmi ceux testés dans ces moments-là.

Contenu partenaire